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2. Biais et limites

2.2. Biais et limites en lien avec l’évaluation

2.2.1. Biais et limites générales

2.2.1.1. Temps de l’évaluation

Les évaluations finale et initiale se sont déroulées sur deux séances de 45 minutes. Chaque séance a été menée à un bon rythme et sans pause afin de pouvoir présenter aux enfants l’ensemble du protocole de bilan. Très souvent, nous avons observé une baisse des compétences en fin de bilan et l’apparition d’une fatigabilité et d’une agitation. En effet, Kévin et Romane ne peuvent mobiliser leur attention que sur des temps assez courts et ont besoin de pause afin de remobiliser leurs compétences. De ce fait, la formule de passation n’était pas idéale pour ces enfants puis pour l’analyse des résultats. Nous pouvons imaginer que les données obtenues en fin de bilan ne sont pas le reflet des compétences réelles des enfants.

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2.2.1.2. Familiarité avec l’examinateur

Des différences dans le nombre et la qualité des échanges entre Kévin et Romane et l’examinateur sont apparues entre le bilan initial et final. Lors du bilan initial, Romane, a très peu interagi avec son interlocuteur et nous a semblé sidéré par cette nouveauté alors qu’au bilan final, elle a beaucoup plus échangé et interpellé l’adulte. Ces différences de comportements peuvent s’expliquer en partie par le degré de familiarité qu’ils entretenaient avec l’adulte. Romane et Kévin sont deux enfants qui peuvent être résistants aux changements et montrer des comportements d’anxiété voire de repli face à de nouvelles personnes et situations. Tout au long de la prise en charge, nous avons construit un lien relationnel avec les enfants qui ont bien investi la prise en charge que nous leur proposions. Ainsi, lors de l’évaluation finale, la familiarisation était complète ce qui a pu modifier les conditions de passation. Il est donc essentiel de prendre en compte cette donnée dans l’analyse de nos résultats. Cependant, il est tout de même à noter qu’avant l’évaluation initiale, une phase d’observation et de familiarisation avait été observée. Ainsi, nous ne pouvons que nuancer l’impact de cette donnée sur les résultats.

2.2.2. Biais et limites de l’évaluation de la théorie de l’esprit

2.2.2.1. Biais et limites des épreuves de la théorie de l’esprit affective

Bien que nous ayons simplifié et raccourci les tournures de phrases issues des épreuves « compréhension de la cause des émotions » et « compréhension des conséquences des émotions » proposées par Nader-Grosbois et son équipe dans leur protocole, des difficultés sont apparues au cours des évaluations. Les énoncés restent encore trop longues, trop complexes et le flux de parole est trop important. Notre but étant de limiter la participation de la compréhension du langage dans les résultats, nous avons, à plusieurs reprises, répété les histoires car les enfants ne les avaient pas comprises. D’autre part, ces épreuves utilisent des consignes verbales et des consignes visuelles (histoires en images). Le visuel peut être un appui pour la compréhension des deux enfants mais le traitement simultané des deux types d’informations peut s’avérer difficile pour eux compte tenu d’un un traitement sensoriel particulier. En effet, il peut leur être difficile de traiter à la fois des informations verbales et des informations visuelles. Il est parfois nécessaire de leur présenter qu’un seul type d’informations à la fois. Il va alors être important d’évaluer tous ces éléments avant de faire passer les épreuves aux enfants afin d’avoir un recueil de données le plus optimum possible.

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2.2.2.2. Biais et limites des épreuves de la théorie de l’esprit cognitive

Plusieurs limites sont à noter dans les épreuves de l’échelle de Wellman et Liu et notamment le choix du matériel. Tout d’abord, les auteurs de cette échelle et nous-mêmes avons opté pour une passation sous forme de petits scénarios nécessitant l’utilisation de personnages de type « Playmobils ». Ce matériel présente un intérêt certain en rendant la passation ludique mais il possède également des limites. Il peut être parasitant voire envahissant comme cela a été le cas avec Kévin qui voulait systématiquement donner des prénoms aux personnages, les faire parler ou encore créer ses propres scénarios. Des histoires en images auraient alors peut-être été plus adaptées au profil de cet enfant. D’autre part, le choix des différentes boîtes dans les épreuves « contenu de fausse croyance » et « liens entre émotion et croyances » a toute son importance. En effet, il est nécessaire que l’enfant connaisse le produit visualisable sur la boîte (ex de la boîte de chips ou encore de la boîte de pansements) pour ne pas biaiser l’épreuve et l’évaluation de la compréhension de la fausse croyance. Dans ce sens, il va être important de choisir des produits avec lesquels l’enfant est familiarisé. Pour conclure, le choix du matériel doit être réalisé sérieusement et de manière réfléchie afin qu’il ne biaise pas la passation des épreuves et par conséquent les résultats obtenus.

D’autre part, nous avons aménagé les consignes des épreuves en les raccourcissant, en supprimant les termes relatifs aux états mentaux et en rajoutant des aides visuelles (sur le modèle présenté par Burnel) afin de limiter l’intervention de la compréhension du langage dans la réussite des épreuves. La plupart du temps, les aménagements ont joué le rôle attendu et parfois ils ont été trop facilitant et ont permis la réussite à certaines épreuves. C’est le cas de la tâche « accès à la connaissance » où le fractionnement des deux questions (« Pauline sait ou ne sait pas ce qu’il y a dans la boîte ? » et « Est-ce que Pauline a regardé dans la boîte ? ») appuyées par des pictogrammes, a facilité les bonnes réponses et n’a pas permis de rendre compte de la compréhension des enfants du lien entre la perception et la connaissance. L’épreuve « croyance explicite-changement de lieu » a également été facilitée par la présence de la bulle de pensée représentant la croyance du personnage. D’autre part, la phase d’entraînement sur l’épreuve « émotion apparente et émotion réelle » rajoute une complexité et une longueur à l’épreuve et n’aide pas tellement les enfants à comprendre ce que nous attendons d’eux. Par conséquent, les aménagements sont intéressants pour évaluer des enfants avec TSA mais il est important de bien les jauger afin qu’ils ne deviennent pas facilitant.

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Enfin, la passation des épreuves de l’échelle de Wellman et Liu pose question. En effet, elle est constituée d’une multitude de courtes épreuves qui se ressemblent beaucoup. Nous les avons fait passer toutes les unes après les autres comme cela était indiqué dans le protocole de Wellman et Liu. Cependant, nous avons pu observer l’apparition d’une lassitude chez Romane et Kévin au fur et à mesure des épreuves. Il aurait alors été judicieux de les entrecouper de tâches différentes afin de dynamiser la passation.

2.2.3. Biais et limites de l’évaluation des fonctions de communication

2.2.3.1. Biais et limites générales

Nous avons évalué les fonctions de communication avec des épreuves semi-structurées composées d’un protocole à suivre mais laissant une certaine liberté dans la passation afin d’observer l’émergence plus spontanée de certaines fonctions de communication. Cette modalité nous semblait intéressante pour avoir un recueil de données réalisé dans une situation plutôt naturelle et ainsi assez proche des compétences réelles des enfants. Or, au cours des différentes évaluations, nous nous sommes aperçus que ces épreuves induisaient certains comportements langagiers et communicatifs chez l’enfant et que nous étions dans des situations assez artificielles de communication. Tout ceci ne peut pas être le reflet exact des compétences réelles des enfants. Pour l’illustrer, Romane et Kévin ont été en mesure de produire des demandes d’objets sur la mise en situation « Puzzle » alors qu’elles sont bien plus difficiles à formuler dans des situations naturelles d’échanges. De plus, cette situation est fréquemment utilisée dans les différentes prises en charge des enfants afin de travailler la demande. Ils sont donc habitués à produire cet acte de langage dans ces situations. D’autre part, ce manque de naturel dans les épreuves est majoré par la configuration de la passation qui se déroule dans une salle prévue à cet effet et qui intègre une préparation particulière des épreuves (activités dans des panières comme proposé par la stratégie TEACCH) afin de répondre au besoin de prévisibilité des enfants. Par conséquent, nous n’aurons accès qu’à un échantillon des compétences des enfants testés.

2.2.3.2. Biais et limites des épreuves d’EVALO

Les épreuves d’EVALO ont été choisies car, dans un premier temps, elles apportent un protocole précis et permettent d’évaluer un certain nombre de fonctions de communication et, dans un deuxième temps, elle propose une cotation quantitative qui permettra de mieux

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comparer les résultats entre les épreuves initiales et finales mais également de voir l’écart à la norme. Cependant, alors que l’épreuve « Dessin d’après consignes » n’a pas posé de difficultés apparentes, si ce n’est parfois une impossibilité de suivre le protocole imposé du fait de la spontanéité dans les échanges, la pertinence de l’épreuve « Entretien d’accueil » a été remise en cause. En effet, elle propose un certain nombre d’items où les interlocuteurs doivent se présenter. Or, sur l’évaluation finale, enfants et examinateur se connaissaient et cette épreuve n’était plus adaptée et artificielle. Ainsi, l’analyse des résultats obtenus à l’évaluation finale doit prendre en compte cette dimension afin de les nuancer.

2.2.3.3. Biais et limites des mises en situation inspirées du SOS.com

Nous avions mis en place plusieurs mises en situation afin de tester un certain nombre de fonctions de communication. Or, il s’est avéré au cours des évaluations, que deux épreuves n’étaient pas adaptées pour évaluer les fonctions de communication voulues : « lire un livre » et « tomber la trousse ». Pendant la mise en situation « lire un livre », les enfants se sont mis dans une attitude passive d’écoute comme auraient également pu le faire des enfants tout-venant. Le choix du livre n’est donc pas judicieux pour tester différentes fonctions telles que questionner, nommer, informer et commenter. Il aurait été plus avisé d’utiliser un livre d’images ou encore un album photo de l’enfant. D’autre part la mise en situation « tomber la trousse » a été très difficile à mettre en place pendant les évaluations (difficulté à faire tomber la trousse par inadvertance sans que l’enfant voit ou encore difficulté à formuler la demande d’aide).

2.2.4. Biais et limites en lien avec les questionnaires

2.2.4.1. Limites de la passation

Les questionnaires ont seulement été remplis par les parents ce qui n’apporte qu’une seule vision très subjective des compétences de l’enfant. Par ailleurs, ils les ont remplis à leur domicile. Ce mode de passation ne nous a pas permis de donner des explications très précises sur la manière de les remplir et de répondre à leurs questions sur certains items. Ainsi, les parents ont pu se retrouver en difficulté pour remplir certaines rubriques dans le questionnaire ou encore pour attribuer la modalité d’expressions sur les items des fonctions de communication. Il aurait alors été plus réfléchi de les accompagner dans la cotation du questionnaire en le remplissant avec eux et en répondant à leurs éventuelles questions.

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2.2.4.2. Biais et limites du questionnaire de théorie de l’esprit

Le questionnaire sur la théorie de l’esprit créé à partir des items du ToMI version française et des items de l’EASE propose un certain nombre d’items donnant des exemples de vie quotidienne et assez faciles à coter pour les parents. D’autres items au contraire exposent des situations plus abstraites et qui demandent aux parents de réfléchir sur les pensées et connaissances de leur enfant (Ex : « il comprend qu’on ne peut pas savoir ce qu’il y a dans un cadeau, qu’on ne peut que deviner » ou encore « il comprend qu’une personne ne dit pas toujours ce qu’elle pense pour ne pas blesser les autres »). Ce sont ces items qui ont pu entraver la cotation du questionnaire car trop éloignés de la vie quotidienne. Ils demanderaient à être reformulés en utilisant des exemples de la vie de tous les jours.

2.2.4.3. Biais et limites du questionnaire des fonctions de communication Les limites du questionnaire sur les fonctions de communication se trouvent dans la cotation qu’il propose. En effet, nous avons opté pour une cotation selon la présence et selon la modalité d’expression de la fonction de communication. Pour la présence, trois niveaux d’évaluation ont été choisis : oui, parfois et non. Cependant, nous avons pu nous apercevoir que les parents avaient eu du mal la présence ou l’absence d’une fonction de communication. En effet, ils ont pu répondre « oui » à des items lors de la première évaluation et répondre « parfois » aux mêmes items lors de l’évaluation finale. Par conséquent, il aurait été intéressant d’avoir des niveaux d’évaluation mieux définis et plus nombreux comme cela est par exemple le cas sur le questionnaire de la CCC-2 (de 0 jusqu’à 3 en fonction de la fréquence d’apparition du comportement).