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Convenons donc que l’éducation n’est neutre que dans l’exacte mesure où l’est aussi l’État. Si nous admettons que l’État québécois est pluraliste, qu’il mise sur une laïcité d’ouverture et qu’il est responsable de promouvoir un corpus de valeurs communes, il doit en être de même pour l’éducation. En effet, l’école est l’un des appendices de l’État. Il en est le miroir et un vecteur de réalisation de ses ambitions. Diane L. Moore affirme aussi en ce sens que « le projet éducatif n’est jamais neutre225 ». Or, un État laïc prône le principe de neutralité, mais en même temps arbore un ensemble d’intentions précises qui en font, comme l’indique Loeffel, le « prescripteur de bien commun226 ». Ce qui doit être marqué par le sceau de l’impartialité, c’est en fait le rapport entre l’État démocratique et la religion : celui-là ne doit pas, effectivement, favoriser l’un ou l’autre des religions ou

225 More dans Mireille Estivalèzes et Solange Lefebvre (dir.) op. cit., p. 121

226 Loeffel dans Laurence Loeffel (dir.). École, morale laïque et citoyenneté aujourd’hui, Villeneuve

univers symboliques227. Par contre, l’un de ses devoirs est de s’assurer que les convictions religieuses et éthiques puissent être vécues à l’intérieur d’un cadre qui garantit à chaque citoyen une liberté de conscience. Il importe donc que l’enseignant d’ÉCR, tout comme l’État, demeure neutre face aux différentes conceptions du monde et visions séculières. Il s’agit pour Debray de « pondérer une proximité compréhensive228 » et d’établir une distance critique entre les faits religieux ou les référents éthiques traités en classe. Or, cette proximité compréhensive revient à la neutralité pédagogique, qui est pour Leroux une exigence éthique fondée sur la « primauté du respect de chaque jeune comme porteur d’identités complexes229 ».

Nous nous permettons à ce titre d’affirmer, puisqu’il est entendu que l’enseignant est le représentant de l’État, qu’il doit en être de même en classe. En effet, un certain nombre de principes moraux doivent être établis à l’école, puisque la transmission d’un corpus de valeurs communes va de pair avec l’idée d’État éducateur230. Il ne s’agit donc pas pour l’enseignant d’adopter une position de neutralité à tout prix et en toute circonstance, comme le mentionnent Gravel et Lefebvre. Il est plutôt appelé à revêtir l’habit d’un arbitre impartial, certes, mais faisant néanmoins la promotion d’un cadre commun de principes fondamentaux231. De fait, l’enseignant d’ÉCR n’est donc pas tenu au mutisme et au laxisme : on attend plutôt de lui qu’il exclue le favoritisme pour aménager en classe un espace d’apprentissage du respect de la différence. L’adoption d’une posture de neutralité mesurée doit en somme passer, pour Gravel et Lefebvre, par l’intégration d’une attitude scientifique232. Les auteures édictent, dans Le programme d’éthique et culture religieuse : de l’exigeante conciliation entre le soi, l’autre et le nous, une série d’impératifs

susceptibles de pouvoir guider l’enseignant dans sa quête d’une neutralité justifiée. Parmi ceux-ci, notons le détachement de ses intérêts personnels, l’absence d’octroi de privilèges, l’adoption d’une posture d’observateur désintéressé, la considération pour des valeurs

227 Jocelyn Maclure et Charles Taylor op. cit., p. 17 228 Régis Debray op. cit., p. 29

229 Leroux dans Mireille Estivalèzes et Solange Lefebvre (dir.) op. cit., p. 155 230 Loeffel dans Laurence Loeffel (dir.) op. cit.,

231 Gravel et Lefebvre dans Mireille Estivalèzes et Solange Lefebvre (dir.) op. cit., p. 208 232 Ibid., p. 195

généralement acceptées par tous et l’absence volontaire d’influence233. Leroux, à son tour, prescrit pour sa part trois principes qui visent à préciser le concept de neutralité. Il parle du refus de toute discrimination, du respect absolu de la liberté de conscience et de la priorité du bien commun234. Ces prescriptions mettent en lumière deux principaux axes de la neutralité enseignante : l’accueil d’une diversité de visions du monde et la promotion de valeurs inviolables.

B. « S’abstenir n’est pas guérir »

Pour Leroux, les grandes finalités démocratiques que sont l’égalité et la liberté doivent prévaloir en tout temps, et si l’expression d’une conviction entravait l’un ou l’autre de ces principes, l’enseignant aurait la responsabilité de dire qu’elle n’est pas acceptable. D’illustres philosophes, déjà, ont pensé cette limite. Locke avisait qu’il faut tout tolérer sauf l’intolérance, alors que Kant affirmait qu’on doit tout respecter, sauf ce qui ne respecte pas les droits universels de la personne. Des propos discriminatoires seraient par exemple irrecevables en classe et un enseignant aurait le devoir d’intervenir à la suite de leur formulation. S’abstenir, comme le souligne Debray, n’est pas guérir. Il ne faut pas tolérer l’inacceptable, mais convenons que ce leitmotiv est largement plus aisé à réciter qu’à appliquer en classe, et cela constitue une autre difficulté qui guette l’enseignant d’ÉCR. Celui-ci doit prendre réellement conscience que sa neutralité n’implique en aucun cas qu’il doive se taire devant un jugement haineux. Il est impératif qu’il abandonne les formules qui laisseraient planer un doute sur la valeur accordée à des propos discriminatoires (ex. : « c’est ton opinion »). Il doit réagir avec aplomb et avoir l’assurance de rejeter avec fermeté des propos racistes, par exemple, ou homophobes. Ce contexte d’intervention comporte cependant le risque de l’incompréhension des élèves. En effet, il est très malheureusement envisageable qu’un élève ne tienne compte que du rejet de son intervention en classe et rapporte l’application de l’autorité de son enseignant comme une violation de sa liberté d’expression. Le fait est que les objectifs et moyens pédagogiques rattachés au programme d’ÉCR demeurent souvent incompris d’une large frange de la population, et que l’idée d’avoir à justifier ses interventions peut s’avérer très lourde pour l’enseignant d’ÉCR. Or, il

233 Gravel et Lefebvre dans Mireille Estivalèzes et Solange Lefebvre (dir.) op. cit., p. 196 234 Leroux dans Mireille Estivalèzes et Solange Lefebvre (dir.) op. cit., p. 154

suffit de nous rappeler que cet écueil qui guette les enseignants est évitable grâce à la mise en application du cadre de valeurs communes établi, à l’usage d’une raison critique par l’enseignant puis à une référence continue aux deux finalités du programme d’ÉCR.

C. « On est tous quelque part »

Une dernière indication permet de considérer l’impératif de neutralité d’une façon renouvelée ou, du moins, peu orthodoxe. Cette compréhension est celle, paradoxale, de l’aveu de l’irréalité de la neutralité. Certains sourcilleront face aux propos d’Alain Bouchard qui, lors de sa présentation intitulée Posture professionnelle en ÉCR et laïcité

québécoise : même défi?, postulait que « la neutralité, ça n’existe pas235 ». Peut-être devrions-nous plutôt comprendre de cette affirmation que la neutralité véritable n’existe pas, puisque tout individu est porteur de croyances, de convictions et d’une culture, bagage dont n’est pas dépourvu l’enseignant d’ÉCR. Il importe d’abdiquer devant l’évidence que les individus, élèves comme enseignants, sont empreints d’une subjectivité de facto marquée par un héritage propre. En d’autres mots, ceux de Bouchard citant Gérard Fourez, on est tous quelque part. Ce qui importe, ce n’est donc pas de feindre que l’on est démuni d’allégeances, mais bien d’être conscient de celles-ci. Il faut « savoir où l’on est236 ». Si l’enseignant d’ÉCR ne peut être neutre, il se doit en contrepartie d’agir avec neutralité ou de traiter les questions abordées en classe de la façon la plus impartiale possible, c’est-à- dire sans parti pris et s’abstenant évidemment de tout prosélytisme.

Cette perspective soulève par ailleurs l’épineuse question des signes ostentatoires dans la fonction publique. Une femme portant le voile pourrait-elle enseigner l’ÉCR tout en demeurant neutre? Voilà une question embarrassante à laquelle Bouchard répond par l’affirmative. La définition de la neutralité, ou plutôt l’aveu de l’impossibilité d’être strictement neutre, donne justement à penser qu’un individu démontrant son allégeance religieuse serait en mesure d’exercer ses fonctions en respectant les normes relatives à sa profession. Le cas échéant, son rôle est d’être impartial dans le traitement des questions en

235 Alain Bouchard. « Posture professionnelle en ÉCR et laïcité québécoise : même défi? » dans le cadre des

Journées provinciales de formation continue en éthique et culture religieuse, 2013

classe. S’il n’était pas capable de faire preuve de professionnalisme et que son jugement s’avérait biaisé, on dirait simplement de lui qu’il est incompétent, avec ou sans signe religieux. Du coup, un enseignant honorant parfaitement la définition péquiste en matière de neutralité religieuse, mais étant défaillant sur le plan de son impartialité à l’égard des questions traitées en classe serait nettement plus nocif qu’une enseignante voilée remplissant l’ensemble des devoirs qui lui incombent. Il s’agit là d’une question de confiance envers le personnel à l’emploi de l’état, et cela ne devrait pas relever de la question religieuse. Il serait selon nous souhaitable que l’employeur porte un regard attentif sur la façon dont l’enseignant accomplit ses tâches professionnelles, c’est-à-dire sur sa compétence brute, nonobstant l’image qu’il renvoie.

Le principal avantage de penser la neutralité enseignante de cette façon est celui du modèle positif constitué. En effet, on demande aux élèves de développer une raison critique et un ensemble d’autres outils intellectuels permettant de porter un regard sur le monde qui contribue au vivre-ensemble, et ce malgré leur point de vue initial ou les idées véhiculées au sein du noyau familial. Si celui qui les accompagne dans cette quête est un individu lui- même dépourvu de couleurs et qu’il n’est positionné nulle part, comment peut-il prétendre être un modèle véritable? En contrepartie, nous pensons qu’un enseignant conscient de ses convictions et honnête envers lui-même et ses élèves, mais apte à en faire abstraction pour appréhender les faits religieux ou éthiques avec circonspection et jugement représenterait un modèle positif à l’égard de la démarche attendue. Humaniser la neutralité et les processus cognitifs propres à l’ÉCR, ainsi pourrait-on comprendre cette détermination à se défaire d’une image stérile du rôle enseignant.

La contrepartie de cet avantage, il est essentiel de le mentionner, est celui des risques de glissement. En effet, la définition de la neutralité proposée nous semble foncièrement féconde mais nous sommes conscients qu’elle sied à un contexte idéal où la formation des enseignants d’ÉCR serait sans faille et continue, puis dans la mesure où le programme de formation serait suffisamment encadrant. Ainsi admettons-nous que certains risques d’erreurs sont inhérents à cette façon ouverte d’entrevoir le devoir de neutralité de l’enseignant d’ÉCR. Ce risque est celui de l’influence naturelle de l’enseignant sur l’élève.

Il serait souhaitable, il va de soi, que cette inévitable influence soit celle de la raison critique, du jugement, de la curiosité et de l’ouverture, et non pas celle évidemment des convictions en tant que telles.

CONCLUSION

À l’aune de ces considérations théoriques et pratiques, effectuons un retour sur la problématique soulevée d’entrée de jeu. Nous souhaitions circonscrire une posture éthique qui permettrait d’aborder la différence avec assurance et aplomb dans le cours d’ÉCR de façon à conforter l’enseignant dans son rôle professionnel. Afin d’échafauder un cadre de compréhension complémentaire aux indications brutes pourvues par les auteurs des documents ministériels, quatre grands axes ont été explorés. Le processus d’adoption d’un modèle laïc a été légitimé à la lumière des jalons chronologiques ayant rythmé l’évolution du Québec dans son rapport avec le corps clérical, entre autres en ce qui a trait à la place accordée à la religion dans l’éducation, processus ayant culminé avec l’implantation du programme d’ÉCR en 2008. Le concept de différence a, dans un second ordre d’idée, lui- même été défini comme étant la conception relative définissant la diversité des façons d’être humain. Nous avons précisé que la différence culturelle, substance des sociétés plurielles, relevait largement des perspectives éthiques et des affiliations religieuses, réels moteurs identitaires des sociétés. La tolérance a également été abordée comme une attitude curieusement insuffisante pour stimuler les relations interculturelles puisqu’elle infère un rapport de supériorité qui ferme la porte à une réelle reconnaissance de la différence. Troisièmement, un examen exhaustif des indications pourvues par les auteurs du programme ministériel à propos du rôle professionnel de l’enseignant d’ÉCR a été réalisé. Cet exercice a permis d’établir qu’à l’enseignant d’ÉCR incombe un triple rôle de passeur culturel, d’accompagnateur dans la pratique du dialogue et de détenteur d’un devoir de réserve. Ces trois fonctions de l’enseignant, déjà, mettaient en lumière le fait que l’éducation à l’éthique et à la culture religieuse est porteuse d’une intention propre et que pour cette raison le devoir de neutralité de l’enseignant ne devait pas être interprété comme l’obligation à un mutisme. Finalement, les deux finalités officielles du programme ont été approfondies sous l’angle de leur teneur philosophique respective a priori dichotomique. Cet examen plutôt théorique a permis d’établir que la reconnaissance de la diversité n’entre pas en conflit avec la poursuite du bien commun et que, se rencontrant dans la perspective pluraliste, elles sont au contraire complémentaires.

L’examen de ces éléments théoriques nous a, dans la seconde partie de parcours, permis d’élaborer un corpus de considérations pratiques visant à circonscrire une posture favorable à l’enseignement de la différence dans le cours d’ÉCR. Nous avons ainsi tenté de nommer au passage des clés d’action et des pièges à éviter avec en tête l’objectif de proposer des pistes claires pour les enseignants d’ÉCR. Pour ce faire, nous avons tissé un enchaînement de dépendances théoriques dont le premier maillon est l’édification d’un socle de valeurs communes. C’est en effet grâce à un constant recours à des référents normatifs collectifs que les membres d’une société peuvent s’accomplir en jouissant d’une liberté consentie. À cet égard, la citoyenneté est apparue comme une assise normative franchement féconde et permettant de proposer le schème tripartite dignité-civisme- réciprocité comme cadre suffisamment restreignant, mais propice à laisser néanmoins fleurir la liberté individuelle. Nous avons ensuite établi que ce cadre axiologique devait constituer la base de la disposition cognitive réflexive dont la raison critique et l’authenticité sont les moteurs. Aussi ce socle de valeurs partagées et l’appropriation d’une réflexivité mue par ce dernier nous sont-ils apparus en soi comme des objets de savoir à transmettre aux élèves en tant qu’héritage citoyen partagé, mais aussi comme des instruments de la pratique enseignante, entre autres au regard de l’idéal dialogique vers lequel doivent converger les efforts pédagogiques de l’enseignant. Cette disposition réflexive a ensuite été dressée comme la clé de la compréhension du rapport initial entre la reconnaissance de l’autre et la poursuite du bien commun, deux finalités du programme d’ÉCR opposées à première vue, mais en réalité fondamentalement amarrées par le lien pluraliste. Le pluralisme constituerait pour cette raison le modèle permettant de soutenir l’épanouissement de la différence dans un espace qui garantit le respect de l’intégrité de tout individu, et serait à ce titre garant de la réalisation de l’idéal démocratique et de l’accomplissement de la résolution laïque énoncée par la société québécoise moderne. Celle-ci constitue le quatrième, soit l’avant-dernier élément constitutif de cette chaîne causale. Ainsi avons-nous décrit le modèle laïc ouvert (ou pluraliste) comme étant la clé permettant de déverrouiller un espace basé sur le principe d’égalité dans lequel la définition identitaire individuelle peut croître sans bafouer les droits d’autrui, ce qui a dressé les contours d’une nature humaine bipartite, c’est-à-dire libre et limitée à la fois (ce qui établit le lien avec les finalités du programme qui concernent la reconnaissance individuelle autant

que la primauté du bien commun). Il a été convenu que l’école a une responsabilité vis-à- vis ce projet laïque, ce qui nous a finalement menés vers une définition de la neutralité enseignante. En effet, nous avons établi que l’option laïque constituait un projet porté par l’État, et donc que ses appendices devaient aussi la promouvoir. Or, l’éducation, et largement le cours d’ÉCR, est un espace indiqué pour jeter les bases de ce projet pluraliste. Cela revient cependant à dire que l’enseignant qui porte cette charge n’est pas totalement neutre dans la mesure où il est attendu de lui qu’il revête les mêmes ambitions que l’État dont il est un émissaire. Sa neutralité doit donc être balisée ou pondérée par les principes qui ont été édictés précédemment de façon à valoriser une société pluraliste tout en demeurant prudent de ne pas admettre les glissements.

Ainsi avons-nous avons fait le choix du qualificatif mesuré afin de nuancer le devoir de neutralité qui incombe à l’enseignant d’ÉCR. Une neutralité enseignante mesurée, voilà donc le point d’arrivée de cet enchaînement qui constitue par ailleurs la réponse à la problématique de départ. Bien que conscients que cette contribution peut paraître négligeable vis-à-vis la vaste question de la posture enseignante, nous sommes d’avis que c’est par le biais d’une nuance comme celle-ci que l’enseignant d’ÉCR peut réussir à s’accomplir dans un état de confiance et cesser, enfin, d’agir à tâtons au regard de la différence. Il n’est pas suffisant de consigner simplement dans les pages de documents ministériels le devoir de neutralité qui lui incombe ou d’énumérer froidement les paramètres de son rôle professionnel. Il est en effet fondamental que l’enseignant d’ÉCR s’approprie une posture assurée lui permettant de développer un sentiment d’accomplissement et de légitimité, d’offrir aux élèves à un enseignement qui réalise les potentialités du programme et d’œuvrer en fonction de la survie même du cours.

Or, si l’engrenage théorique explicité apparaît cohérent, admettons toutefois que son maillon principal devant agir comme moteur, c’est-à-dire l’édification d’un socle de valeurs communes, est défaillant. En effet, il est toujours pour l’heure objet de moult questionnements et substance des tergiversations identitaires du peuple québécois. Force est à ce titre d’admettre le rôle fondamental de l’enseignant d’ÉCR qui doit s’accomplir de

façon à honorer le projet pluraliste et le schème d’une laïcité ouverte basée sur un ensemble de valeurs fondamentales portant sur l’ambition d’une citoyenneté partagée.

Au-delà des pistes de réponse proposées siège en effet la nécessaire prise de conscience par l’enseignant d’ÉCR de la portée de son action pédagogique et de la promesse d’architecture sociale qu’elle porte. Il doit, conformément à l’objectif de l’éducation au pluralisme, avoir conscience qu’il est un artisan du projet d’émergence d’une culture du respect visant la liberté pour chaque individu d’affirmer son identité et de prendre part à la vie citoyenne. Leroux soutient que l’école, et plus particulièrement le cours d’ÉCR, offre un cadre d’autocompréhension parmi un ensemble de structures d’appartenance complexes permettant à l’élève de devenir un citoyen autonome capable d’outrepasser une attitude « purement hétéronome ». Il est en effet souhaité que l’élève acquière l’aptitude à réfléchir à propos de la coprésence des identités, matière première de la société pluraliste. Il doit être à même d’évoluer dans cet univers de convictions et de valeurs en tant que « membre de la communauté humaine237 » détenteur d’un devoir

citoyen. Cela revient, comme l’indique Fleuri, à ébranler la « suffisance identitaire238 » en amenant l’élève futur citoyen à revêtir une distance critique face à ses propres convictions initiales, sans les renier toutefois, puis devant la diversité des référents éthiques et religieux