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1.3 Les méthodes de fabrication

1.3.4 L'électroformation

Principe

L'électroformation dont le principe est schématisé sur la gure 1.6 est une version améliorée de la méthode d'hydratation douce. Elle a été présentée pour la première fois par Angelova et Dimitrov en 1986 [109].

Dans la méthode d'hydratation douce, un lm de phospholipide est déposé sur un substrat puis plongé dans une solution aqueuse. Petit à petit, les lamelles du lm se décollent les une des autres et forment après quelques heures des vési-cules qui se détachent du substrat [100]. Dans la méthode de l'électroformation, le lm de phospholipide est déposé sur une électrode et le gonement naturel des vésicules est amplié par la présence d'un champ électrique qui peut être continu ou alternatif. Cette méthode est appréciée car elle permet d'obtenir des vésicules unilamellaires de grandes tailles (typ. 1100 µm), de l'ordre de la taille des cel-lules vivantes. De plus, les vésicules obtenues sont stables, unilaméllaires à plus de 95% et leur membrane présente des caractéristiques proches des membranes biologiques. Elle présente également l'avantage de ne pas nécessiter obligatoi-rement l'utilisation de solvants organiques dans le processus de fabrication des vésicules, ce qui permet d'introduire facilement des protéines membranaires sans les dénaturer. Ses principaux inconvénients sont : i) sa faculté limitée d'encap-sulation des solutions salines (par ex. les tampons biologiques), des solutions visqueuses (par ex. un gel d'actine), des grands objets (ADN) et ii) aucun réel contrôle de la taille n'a pu être obtenu jusqu'a présent.

1.3. Les méthodes de fabrication 81

AC

Verre Solution de sucrose ITO Film de lipide

AC

AC 2 heures

Extraction

Mélange avec une soltion isotonique de glucose Observation 10 heures 1 heure de décantation 1 2 3 4 5 6 7

Figure 1.6  Schéma de principe de l'électroformation et de l'observation des vésicules obtenues. 1) Une cellule de gonement est préparée à partir de deux électrodes de verre couvertes d'oxyde d'indium étain (ITO) et empli d'une so-lution de sucrose. 2) Après application d'un champ électrique pendant deux heures, un grand nombre de vésicules ont goné sur l'électrode. 3) Après 10 heures de gonement, la plupart des vésicules sont libres ou faiblement atta-chées à la surface. 4) Les vésicules sont extraites de la cellule de gonement avec une seringue munie d'une aiguille de large diamètre (typ. 1 mm). 5) Une partie de la solution contenant les vésicules est déposée au fond d'un puits d'ob-servation, puis mélangée avec une solution isotonique de glucose de plus faible densité. 6) Après une heure de décantation, toutes les vésicules contenues dans la solution sont tombées au fond de la cellule d'observation. 7) On peut alors observer un échantillon représentatif des vésicules formées sur un même plan focal par microscopie à contraste de phase. La barre d'échelle représente 100 µm.

82 Chapitre 1. Les vésicules unilamellaires géantes Description

Electroformation en champ continu. En présence d'un champ électrique continu, la formation des vésicules à partir d'un lm chargé négativement est accélérée sur la cathode et ralentie sur l'anode (le comportement opposé est observé pour les lms chargés positivement) [110]. Sur la cathode, la formation de vésicules à partir de lms ns (moins de 90 lamelles) chargés négativement donne de très bons rendements alors qu'aucune vésicule n'apparaît sans champ électrique. Dans ces conditions, la majorité des vésicules ont une membrane très ne, le plus souvent unilamellaire [109].

Electroformation en champ alternatif. En appliquant un champ alter-natif, la formation des vésicules conserve un bon rendement pour les lms ns. De plus, cette condition a l'avantage de permettre l'utilisation des deux élec-trodes et de favoriser le détachement des vésicules des élecélec-trodes [110]. Le ra-lentissement de la fréquence est connu pour favoriser le décrochage des vésicules en n de gonement [111].

On peut obtenir de cette manière des GUV à partir de nombreux phospho-lipides, chargés ou non, comme le DMPC [109], DOPC, DOPE, DOPS, DGDG [112], POPC, POPG [113], SOPC [111], DPPC, DLPC [104], DMPG [114], de leur mélange ou d'extrait naturel de phospholipide comme l'EPC [109], Egg lysoPE [112], asolectin [113], soyPC [111], mais aussi à partir de membranes cellulaires complètes [115] ou encore d'autres molécules amphiphiles comme des cyclodextrines duplex [116].

Unilamellarité. L'électroformation utilisant un champ électrique alternatif permet d'obtenir une grande proportion de vésicules unilamellaires sans défauts (80% contre 40% pour la méthode d'hydratation douce) et plus de 95% des vésicules sont unilamellaires [104, 103]. Si aucune précaution particulière n'est prise, l'augmentation de la concentration ionique de la solution a tendance à favoriser la formation de vésicules oligolamellaires [117].

Conditions de gonement

De nombreux paramètres inuent sur le résultat de l'électroformation, à savoir : la nature de l'électrode, la composition et la structure du lm de phos-pholipide, la température, la fréquence et l'intensité du champ électrique, la composition de la solution de gonement et le temps de gonement. Inspectons brièvement l'inuence de chaque paramètre.

Nature de l'électrode. L'électrode sur laquelle est déposé le lm est histo-riquement un l de platine pour sa résistance chimique ou une lame de verre re-couverte d'ITO dont on bénécie de la transparence. Pourtant, Ayuyan et Cohen ont montré que les phospholipides insaturés se peroxydaient lors de l'électrofor-mation sur une électrode d'ITO et préconisent d'utiliser des électrode de titane pour éviter cette réaction [118]. Malgré cela, rien ne semble empêcher l'utili-sation d'autres substrats s'ils ne provoquent pas de réactions électrochimiques pour les potentiels appliqués. Nous montrerons par la suite que des électrodes en silicium peuvent être avantageusement utilisées.

Nature du lm. Le lm est généralement déposé en faisant sécher une goutte de solution de phospholipide dans un solvant organique sur l'électrode

1.3. Les méthodes de fabrication 83 de manière à obtenir une épaisseur homogène. Si le solvant organique est in-désirable, par exemple si l'on veut incorporer dans la membrane des molécules insolubles dans le solvant ou des protéines qui ne peuvent être déshydratées sans être dénaturées, il est également possible de réaliser le dépôt à partir d'une dispersion de vésicules préparées par une autre méthode [111, 115]. D'autres méthodes ont également été proposées pour déposer le lm et seront revues plus en détail au chapitre 3, mais brièvement, l'organisation du lm peut avoir des conséquences importantes sur le rendement de l'électroformation et la taille des vésicules obtenues.

Température. Pour que l'électroformation fonctionne correctement, le phos-pholipide doit être dans sa phase cristal liquide. Pour les phosphos-pholipides ayant des températures de transition, gel/liquide cristallin au-dessus de la température ambiante, la cellule de gonement peut être chauée [114]. Nous verrons dans le chapitre suivant que la température n'a pas une inuence majeure au-delà de cette température.

Champ électrique. Pour obtenir la formation de vésicules à partir de lms dont l'épaisseur h est inférieure à une épaisseur critique h0 (90 lamelles pour la lécithine de jaune d'÷uf), il est nécessaire d'appliquer un champ électrique. Au-dessus de cette épaisseur, des vésicules apparaissent spontanément et en dessous de cette épaisseur, les vésicules apparaissent après application d'un po-tentiel continu supérieur à U ∝ − ln(h/h0)[110]. Pour des courants alternatifs d'amplitude élevée, les vésicules formées sont plus petites et pour des ampli-tudes faibles, le lm gone plus lentement et partiellement. Pour ces raisons, Pott et al. préconisent d'augmenter progressivement l'amplitude du signal élec-trique lors de la première demi-heure de gonement, an d'obtenir un rendement élevé avec des vésicules de grande taille [111]. En courant alternatif, la fréquence optimale du signal est d'environ 10 Hz dans les conditions originales (solution de sucrose à 0,1 M). Pour d'autres compositions de la solution de gonement, il peut être nécessaire de l'adapter (voir Ÿ suivant). Il a également été remarqué qu'une baisse de la fréquence d'excitation favorisait le décrochage des vésicules formées du substrat [111].

Solution de gonement. La solution de gonement doit être une solution aqueuse dont la composition peut inuer sur le résultat de l'électroformation. On utilise généralement une solution sucrée (Sucrose ou Glucose) à une pression osmotique d'environ 0,1 Osm, la présence de sucre étant réputée favoriser le gon-ement. Après formation des vésicules, en changeant le type de sucre contenu dans la solution présente à l'extérieur des vésicules sans changer son osmolarité, on peut créer un contraste de densité et d'indice de réfraction optique entre l'intérieur et l'extérieur des vésicules, ce qui permet une observation aisée. La diérence de densité permet de sédimenter les vésicules et la diérence d'indice permet d'obtenir un bon contraste en microscopie à contraste de phase. L'osmo-larité de la solution a peu d'inuence et ce paramètre peut être facilement utilisé pour étudier le comportement des vésicules face à des stresses osmotiques [119]. Néanmoins, pour des expériences à des concentrations élevées, il a été noté qu'il était nécessaire de baisser la fréquence d'excitation en cas d'augmentation de la viscosité du liquide pour avoir une électroformation ecace.

La concentration en sel, quant à elle, est d'une importance majeure. En eet, la présence de sel écrante la répulsion électrostatique entre les membranes [120],

84 Chapitre 1. Les vésicules unilamellaires géantes empêchant la formation des vésicules par les méthodes d'hydratation comme par électroformation pour des concentrations au-delà de 1050 mM [113]. Diverses solutions ont été trouvées pour contourner cet inconvénient. Tout d'abord en diminuant les interactions électrostatiques : i) par l'ajout de molécules interca-laires pour introduire une répulsion stérique, par exemple en ajoutant des phos-pholipides PEGylés [93] ii) en augmentant la charge des membranes (>15%mol) et/ou en présence d'ions divalents pour augmenter les répulsions électrostatiques [120]. Ces deux méthodes ont donné de bons résultats pour l'hydratation douce mais n'ont pas été testées à notre connaissance pour l'électroformation et elles ont l'inconvénient de nécessiter l'ajout de molécules étrangères dans le système. Une autre approche est de changer la solution environnant les vésicules pendant l'électroformation [113, 121]. Dans ce cas, les vésicules sont formées pendant 90 min. à basse concentration ionique puis leur contenu est remplacé en changeant délicatement la composition du liquide de gonement. Comme la plupart des vésicules sont toujours reliées par un tubule au lm originel, ce qui les rend perméables, le contenu est rapidement remplacé par le liquide de nouvelle com-position. Plus récemment, Pott et al. ont nalement montré qu'il était possible de fabriquer des vésicules par électroformation à forte concentration ionique sans changer la composition de la solution ou des phospholipides, mais juste en aug-mentant la fréquence de gonement (500 Hz pour les conditions physiologique) [111, 115].

Temps de gonement. L'électroformation est connue comme étant un processus ayant une constante de temps de l'ordre de deux heures [111]. A ce stade, on obtient des vésicules qui ne semblent plus évoluer et restent attachées par un tubule. La modication de la fréquence ou un simple ux permet de les détacher. Néanmoins, nous montrerons que le résultat du gonement continue à évoluer pour les temps plus long.

Conclusion

Malgré des avantages certains, l'électroformation soure principalement de la diculté d'encapsuler certaines molécules et de l'absence de contrôle de la taille. Par la suite, nous explorerons de nouvelles méthodes pour pallier ces in-convénients. Mais avant tout, donnons un aperçu de l'état de l'art des techniques visant la fabrication de GUV de taille contrôlée. Toutes ont un point commun : la microuidique.