• Aucun résultat trouvé

Législation antisémite et mesures antijuives en France

Dans le document Vichy et les juifs (Page 43-46)

Les Juifs dans L’Éclair

1. Législation antisémite et mesures antijuives en France

L’Éclair informe ses lecteurs, le 30 mars 1941, que le Conseil des ministres

a adopté un jour auparavant une loi créant un Commissariat général aux ques-

tions juives (C.G.Q.J.) et a nommé Xavier Vallat comme commissaire général.

Une modification fut apportée le 31 mai, à l’article 2 de cette loi, en précisant notamment les cinq principales attributions du commissaire général, repro- duites par le journal le 1er juin :

« 1. De proposer au gouvernement toutes dispositions législatives et régle- mentaires, ainsi que toutes mesures propres à mettre en œuvre les décisions principales arrêtées par le gouvernement relativement à l’état des Juifs, à leur capacité civile et politique, à leur aptitude juridique à exercer des fonctions, des emplois, des professions ; 2. Assurer la coordination nécessaire entre les différents secrétariats d’état pour l’application de ces diverses dispositions et décisions ; 3. Pourvoir en tenant compte des besoins de l’économie nationale à la gestion et à la liquidation des biens juifs dans les cas où ces opérations sont prescrites par la loi ; 4. Désigner les agents chargés desdites opérations et contrôler leur activité ; 5. Provoquer éventuellement à l’égard des Juifs et dans les limites fixées par les lois en vigueur, toutes mesures de police com- mandées par l’intérêt national ».

Une « Épuration sur la Côte d’Azur » est annoncée le 7 juin : « 47 israélites étrangers ont été internés dans des camps ».

Le 15 juin 1941, sous le titre « Le Statut des Juifs», L’Éclair fait état de la nouvelle loi du 2 juin 19416, remplaçant la loi du 3 octobre 1940 (il s’agit du

deuxième statut des Juifs), publiée au Journal Officiel, en même temps qu’une loi prescrivant le recensement des Juifs7. La nouvelle législation est explici-

« Les carrières interdites aux Juifs», « Réglementation des professions libéra- les » et « Le recensement des Juifs8 ». Enfin, il reproduit les conclusions des

commentaires de Xavier Vallat9 soutenant qu’« il y a en ce moment en France

une action juive cohérente, très fortement organisée et cherchant à provo- quer la chute du franc et d’envenimer les relations franco-allemandes ». « Le Gouvernement, affirme-t-il, par un ensemble de mesures calmement étudiées, entend défendre la France contre l’élément parasitaire, dissolvant et révolu- tionnaire que constitue le Juif dès qu’on le laisse prendre pied dans un pays ». Enfin, il justifie l’antisémitisme qui « n’a jamais été suscité par autre chose que par l’insociabilité et l’inassimilation foncière juive », en citant à l’appui de cette assertion une phrase de Bernard Lazare (« Quelles vertus ou quels vices valurent aux Juifs cette universelle inimitié ? Pourquoi furent-ils tour à tour également maltraités et haïs par les Alexandrins et les Romains, par les Persans et par les Arabes et par les nations chrétiennes ? Parce que partout et jusqu’à nos jours le juif fut un être insociable »).

Le deuxième « Statut des Juifs » du 2 juin 1941, rendait plus lourdes les stipulations du 3 octobre 1940 en élargissant la définition « raciale » des Juifs. La religion définit la race et les ascendants priment sur la religion : le grand- parent est considéré comme juif s’il était de religion juive, toute personne qui pratique une autre religion (le catholicisme, le protestantisme, l’orthodoxie, etc.) est considérée comme juive, dans la mesure où elle a trois grands-parents de « race juive… » Enfin, toute personne qui a seulement deux grands-pa- rents de « race juive» est considérée juive, si elle est mariée avec une autre personne qui elle aussi a seulement deux grands-parents de « race juive » ou tout simplement si elle appartient à la religion juive :

« Art. Ier - Est regardé comme Juif:

1° Celui ou celle, appartenant ou non à une confession quelconque, qui est issu d’au moins trois grands-parents de race juive, ou de deux seulement si son conjoint est lui-même issu de deux grands-parents de race juive.

Est regardé comme étant de race juive le grand-parent ayant appartenu à la religion juive;

2° Celui ou celle qui appartient à la religion juive, ou y appartenait le 25 juin 1940, et qui est issu de deux grands-parents de race juive. La non-appar- tenance à la religion juive est établie par la preuve de l’adhésion à l’une des autres confessions reconnues par l’État avant la loi du 9 décembre 1905. Le désaveu ou l’annulation de la reconnaissance d’un enfant considéré comme Juif sont sans effet au regard des dispositions qui précèdent10 ».

La liste des emplois interdits publics ou privés est considérablement allongée, et des peines de prison ou des amendes sont prévues pour ceux qui feraient des déclarations mensongères.

Une nouvelle loi promulguée le même jour, prescrivit le recensement de toutes les personnes considérées juives d’après la loi du 2 juin 1941. Le non- recensement était puni « d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une

amende de 100 à 10.000 F, ou de l’une de ces deux peines seulement, sans préjudice du droit pour le préfet de prononcer l’internement dans un camp spécial, même si l’intéressé est Français» (Article 2)11.

Par la loi du 21 juin l941, le numerus clausus est introduit dans l’enseignement supérieur prévoyant que les étudiants juifs ne devaient pas dépasser « les 3% du nombre des étudiants non-juifs inscrits pour cette même année dans l’année (scolaire) précédente12 » (en Algérie, il affecta aussi l’enseignement

primaire et secondaire). Une cascade de décrets fixe le numerus clausus pour les avocats, les médecins, les pharmaciens, les dentistes, les sages-femmes, les architectes juifs.

Plusieurs articles de L’Éclair, précisent les divers aspects du nouveau statut des Juifs ou présentent de nouvelles mesures législatives antijuives.

L’« Admission des étudiants juifs dans les facultés» est traitée le 24 juin, et « Le

recensement des Israélites », le 5 juillet 1941. Ce dernier article reprend un com-

muniqué du Commissariat général aux questions juives stipulant que toute de- mande de dérogation ne dispense pas d’obéir aux prescriptions de la loi qui prévoit le recensement : « Un grand nombre d’israélites qui écrivent pour de- mander une dérogation aux interdictions prononcées par la loi du 2 juin 1941 se figurent que cette demande de dérogation les dispense d’obéir aux pres- criptions de la loi qui prévoit le recensement des israélites. Le Commissaire aux questions juives précise que cette opinion ne saurait prévaloir, et que les demandes de dérogation ne peuvent en aucun cas, justifier un Israélite de ne pas faire la déclaration prescrite par la loi sur le recensement ». Enfin, le 16 juillet, est annoncée la prolongation (par une loi du 13 juillet) jusqu’au 1er août 1941, du délai prescrivant le « Recensement des Juifs ». Deux décrets

réglementant la profession d’avocat, et les fonctions d’officiers ministériels sont explicités le 8 juillet 1941, dans un article intitulé « Le Statut des Juifs13 ».

Le premier limite le nombre des Israélites à 2% de l’effectif des avocats non- Juifs dans le ressort de chaque cour d’appel. Le deuxième dispose que le nombre de Juifs remplissant les fonctions d’officiers publics ou ministériels « dans le ressort de chaque cour d’appel ne pourra être supérieur à ce qu’il est maintenant ». Des précisions sont apportées le 13 juillet, par le Commissariat général aux questions juives à propos de dérogations à la loi du 2 juin 1941 : « Il convient d’abord de souligner, peut-on y lire, que les dérogations accor- dées seront limitées à des cas particulièrement intéressants et que l’examen de services exceptionnels, soit personnels, soit familiaux, sera très sévère. Il importe aussi de remarquer que l’article 8, s’il permet de relever le Juif de telle ou telle interdiction pesant sur lui… ne permet pas de soustraire glo- balement le Juif et, à plus forte raison sa famille, à toutes les conséquences pouvant résulter de sa qualité juridique de Juif». La procédure des demandes de dérogation y est également décrite14.

Le 29 juillet, L’Éclair fait état de la parution prochaîne au Journal Officiel d’un « Décret portant règlement d’administration publique15 » pour l’application

de l’article 5 de la loi du 2 juin 1941, spécifiant les professions interdites aux Juifs, notamment celles de banquiers, changeurs, démarcheurs, agents de publicité, agents immobiliers, marchands de biens, concessionnaires de jeux, éditeurs, armateurs, rédacteurs de journaux, entrepreneurs de spectacles… Le 12 septembre, sous le titre « Avis aux étudiants juifs », est reproduit un com- muniqué du secrétariat d’État à l’Éducation faisant savoir que les étudiants juifs ne sont admis à déposer une demande d’inscription dans une faculté qu’à la condition que cette dernière soit unique. En cas de fausse déclaration, l’exclusion de tous les établissements d’enseignement supérieur sera aussitôt prononcée. Un seul article, publié le 9 septembre rappelle une mesure an- tijuive prise par les autorités d’occupation à Paris : plus d’une centaine de personnalités juives, parmi lesquelles Th. Valensi, avocat et homme de lettres, ancien député de la Haute-Saône et Pierre Masse, sénateur de l’Hérault et an- cien sous-secrétaire d’État, ont été arrêtées comme otages. L’Éclair justifie ces emprisonnements « à titre préventif », par les « manifestations auxquelles se sont livrées les minorités israélites dans les divers quartiers de la capitale ».

Dans le document Vichy et les juifs (Page 43-46)