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2 LES INTERNÉS JUIFS ET LEURS CONDITIONS DE VIE

Dans le document Vichy et les juifs (Page 151-186)

Le camp d'Agde

2 LES INTERNÉS JUIFS ET LEURS CONDITIONS DE VIE

Le camp d’Agde dont la destination première avant la guerre fut l’accueil des refugiés espagnols, se transforma vite dans une immense prison où sur un total de près de 6.000 internés, il y eut jusqu’à 3.000 Juifs. A l’exception des travailleurs indochinois, des Tchécoslovaques démobilisés, les Espagnols, les Juifs étrangers et les autres étrangers (25 nationalités différentes dont 2.674 Espagnols et 1.638 Polonais, y furent recensées, mais il y avait aussi 344 Fran- çais et 288 apatrides) vivaient dans des ilôts appelés camps des internés civils. S’il y a une différence très nette concernant les motifs particuliers d’interne- ment entre les deux groupes majoritaires, les Espagnols et les Juifs, il y a aussi un lien commun entre ces internés qui sont tous Européens et sont venus chercher un refuge dans un pays qui vient d’être vaincu. Ils connaissent les mêmes conditions de vie, étant finalement tous considérés comme indésira- bles… Les mêmes conditions de vie, certes, même si, d’après les témoignages recueillis, pour ce qui est de la nourriture, les mieux servis furent les Tchécos- lovaques, et les moins bien traités les Juifs…

Entre le 1er octobre et le 15 novembre 1940, 1.845 personnes y furent inter- nées dont 411 Juifs (12% des internés civils) appartenant, hormis les apatrides (69) à douze nationalités, l’immense majorité étant des Polonais (259), suivis par des Allemands (24), des Roumains (17), des Tchèques (15), des Russes (6), des Slovaques (5), des Autrichiens (5), etc.18.

La plupart de ces Juifs sont arrivés de Belgique comme réfugiés : « Ils di- sent qu’on leur avait promis de les mettre dans des centres d’accueil », note

l’un des responsables du camp19. Le nombre global de personnes internées

s’élevait à 4.700 le 20 novembre 1940 et à 5.900 dont 305 enfants de moins de trois ans, le 30 novembre de la même année20. Les effectifs ont ensuite dimi-

nué à 4.967, le 29 décembre, et 4.836, le 6 janvier 1941 :

Tableau n°13

Mouvement des effectifs du camp d’Agde (29 décembre 1940 – 6 janvier 1941) Enrées Sorties Hommes 2.335 2.263 - 72 Femmes 1.520 1.492 - 28 Enfants de 3 à 12 ans 867 849 - 18 Enfants de moins de 3 ans 245 232 - 13 TOTAUX 4.967 4.836 131

Les conditions de vie y étaient atroces du point de vue de l’hébergement, de la nourriture et de l’hygiène. Le rabbin Schilli a dénombré le 25 novembre 1940, lors de sa première visite au camp, 1.300 Juifs (22%) dont 500 femmes et 400 enfants, parmi lesquels 80 de moins de deux ans. Les hommes étaient « logés » dans quatre baraques (« camp des israélites hommes »), les femmes dans cinq baraques (« camp des israélites femmes »). Voici un extrait de son rapport, très explicite :

« ...II. Situation matérielle.

a) Literie : chaque interné dispose d’une couche de paille et d’une seule couverture, un très petit nombre a pu recevoir des enveloppes de paillasse.

b) Chauffage : les baraques affectées aux femmes et aux enfants sont chauf- fées jusqu’à 6 heures du soir environ. Les baraques des hommes ne sont pas chauffées.

c) Alimentation : la qualité vaut mieux que la quantité, cette dernière est notoirement insuffisante en matière grasse et en albumine. Cette constatation s’applique encore davantage aux quelques 200 internés très pratiquants, qui ne mangent pas de viande, et qui n’ont pas encore pu obtenir que celle-ci leur soit remplacée.

d) Hygiène : la nature même des baraquements ne permet pas de lutter ef- ficacement contre le froid, le vent et la propagation de la vermine. Les couver- tures sont désinfectées, en principe tous les 15 jours, mais le meilleur moyen d’éviter la vermine serait de pourvoir chaque interné d’un sac de couchage (enveloppe de paillasse) et de cadre de bois qui fourniraient des lits sommai- res. La quantité d’eau mise à la disposition des internés est de loin insuffisante, sa distribution donne lieu tous les jours à des bousculades.

e) Infirmerie : l’organisation de l’infirmerie prend une importance d’autant plus grande qu’elle est destinée à accueillir non seulement des malades légers, mais encore ceux assez nombreux qui ne peuvent faute de place, être accueillis dans les hôpitaux de Béziers et de Montpellier. Cette lacune apparaît surtout grave pour les enfants, les fiévreux qui restent même très souvent plusieurs jours dans les baraquements parmi les internés bien portants.

f) Enfants : chapitre qui mérite une attention particulière, tant au point de vue de l’alimentation, de l’hygiène, que de l’éducation. On comprendra aisé- ment que les enfants en bas âge et plus encore ceux en pleine croissance, sont gravement lésés par la nourriture insuffisante, le manque d’éléments tels que: lait, farine, semoules. Il est inutile de souligner combien les enfants comme d’ailleurs les malades chroniques, souffrent de la vie au camp, et quelle proie facile ils seront pour la maladie21 ».

Le préfet de l’Hérault lui-même, dans un rapport à Vichy, au sujet de sa visite au camp d’Agde le 2 décembre 1940, en brosse un sombre tableau :

« J’ai procédé le 2 décembre à une inspection personnelle. Je me suis at- taché à visiter toutes les parties du camp, camp des travailleurs indochinois, camp des israélites hommes, camp des israélites femmes, des Espagnols, des femmes espagnoles, cuisine, infirmerie. C’est une profonde impression de misère qui se dégage de cette visite. Dans certains baraquements affectés aux hommes, il manque le plancher et les internés couchent à même le sol. Les planches qui forment les parois sont disjointes et laissent passer le froid et la pluie ; d’autre part, les toitures sont souvent percées. J’ai pu constater que dans les baraquements affectés aux femmes, il n’y avait pas de châlit, ni de bat-flanc, tout juste un peu de paille. Faute de couverture, des femmes et des enfants avaient froid. La précarité de cette installation se trouve encore ag- gravée par le froid rigoureux que nous subissons. Or, il n’y a pas de charbon pour le camp, les baraquements ne sont pas chauffés. Je demande instamment l’envoi de toute urgence du contingent spécial de charbon que j’ai demandé. Le matériel nécessaire à la distribution des repas n’existe plus en quantité suffisante. Une grande partie du matériel a disparu. Je me préoccupe d’ob- tenir ce matériel indispensable auprès de l’autorité militaire. Le matériel de lutte contre l’incendie fait défaut dans ce camp où cependant les risques sont grands. L’infirmerie est mal installée, elle ne dispose que d’un nombre de lits insuffisants. Les instruments, les médicaments sont en trop faible quantité. Il faudrait une importante quantité de savon pour que l’hygiène puisse être totalement observée, afin d’éviter les risques de maladies. Voilà le mal. Il est dû pour beaucoup à l’insuffisance d’entretien des baraquements et du maté- riel, à la perte d’ustensiles et d’objets de première nécessité. Depuis la ferme- ture du camp, des réfugiés espagnols, les baraquements et leur destination ont fait l’objet de modifications importantes. Ce camp, installé pour recevoir des hommes, des soldats, ne convenait pas pour des femmes et des enfants. Le temps laissé pour l’organisation a été trop court, surtout dans la période

actuelle, où il est difficile de se procurer matériel et nourriture. Beaucoup de préfets ont, malgré les instructions, dirigé des étrangers sur Agde sans mon accord préalable. Parmi la population du camp, il y avait des vieillards, de tout petits enfants (près de 300 ont moins de 3 ans), des malades, des infirmes. Nombre de ces gens, dont l’attitude a été très correcte, disposent de ressour- ces suffisantes pour vivre. Or, on les a mis à la charge de l’État…22 ».

La situation semble s’être améliorée et deux mois plus tard, le commissaire spécial d’Agde pouvait écrire le 15 février 1941 au sous-préfet de Béziers :

« En exécution de la dépêche ministérielle du 6 janvier 1941 et à votre note de service en date du 7 du même mois, j’ai l’honneur de vous faire connaître ci-dessous, l’état moral des hébergés du Camp d’Agde tel qu’il résulte des renseignements qui me sont parvenus ou que j’ai pu recueillir. L’amélioration de la nourriture distribuée aux internés continue à maintenir le moral de la population hébergée. Les mesures de libération prononcées par l’Autorité Préfectorale en faveur des personnes jouissant de ressources suffisantes leur permettant de vivre sans être à la charge de la collectivité ont également con- tribué pour une large part à maintenir le moral. Le rapatriement dans leur pays d’origine des hébergés de nationalité espagnole semble faire des progrès. Un courant favorable paraît se faire jour. C’est ainsi que le dernier convoi collectif organisé ce jour, comprenait 131 personnes (hommes, femmes et en- fants). Durant la période du 1er au 15 de ce mois, il n’a été constaté aucune

propagande subversive. Aucun tract ni journal interdit n’a été distribué dans le Camp depuis mon dernier rapport23 ».

Il est vrai qu’à cette date, une grande partie des internés ont été déjà di- rigés vers d’autres camps, surtout celui de Rivesaltes et que la décision avait déjà été déjà prise de fermer le camp, comme il ressort encore de cette lettre envoyée le 25 janvier par le préfet de l’Hérault (lettre portant la signature du secrétaire général Camille Ernst) au préfet de l’Ariège : « A la date du 18 jan- vier courant, vous m’avez fait connaître que vous aviez dirigé le 13 du même mois le polonais Nowan Kukiewiercz (Nowan Mikoly), réfugié de Meurthe- et-Moselle, sur le camp d’Agde. J’ai l’honneur de vous informer que le camp d’Agde est supprimé. Son transfert à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) a déjà commencé. En conséquence, je vous serais obligé de bien vouloir ne plus en- voyer d’étrangers au camp d’Agde surtout sans avoir obtenu au préalable mon accord. Je crois devoir vous rappeler également que l’envoi des étran- gers en surnombre dans les camps d’hébergement a été suspendu par circu- laire télégraphique de M. le Ministre, Secrétaire d’Etat à l’Intérieur, en date du 12 décembre dernier24 ».

Georges Dreyfuss né à Strasbourg en 1915, n’a pas été démobilisé tout de suite après la débacle et fut affecté au camp d’Agde, du 6 août 1940 au 1er avril

1941, comme dentiste-auxiliaire. Dans son témoignage transmis à Madame Françoise Billard, il a insisté lui aussi sur les mauvaises conditions de vie qui y régnaient :

« Les internés crevaient la faim. Ma première femme qui est morte et qui s’était fait embaucher comme secrétaire de direction du chef de bataillon, commandant d’armes de la place d’Agde, s’occupait un peu de tout là-bas. Elle a vu passer des factures de je ne sais plus combien de milliers de francs de portions de fromages de Roquefort dont les internés n’ont pas vu la cou- leur. Des wagons entiers passaient au marché noir, pendant ce temps les gens crevaient la faim. Tous les matins il y avait une cinquantaine qui partaient de leur camp respectif sous la conduite de gardes mobiles pour venir à l’in- firmerie pour une consultation médicale ou des soi-disant soins dentaires ; ils en profitaient pour filer en ville (six ou sept environ). Ils essayaient de vendre objets ou bijoux pour acheter de la nourriture au marché noir. C’était abominable, ils crevaient vraiment la faim. Il y avait une fille, je peux vous certifier que cela est vrai, elle avait dix-huit ans, elle a été rendue enceinte par un garde-mobile pour une tranche de pain. Il n’y avait plus de bat-flanc, on donnait de la paille aux gens pour se coucher. Il y avait des baraques où dor- maient soixante à soixante-cinq femmes, certaines accouchaient dans la paille par terre. Durant cet hiver 1940-1941, il y eut une épidémie de rougeole très importante, on convoyait les plus atteints à Montpellier, à l’hôpital, accom- pagnés de leur mère que l’on faisait revenir au camp après avoir laissé leur enfant. C’était déchirant, les femmes ne voulaient pas laisser leurs enfants car elles savaient que peut-être elles ne les reverraient jamais. Je ne sais pas ce qu’il advenait de ces enfants... ».

Georges Dreyfuss, établi à Pézenas, où il travailla pour le compte d’un dentiste, eut de la chance et échappa à la déportation, ce ne fut pas le cas de son oncle et de sa tante, alsaciens comme lui, réfugiés à Carcassonne, qui fu- rent arrêtés par la police française, envoyés à Drancy et tués à Auschwitz.

Les témoignages des internés que nous avons pu recueillir, ne laissent aucun doute sur les terribles souffrances endurées. Voici deux exemples éma- nant de citoyens belges.

Henri Kichka, en a gardé un douloureux souvenir : « J’avais quatorze ans à l’époque, durant quatre mois, j’y ai vécu une vie difficile, déprimante et surtout très avilissante, car, en fait, nous étions purement et simplement des prisonniers au même titre que des droits communs, sans liberté, très mal nourris, dans des conditions d’hygiène plus qu’élémentaires. […] Je quittais Agde, angoissé car je commençais à apprendre à mes dépens que l’on sait tou- jours ce que l’on quitte, sans jamais savoir où l’on va! Durant ma captivité, je n’ai nul souvenir d’un geste de pitié ou de commisération ou d’un sentiment humanitaire de la part des policiers français... De fil en aiguille, nous avons débarqué au camp de Rivesaltes où nous avons moisi dans des baraques gla- cées au bord de la mer, une discipline de fer, une nourriture réduite à sa plus simple expression, copie conforme du camp d’Agde25 ».

Rose D., qui a réussi à quitter le camp et à repartir illégalement avec sa famille en Belgique, au début de 1941, en a brossé le tableau suivant :

« D’après mes souvenirs, j’avais neuf ans à l’époque, nous avons été ame- nés au camp vers la fin de l’été ou le début de l’automne 1940. Notre famille se composait alors de mon père, ma mère, mon frère qui avait cinq ans, moi- même, ma tante, mon oncle et leur petit garçon de trois ans environ. Je me rappelle d’une scène pénible, lorsqu’on a séparé les hommes et les garçons de treize ans, des femmes et enfants en bas âge.

Ceci fut notre premier contact avec cet univers ! Ensuite on nous amena dans les baraques et on nous dit de s’y installer. On nous jeta de la paille par terre, puis on nous distribua des couvertures, ce qui donna lieu à une belle pa- gaille ! Les baraques étaient en bois, recouvertes à l’extérieur par de grandes plaques noires (probablement goudronnées). Il y avait une porte et des fenê- tres sans carreaux, je me rappelle qu’on les masquait avec des papiers. De gros rats couraient sur la paille et sur les couvertures, et l’un des grands soucis des mamans était la chasse, car elles craignaient pour leurs enfants les morsures. [...] La nourriture était épouvantable. Au menu quotidien, figuraient des ruta- bagas et des topinambours: immangeables. L’eau était une denrée précieuse. Elle était amenée au camp par un camion-citerne. Les détenues devaient faire des queues énormes afin d’en recevoir et c’était rationné...27 ».

Le camp d’Agde, n’était qu’un camp de transit, ses internés furent dirigés vers d’autres camps d’hébergement du Midi de la France. Entre le 14 janvier 1941 et le 2 mars 1941, 2.820 Juifs étrangers quittèrent, escortés, ce camp dans plusieurs départs successifs28 : le 14 janvier, 950 personnes, en majorité des

Juifs polonais, partirent pour Rivesaltes ; le 17 février, 357 personnes âgées, infirmes et malades, pour Noé, un « camp hôpital » ; le 22 février, 1.044 per- sonnes pour Rivesaltes ; le 2 mars, 380 personnes : à Argelès (247), Rivesaltes (82) et Noé (51) ; le 12 mars, 89 personnes : à Rivesaltes (54) et Argelès (35). Deux autres convois d’environ 2.000 personnes non juives avaient été dirigés vers Rivesaltes dans la semaine précédent le 14 janvier 1941.

Le 15 mars le camp d’Agde est vide d’internés civils, il n’y subsiste que la 1ère légion de travailleurs indochinois et d’autres groupes de travailleurs

étrangers. Ce même camp accueillera à nouveau des Juifs étrangers, une année plus tard, lors des terribles rafles du fatidique été 1942.

Notes

1. Cf. Journal Officiel, 19 décembre 1933, Rapport Bonnevay. 2. Cf. Jean Lacouture, Léon Blum, Paris, Le Seuil, 1977, p.267.

3. Cf. Archives départementales de Mende, 2W 2603. Cité par Mechtild Gilzmer, « Blanche- Neige à Rieucros ou l’art de créer derrière des fils de fer barbelés », in Les camps du Sud-Ouest

de la France. Exclusion, internement et déportation, 1939-1944 (sous la direction de Monique-

Lise Cohen et Eric Malo), Ed. Privat, Toulouse, 1994, p. 61. Sur le camp de Rieucros cf. aussi Yannick Pepin, Rieucros : un camp d’internement en Lozère (février 1939-février 1942), mémoire de maîtrise sous la direction de Carol Iancu, Université Paul Valéry, Montpellier, juin 1998.

4. Cf. la carte « Camps de rassemblement et d’internement français pour étrangers (1939-1940) » d’après Anne Grynberg, Les camps de la honte. Les internés juifs des camps français, 1939-1944, Paris, La Découverte, 1991, p. 8.

5. Ibid. 2ème édition, p.39.

6. Cf. Joseph Weill, Contribution à l’histoire des camps d’internement dans l’anti-France, CDJC, Paris, 1946, p. 22.

7. Ibid., p. 12.

8. Les camps d’internement du midi de la France, 1939-1945. Catalogue de l’exposition (sous la direc- tion d’Eric Malo), Bibliothèque municipale, Toulouse, 1990, p.11

9. Denis Peschanski, La France des camps, Gallimard, 2002, p. 46. 10. Cf. page de couverture : « Le camp d’Agde, vue générale ». 11. Cf. Annexe A 2 (J.O. du 21 novembre 1940).

12. Cf. Archives ADH 2, W 622.

13. Cf. Guy Hermet, La guerre d’Espagne, Paris, Seuil, 1989, 339 p.

14. Cf. Louis Stein, Par delà l’exil et la mort : les républicains espagnols en France, Paris, éd. Mazarine, 1979, 383p, p.123.

15. Cf. Archives ADH, 2 W 622. 16. Cf. Archives ADH, 2W 623. 17. Cf. L’Avenir agathois, 1er juin 1940.

18. Archives ADH, 2W. 19. Cf. ADH, 2W. 20. Cf. ADH, 2 W 620.

21. Archives AIU, O.S.E. Cf. aussi Delphine Benezet, Le camp d’Agde de ses origines à 1942, mémoire de maîtrise d’histoire, sous la direction de Carol Iancu, Montpellier, 1993, p. 74. Cf. aussi Michaël Iancu, Spoliations, déportations, résistance, op. cit., p. 94-96.

22. Cf. Archives ADH, 2 W 620. 23. Cf. Archives ADH, 18 W 12. 24. Cf. Archives ADH, 18 W 12.

25. Cf. Michaël Iancu, Spoliation, déportations, résistance…, op. cit., p. 97-98. 26. Ibid., p. 95-96.

27. Ibid., p. 96-97.

Les demandes de libération des Juifs internés au camp d’Agde

Étant donné les difficiles conditions de vie de l’univers concentrationnaire, le premier souci des internés fut d’essayer de le quitter le plus rapidement possible. Dès le mois d’octobre (c’est après la loi du 4 octobre 1940, que de très nombreux Juifs étrangers y furent internés), l’administration du camp fut assaillie d’un grand nombre de demandes, à tel point que la sous-préfec- ture de Béziers (dont dépendait Agde), qui recevait les demandes transmises par le commandant du camp et les acheminait à son tour à la Préfecture de Montpellier pour décision, a dressé des formulaires-types1. Le sous-préfet

ne se contentait pas de l’avis du commandant du camp d’Agde qui accom- pagnait les demandes, il réclamait généralement des renseignements sur les intéressés au commissaire de police spécial, chef de service au camp. En fait, c’est le rapport qu’il transmettait à Montpellier qui était déterminant pour la réponse du préfet de l’Hérault.

Trois arguments sont généralement avancés par les internés, en vue de leur libération : des raisons médicales, l’attente d’un visa pour départ à l’étranger (vers les États-Unis le plus souvent) ou la possession de ressources suffisantes (dans l’immense majorité des cas). Pour la première catégorie, sauf cas excep- tionnel, il n’y a pratiquement pas eu de réponses positives. La lettre suivante écrite le 19 décembre 1940 par le commandant Cabantous, le médecin chef du camp d’Agde au sous-préfet de Béziers, est significative, à la fois de l’utilisa- tion de cet argument par certains internés et de l’attitude sévère et négative de ce fonctionnaire :

« En réponse à votre lettre du 16 décembre, j’ai l’honneur de vous informer que la réclama- tion de la famille Bleich ne me paraît nullement fondée. Effectivement, Monsieur et Madame Bleich ne sont pas malades, quant à leurs deux enfants, examinés dès qu’on a fait appel au médecin, ils ont été hospitalisés le 11 décembre 1940 à Montpellier, avec diagnostic de rougeole. Je dois vous signaler qu’une certaine épidémie règne au camp : celle de trouver n’importe quel moyen pour essayer soit d’être libéré soit de réclamer ; en dépit de tous les efforts que font tous les services sans exception pour mener à bien la tâche que vous leur avez confiée2 ».

Dans le document Vichy et les juifs (Page 151-186)