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Arrestation de Juifs et propagande antijuive en France

Dans le document Vichy et les juifs (Page 77-81)

Les Juifs dans Le Petit Méridional

2. Arrestation de Juifs et propagande antijuive en France

Deux mentions sont relatives à l’arrestation de Juifs, la première a trait à la ville d’Avignon, la seconde au banquier Worms. Un long article et une brève annonce concernent la propagande antijuive.

« Arrestation de gaullistes » (6 janvier) : « Jacques Friedman et sa femme,

tous deux israélites, ont été arrêtés pour détention de deux colis contenant douze kilos de tracts gaullistes reçus à Marseille ».

« L’internement de M. Worms » (26 février). On reproche à ce banquier « im-

mensément riche», d’avoir fait « un insolent étalage de sa richesse » et de ne s’être pas fait inscrire « au recensement obligatoire des israélites » (cf. L’Éclair du 25 février).

« A propos de la question juive » (5 septembre). Une large présentation de

l’éditorial signé par Saint Julien dans Le Grand écho du Midi de Toulouse, est faite à la suite de la « vive émotion qui s’est manifestée récemment dans certains milieux », consécutivement aux « événements auxquels ont été mêlés des Juifs de diverses nationalités, réfugiés en France depuis quelques années14 ».

Ce fut la seule allusion aux grandes rafles de l'été 1942 ! L’auteur stig- matise « certains chefs responsables de la conduite des hommes et de la di- rection des consciences » qui ont avivé cette émotion et fourni ainsi « des armes contre le gouvernement de la France, contre la révolution nationale, contre l’unité française ». Il s’agit bien entendu des déclarations de compas-

sion à l’égard des Juifs traqués, émanant de plusieurs représentants religieux et d’abord l’évêque Salièges de Toulouse, et dont les noms ne sont nullement mentionnés. L’auteur de l’article qui se targue de présenter un point de vue catholique sur la « question juive », met en garde les Français contre tout sen- timentalisme. Il défend les mesures prises contre les Juifs accusés d’être les responsables du marché noir, cite saint Thomas d’Aquin qui s’était élevé con- tre la « malfaisance juive », et rappelle que l’« étoile juive » est d’origine ec- clésiastique (en effet, le Concile de Latran imposa en 1215, la rouelle, comme insigne distinctif)…

« Un cambriolage » (le 27 mai) : le journal annonce un fait divers survenu à

Perpignan où des malfaiteurs se présentant comme des inspecteurs de police chargés d’une perquisition, ont cambriolé le domicile d’un « riche israélite », s’emparant de 400.000 francs. Le nom de ce « riche israélite », n’est pas men- tionné.

3. L’antisémitisme et les Juifs à l’étranger

« Un appel aux Juifs contre les puissances du pacte tripartite » (27 mai), a été

lancé le 24 mai, par les représentants de la communauté juive, à l’occasion d’un meeting tenu à Moscou. L’accent est mis sur les conseils donnés aux Juifs des pays occupés à s’engager dans des actions systématiques de sabotage (cf.

L’Éclair du 27 mai).

« Le fils d’un ministre anglais dénonce l’action des Juifs en Grande-Bretagne »

(31 décembre). A Radio-Paris, John Amery a déclaré que dans son pays, l’en- semble de la presse, de la radio et des cinémas est sous le contrôle des Juifs, et mis en garde contre la BBC : « Je voudrais que vous sachiez bien qui sont ces gens qui osent parler au nom de la Grande Bretagne. Le tragique, c’est que nous sommes comme vous en étiez en 1939. Notre presse, nos agences d’informations, notre radio-diffusion, nos cinémas, sont sous le contrôle des Juifs. Le gouvernement est inféodé aux grands trusts des Soviets omnipotents à Londres. Mais ces gens, sentant le courroux populaire qui gronde, ont fait occuper tous les points stratégiques par des troupes américaines. Quand la BBC vous parle, sachez au moins que cela n’est pas la voix de la véritable Angleterre, mais celle du Kremlin, qui vous convie à l’émeute, au sabotage, à l’assassinat, cela ne sert et ne servira jamais aucun intérêt anglais. Pour ter- miner, rappelez-vous que toute notre civilisation depend de l’issue de cette guerre, sachez que les camps de concentration en Angleterre, regorgent de tous les patriotes anglais, sans distinction d’opinion politique, qui désirent la paix et la liberté, que la soldatesque américaine marche en maître dans nos rues, car l’Anglais n’a plus le droit de sa libre opinion dans son propre pays. La radio de Londres peut vous parler en anglais ou en français. Ce sont des Juifs qui vous parlent pour une cause juive, dans l’intérêt de la juiverie mon- diale et non par des Anglais pour une cause anglaise ».

§3. L'ANNÉE 1944

Le Petit Méridional paru régulièrement du lundi 3 janvier au lundi 21 août

1944, jour de sa suppression, est constitué d’un feuillet mesurant 27,5 cm sur 43,5 cm sauf pour les exemplaires du lundi et pour la période du 6 mars au 10 juillet, mesurant 41,5 cm sur 58 cm. La page recto contient toutes les nou- velles de la guerre, les faits divers, et les informations relatives aux sports. Au verso, on trouve les services urgents, les petites annonces et un feuille-

ton ”Filles de Satan”.

Pour cette année, sont comptabilisés vingt-deux articles relatifs aux Juifs : trois en janvier, huit en février, cinq en mars, trois en avril et trois en août. Pendant les mois de mai, juin et juillet, aucune mention n'apparaît, les nou- velles faisant surtout état des événements de la guerre, en particulier, le dé- barquement en Normandie le 6 juin 1944 par les troupes anglo-américaines, qui marque le commencement de la libération en France. Tous les articles con- cernant les Juifs sauf les annonces (parues les 17 avril et les 5, 8 et 10 août), un total de 18 pour 22 articles, sont signés « O.F.I. », c’est-à-dire l’Office Français

d’Information, l’agence officielle d’information du gouvernement de Vichy

pendant les années 1941-194415. Ces nouvelles émanent donc directement de

Vichy et sont contrôlées par l’occupant. Les articles peuvent être regroupés en plusieurs thèmes : la propagande antijuive, le « terrorisme juif », les mesures antijuives, les discours d’Hitler, l’antisémitisme et les Juifs à l’étranger, la situation en Palestine.

1. L’antisémitisme et les mesures antijuives en France

a) La propagande antijuive

La projection du film antisémite ”Le Juif Süss” offert par l’Office de Placement Allemand (O.P.A.) au cinéma Le Capitole de Montpellier fait l’ob- jet de trois annonces, les 7, 8 et 9 février, et d’un compte-rendu, le 9 février. Les deux premiers jours, l’information avait la teneur suivante : « C’est demain mardi, en matinée à 15 heures au Capitole qu’aura lieu la séance gratuite of- ferte par l’O.P.A. Au programme “Le Juif Suss”. Le troisième jour c’est plutôt un compte-rendu qui souligne le succès de la manifestation : « L’Office de Placement Allemand a offert, hier, son gala, dans la salle du Capitole, devant un public dense. Au programme, outre les actualités de la semaine et un do- cumentaire sur les permissionnaires du S.T.O. et sur des villes et des villages allemands, figurait “Le Juif Süss” dont on peut applaudir la sûre technique, ainsi que la brûlante actualité du sujet ».

Hormis ces annonces relatives à ce film antisémite, tristement célèbre, deux articles font partie de la propagande officielle du gouvernement de Vichy.

Le premier concerne les ouvriers français et son but est éclairé par le titre :

« M. Chassaigne met en garde les ouvriers contre les exhortations à la grève de Radio- Londres ». En effet, François Chassaigne, commissaire général à la Main d’œu-

la grève est illégale et a exprimé la conviction que « les travailleurs français ne feraient pas la grève à l’instigation d’un représentant des intérêts juifs ». Qui est ce représentant ? Il s’agit du « speaker israélite» de la B.B.C., d’un ancien militant pacifiste nommé Guigui qui avait demandé aux ouvriers français «de prêter main forte aux gens du maquis16 ».

Un deuxième article de l’O.F.I. du 15 avril, intitulé « Il faut travailler pour

l’Europe ou mourir » s’adresse une nouvelle fois aux ouvriers français. D’emblée,

les Juifs sont décriés pour avoir causé la guerre : « On comprend aisément que les Français soient difficiles à convaincre quand ils ont été trompés, trahis et bafoués par une clique de Juifs et de capitalistes qui n’hésitèrent pas à les lancer dans la guerre en 1939 ». On fait référence à la liaison entre les Juifs et le bolchevisme qui est « aux portes de l’Europe » et qui « menace d’anéantir notre civilisation, notre pays, nos foyers ». L’article essaie de mettre en garde les ouvriers français contre les idées communistes en affirmant que la Révolution bolcheviste d’octobre a été la plus grande mystification de tous les temps. En conclusion, un appel est lancé à l’ouvrier qui est à la fois français et européen : « français Européen » : « S’il veut vivre et protéger sa famille, il doit donner son travail à l’Europe. S’il se dérobe, c’est la mort qui l’attend ».

b) « Le terrorisme juif »

Six articles ont trait au terrorisme et au «banditisme juif» : trois en février et trois en mars : « La Milice et la police déjouent un complot contre M. Joseph

Darnand » (5 février), « Une Cour martiale allemande juge soixante-dix terroristes »

(19 février), « La Cour martiale a prononcé 23 condamnations à mort » (22 février),

« Vingt-deux terroristes ont été exécutés à Paris » (4 mars), « La répression du ban- ditisme » (15 mars), « Six bandits condamnés à mort par la Cour martiale française de Lyon » (16 mars).

Il faut remarquer qu’au début du mois de février 1944, l’on assiste à la structuration de la Résistance : les Forces Françaises de l’Intérieur (F.F.I.) ras- semblent toutes les organisations de résistance, comme l’Armée secrète gaul- liste, l’Organisation de résistance de l’armée giraudiste, et les Francs-Tireurs et Partisans communistes17.

Trois articles successifs sont consacrés à l’arrestation et au procès du grou- pe dirigé par Manoukian, rendu célèbre par l’Affiche rouge, et, après la guerre, par le poème d’Aragon mis en musique par Léo Ferré18.

Celui du 19 février « Une cour martiale allemande juge soixante-dix terroris-

tes », insiste longuement sur les organisations « terroristes », en particulier

le « F. T. P. », c’est-à-dire les « Francs-Tireurs et Partisans », qui est une éma- nation du « M.O.I. », le « Mouvement Ouvrier Immigré », constitué après la guerre de 1914-18.

Celui du 22 février « La Cour martiale a prononcé 23 condamnations à mort19 »

souligne la liaison étroite entre les Juifs et le communisme bolchevique : « Il est devenu clair que les Juifs qui ont entraîné les Français dans cette guerre, n’ont pas cessé de continuer leur jeu contre la France aux heures particulière-

ment propices, afin d’entraver la lutte contre le bolchevisme ». Nous y trou- vons encore ces mots révélateurs : « De quels milieux ces terroristes sont-ils issus ? Dans la plupart des cas, ce sont des Juifs ou des communistes ». Il faut souligner que sur les vingt-trois personnes condamnées à mort, dix étaient Juifs.

Trois autres articles décrivent des incidents particuliers où des Juifs sont impliqués. Le tout premier, du 5 février « La milice et la police déjouent un com-

plot contre M. Joseph Darnand », donnent des informations sur un complot con-

tre Joseph Darnand, le secrétaire général au maintien de l’ordre, et plusieurs de ses collaborateurs. Parmi tous les conjurés arrêtés, se trouve un Juif, consi- déré comme « l’un des principaux chefs de la bande » et, parmi ses complices, il y a « d’anciens officiers, des fonctionnaires et quelques communistes ». Le sous-titre du second, du 15 mars, résume le contenu : « Un bandit juif con-

damné à mort par la cour française de Lyon est passé par les armes». Il s’agit d’un

juif polonais et l’incident s’est produit à Grenoble. Même constat pour le titre du dernier article du 16 mars : « Six bandits condamnés à mort par la Cour martiale française de Lyon ». En effet cette dernière jugea et fit exécuter, pour des attentats commis dans la Drôme, « six bandits », « pour la plupart Juifs étrangers, repris de justice, évadés de camps de concentration ».

c) Mesures antijuives

Le 28 février, le journal informe que « M. Du Paty de Clam est nommé commis-

saire général aux questions juives », en remplacement de Darquier de Pellepoix,

démissionnaire. Un communiqué du Commissariat général aux questions juives, publié le 17 avril, fait savoir qu’il vient d’être prescrit aux préfets « de procéder à l’internement administratif des Juifs qui n’auraient pas effectué le paiement de la cotisation individuelle instituée au profit de l’Union générale des Israélites par l’arrêté ministériel du 11 mai 194320 ».

Dans le document Vichy et les juifs (Page 77-81)