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L’antisémitisme à l’étranger : les discours d’Hitler et la présentation tendan cieuse des événements liés aux Juifs

Dans le document Vichy et les juifs (Page 53-56)

Les Juifs dans L’Éclair

3. L’antisémitisme à l’étranger : les discours d’Hitler et la présentation tendan cieuse des événements liés aux Juifs

a) Les discours d’Hitler

« Un message du chancelier Hitler » (25 février). Reproduction du message

de salutations d’Hitler, lu la veille à Munich, par le gauleiter Adolf Wagner, à l’occasion du 22e anniversaire de la fondation du parti national-socialiste.

Nous y trouvons proclamée ouvertement son intention d’exterminer les Juifs : « Pour nous, déclara-t-il, vieux nationaux-socialistes, cette alliance du ca- pital juif et du communisme ne nous surprend pas, comme cela s’est passé dans notre pays, avant, pendant et après la première guerre mondiale, ce sont aujourd’hui, encore et toujours, les seuls Juifs qui doivent être rendus responsables de la discorde entre les peuples. Aujourd’hui, les idées de no- tre révolution nationale-socialiste et de la révolution fasciste ont conquis de grands et puissants états, et ma prophétie se réalisera, à savoir qu’après cette guerre, l’humanité aryenne ne sera pas anéantie, mais que le juif sera extermi- né. [c’est nous qui soulignons]. Quelles que soient les vicissitudes ou la durée de la lutte, ce sera là un résultat final. C’est alors seulement après l’élimina- tion de ces parasites que succèdera aux souffrances du monde une longue période d’entente nationale, par là, de véritable paix…”27 ». Il ne s’agit pas

pelle qu’entre 1933 et 1939, « Hitler profère, à plusieurs reprises, des menaces d’extermination à l’égard des Juifs28 ».

« Au Reichstag: le chancelier Hitler prononce un important discours» (26/27

avril). Le « danger juif» y est ainsi dénoncé : « Le judaïsme a cherché à mettre la main sur l’Europe. La prétendue dictature prolétarienne proposée en 1917 au peuple allemand, elle n’était en réalité que la dictature des Juifs. En Russie, des millions d’êtres innocents ont été assassinés par cette puissance. En Alle- magne, l’élément sain l’a emporté et a évité le pire. Le Führer passe ensuite à la révolution fasciste qui posa la première pierre d’une époque nouvelle et constructive en Europe et d’un ordre nouveau. Aujourd’hui c’est la lutte con- tre les démocrates judéo-capitalistes et les peuples luttant pour leur liberté et leur vie. C’est la lutte entre les possédants et ceux qui n’ont rien».

« Un appel du chancelier Hitler pour la campagne en faveur du secours d’hiver»

(2 septembre). A Berlin le 1er septembre le Führer a lancé un appel au peu-

ple allemand « pour la nouvelle campagne en faveur du secours d’hiver» : « Après avoir déclaré que les ploutocrates anglo-saxons, les judéo-marxistes avaient voulu priver l’Europe de son indépendance spirituelle, sans vouloir construire un monde meilleur, le Chancelier a affirmé que l’espace vital des peuples était agrandi ».

b) Présentation tendancieuse des événements liés aux Juifs : un congrès à Moscou et le naufrage du “Strouma”

C’est sous un titre provocateur qu’est évoquée une importante réunion des Juifs de Moscou, tenue le 24 mai : « Les excitations du Congrès juif de Moscou » (27 mai). « Les congressistes ont adressé aux Juifs du monde en- tier un appel dans lequel ils les invitent à tout mettre en œuvre dans la lut- te contre les puissances du pacte tripartite. Cet appel invite notamment les Juifs des pays occupés à prendre les armes, à se joindre aux détachements de partisans, à faire sauter les dépôts et les voies ferrées. “De Johannesbourg à Montréal, d’Alexandrie à San Francisco, les Juifs aident au combat” dit no- tamment cet appel qui demande aux israélites de rassembler de l’argent à cet effet. “Aucune paix, poursuit l’appel, aucun armistice ne peuvent intervenir entre les deux camps. L’été de 1942 décidera du sort des Juifs”. A l’issue du meeting, les congressistes ont adressé à Staline un message dans lequel ils lui expriment leur affection et l’assurent de leur travail dans toutes les branches de la production ».

Le naufrage du « Strouma » avec des émigrants juifs de Roumanie souhai- tant joindre la Palestine, fait l’objet de trois articles, le premier annonce la ca- tastrophe, le deuxième tente d’expliquer les causes, mais avec un titre ambigü et provocateur, rejetant sur les Juifs eux-mêmes la responsabilité du naufrage, tout en soulignant qu’aucun pays n’accepta d’accueillir ces émigrants, le troi- sième, enfin, nous apprend que les sauveteurs n’ont pu retrouver que cinq ou six naufragés :

« A Istanbul, un vapeur coule avec 750 israélites à bord » (25 février). « Le va-

peur “Strouma” de 141 tonnes qui se trouvait immobilisé depuis 4 mois dans le port d’Istanbul avec à son bord 750 israélites roumains sur le chemin de l’exil, avait levé l’ancre, hier, pour une destination inconnue. On apprend qu’il vient de couler. On ignore s’il y a des rescapés parmi les passagers israé- lites qui depuis 4 mois avaient attendu de gagner la Palestine».

« Le naufrage du “Strouma”. Le vapeur a-t-il été coulé par une mine ? Ou les émigrants ont-ils fait sauter eux-mêmes leur bateau ? » (26 février). « Istanbul, 25

février. Le naufrage du vapeur Strouma reste, encore aujourd’hui assez mys- térieux. Mais on a pu établir dans quelles circonstances le vapeur a quitté le port d’Istanbul. Depuis quatre mois le gouverneur d’Ankara cherchait à se débarrasser de ce petit vapeur qui transportait 760 israélites, partis de Roumanie, grâce à la complicité du capitaine bulgare du bateau. Pendant ces quatre mois, ces passagers restèrent parqués sur leur petit navire avec l’interdiction formelle de quitter le bord. On apprit d’abord que des avaries aux machines avaient empêché le bateau de poursuivre sa route. Le gouver- neur turc les fit réparer. Pendant ce temps, des interventions étaient faites auprès des pays susceptibles d’accueillir les émigrants. Aucun n’accepta. La Roumanie, moins que les autres, parce que les 760 israélites s’étaient enfuis clandestinement. C’est alors que le gouverneur turc prit la décision de refou- ler le Strouma hors des eaux territoriales turques. Le 23 au soir, le petit vapeur était pris en remorque par le vapeur turc Alendar, et était abandonné à son sort en Mer Noire à 6 milles de la côte. On ne sait s’il a heurté une des mines dont cette région est infestée depuis le début de la guerre germano-russe, ou si les émigrants ont fait sauter leur bateau eux-mêmes ».

« Le naufrage du “Strouma” : les recherches continuent » (27 février). « Les re-

cherches continuent en mer Noire, au large de l’entrée du Bosphore, en vue de retrouver les rescapés du “Strouma”. Comme le naufrage a eu lieu dans une zone militaire, il a été très difficile jusqu’ici d’obtenir des renseignements. Cet après-midi à Istanbul, on assurait que les sauveteurs n’avaient pu retrou- ver que 5 ou 6 naufragés29 ».

Il ressort de la plupart de ces articles, que L’Éclair véhicule un antisémi- tisme basé sur des stéréotypes traditionnels. Les Juifs associés au capitalisme, au grand capital, sont “usuriers” et se divisent en deux groupes : il s’agit soit de Juifs voleurs et trafiquants, soit de Juifs très riches qui se font voler leur fortune. L’amalgame « juif, étranger, communiste, terroriste » est systémati- que, de même le mythe anglo-judéo-maçonnique. Quant aux discours d’Hit- ler, ils sont émaillés d’expressions significatives : “alliance du capital juif et du communisme”, le “danger juif”, la “dictature des Juifs”, des “démocrates judéo-capitalistes”, les “judéo-marxistes” … Enfin, il n’hésite pas à affirmer :

« après cette guerre… l’humanité aryenne ne sera pas anéantie, mais le Juif

Il est intéressant de souligner que L’Éclair, quotidien derrière lequel se trouvent le courant royaliste et l’Action Française, n’a pas mesuré, en 1933, le danger que représentait la montée d’Hitler au pouvoir, notamment sa volonté expansionniste, au détriment des démocraties, de la France en particulier. Il a été cependant sensible au racisme devenu politique officielle outre-Rhin, et s’éleva même contre les persécutions antisémites qui y sévissaient dans un article du 27 septembre 1933. Pourtant, son auteur, le marquis de Roux, com- bat en même temps le sionisme, le seul moyen de défense des Juifs dans le contexte international de l’époque.

§4. L’ANNÉE 1943

Pour cette année, le nombre des mentions relatives aux Juifs est très réduit. Les articles ou les diverses annonces trouvent leur place dans quatre rubriques : l’antisémitisme et les mesures antijuives en France, les discours d’Hitler, l’antisémitisme et les Juifs à l’étranger, la situation en Palestine.

Dans le document Vichy et les juifs (Page 53-56)