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Les représentations étudiées révèlent des processus de justifications socio-historiques de l’affrontement symbolique entre nature et technique.

La justification socio-historique de l’affrontement entre nature et technique se manifeste dans les discours et les pratiques étudiés d’une part par la dénonciation du pillage des ressources naturelles et d’autre part par la mise en concurrence des intérêts de la nature et du progrès. Ces deux aspects sont liés dans la mesure où le second constitue le postulat philosophique sous-tendant le premier. Le pillage des ressources naturelles apparaît en effet comme la manifestation la plus visible de cette concurrence entre nature et progrès, cette concurrence s’exprimant là dans une attaque du progrès contre la nature.

a) La dénonciation du pillage des ressources naturelles par l’énergie

Les signes de la dénonciation du pillage des ressources naturelles par l’énergie sont multiples sur nos terrains. Il est possible de distinguer les deux catégories principales suivantes.

Les contestataires politiques

Il y a les habituels contestataires comme cet écrivain engagé sur Islay, « pourfendeur » déclaré et régulier des méfaits de la technologie et de la société de consommation.

«Maintenant, Monsieur Mitchell travaille dur sur son prochain livre. Il retracera l’histoire de la société royale de protection des oiseaux depuis 1940 lorsque la conservation de la nature fut bureaucratisée pour la première fois. »170

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Ces acteurs sont ceux dont les intérêts économiques et agricoles qui étaient établis sur le territoire sont menacés par les organisations nationales. La dénonciation du pillage des ressources se manifeste sous un mode original chez eux. Le pillage des ressources naturelles est là effectué dans les discours par l’organisation même qui se déclare missionnée pour protéger l’héritage naturel du pays.

« Pour contrer la menace de muséification de l’Ecosse rurale et la démolition des intérêts humains, sociaux et économiques placés en dessous de ceux appelés « héritage naturel », une nouvelle organisation a été lancée, appelée « Les gens aussi ». C’est l’invention de Mme Kirsty Macleod, une fille de métayer gaélique de Coll et maintenant fermière à Lochaber. Kirsty fut appelée pour une conférence à Perth l’an dernier (mentionnée dans le Ileach du 20 octobre 2001) pour discuter de ce qui pourrait être fait sur le problème de la bureaucratie invasive dans les zones rurales. » 171

Pour le dirigeant de l’association Symbiose à Bugey, l’historique de l’intérêt porté à l’environnement de la centrale de Chooz s’ancrait d’abord dans une démarche contestataire. En effet, à l’origine, les observations faites pour l’étude conduite sur l’environnement de la centrale étaient guidées par l’intention de démontrer que la centrale nucléaire de Chooz avait des conséquences désastreuses sur l’environnement. Cet esprit de contestation se retrouve notamment dans l’extrait d’entretien suivant :

« En fait, c’était un peu la démarche, on était parti sur une démarche de contestation et ...…voir un petit peu les méfaits pour arriver quasiment à un partenariat, parce qu’on s’apercevait que bah ...…la faune et la flore devenaient tellement riche que cette association a dit… nous a contacté…[…] c’était bien pour nous au niveau du démarrage de la centrale d’être partenaire d’une association environnementale ou un peu écolo, quoi. Son président qui était le, notre interlocuteur particulier a eu du mal à l’époque à convaincre son conseil d’administration, qui était quand même franchement à majorité anti-nucléaire. Donc il est, il les a convaincus par la richesse de la faune et de la flore. »172

Les désillusionnés

Dans le prolongement de ce mode original de dénonciation se décline enfin la dernière catégorie. Les désillusionés dénoncent le développement de technologies d’énergies renouvelables annoncées comme salvatrice pour l’environnement. Ces promesses sont critiquées pour n’être que des artifices servant en sous-terrain d’autres intérêts technologiques et économiques.

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The Ileach, vol.29, n°23, 23.03.2002, traduction D. Guérin 172

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"L’hydraulique est un exemple classique de ressource naturelle qui a promis tellement aux Highlands mais qui à la fin a délivré si peu en terme de création de richesses, d’emplois et de prospérité pour les communautés locales qui vivent le long des barrages. »173

b) La mise en concurrence des intérêts de la nature et du progrès

La mise en concurrence des intérêts de la nature et du progrès n’est pas seulement limitée à une certaine époque ou à certains groupes sociaux ou encore à certaines institutions environnementales, mais elle se retrouve dans la vision que les tenants de la réconciliation cherchent à affirmer. La réconciliation n’est possible que si la concurrence est antérieure. En parlant de réconciliation en bref, certains progressistes partent du postulat de l’antynomie et parfois même de l’affrontement entre nature et progrès, entre préoccupations environnementales et développement de la société.

La venue d’un groupe d’étudiants en 1998 est présentée sous un angle particulier par le journal local. Le journal présente ces étudiants comme suivants une formation environnementale à Glasgow et venant étudier sur Islay les politiques de développement et de conservation. Le journaliste qui traite de cette venue insiste dans son article sur l’opposition entre nature et progrès que ce groupe d’étudiants a identifié et qu’il a cherché à solutionner.

« Un groupe d’étudiants en formation environnementale venant de dix nations, qui assistait à un cours de soutien diplômant de l’université de Strathclyde, a identifié les problèmes de déséquilibre entre les intérêts de la conservation et du développement de la belle île historique qui est également un refuge d’hiver essentiel pour les espèces d’oies en voie de disparition. »174

«Les problèmes de déséquilibre entre la nature et le développement sur l’île ne sont pas différents de ceux trouvés dans nos propres pays, ce que nous avons appris ici peut être adapté pour être utilisé sur nos lieux de travail chez nous. »175

Cette opposition entre nature et progrès est interprétée par la suite comme relevant non seulement des difficultés de développement des exploitations agricoles mais elle est imputée à la communication, à une mauvaise communication.

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The Ileach, vol.29, n°15, 01.06.2002, Traduction D. Guérin 174

The Ileach, vol.26, n°3,19.12.1998, Traduction D.Guérin 175

Un des étudiants en formation environnementale provenant de dix nations, de l’Université de Strathclyde, The Ileach, vol.26, n°3, 19.12.1998, Traduction D.Guérin

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« Les problèmes de gestion des flux migratoires des oies sauvages, du développement des fermes et le manque visible de dialogue approprié entre les groupes d’intérêts ont été posés aux étudiants qui essayaient de venir à bout de ces problèmes pour leurs études de terrain. »176

Les organisations de protection de l’environnement se positionnent elles- mêmes dans un rapport ambigu aux nouvelles technologies renouvelables, dites technologies pour l’environnement. Leur méfiance traditionnelle à l’égard des technologies ne disparaît pas dans ce type de projets, elle s’atténue tout juste dans un discours de principe démocratique, celui du respect des libertés et droits de chacun.

« Rae Mc Kenzie, porte-parole locale du SNH (Scottish National Heritage), a souligné aussi que la politique du SNH était bienveillante à l’égard du développement des technologies d’énergie renouvelable dans la mesure où elles n’avaient pas d’impact significatif sur l’héritage naturel.»177

La SNH et d’autres organisations de protection de la nature sont aussi prises par cette même critique opposant nature et progrès. Cependant la critique dont elles sont l’objet est plus raffinée. En effet, elle consiste à voir dans ces organisations des formes progressistes visant à ordonnancer la nature et s’opposant au développement « naturel » de la nature. De cette manière, l’ordonnancement et la bureaucratisation de la nature se trouvent rangée aux côtés du progrès et non de la nature.

« Même si les îles sont particulièrement vulnérables à ce genre d’entreprise, la totalité de l’Ecosse rurale a commencé à être touchée. Il y a d’innombrable quasi-ONG, d’agences gouvernementales et d’associations caritatives qui essaient d’imposer leurs vues aux communautés locales. Mais le plus dommageable est de loin le Scottish National Heritage (SNH) depuis qu’il contrôle le réseau politique sous terrain gouvernant tous les types d‘utilisation des terres, de l’exploitation agricole à la construction de bâtiment. Le SNH vient juste de publier sa « vision » de chacune des 21 zones d’héritages naturelles de l’Ecosse jusqu’en 2025. Hitler avait des plans quadriennaux, Staline des plans quinquennaux. Le SNH a des plans sur vingt-cinq ans! » 178

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The Ileach, vol.26, n°3,19.12.1998, Traduction D.Guérin

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The Ileach, vol.26, n°16, 19.06.1999, Traduction D. Guérin 178

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2) Dimensions exogènes et endogènes de la