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Paragraphe 1. L’échantillon et la construction de la base de données

A. Le prévenu et la situation du couple

2. Le passé judiciaire du prévenu

Le passé judiciaire de l’auteur est évoqué à plusieurs reprises dans le jugement. En même temps que les renseignements concernant le prévenu, le président ajoute une information sur une éventuelle condamnation antérieure. Ensuite, lorsqu’il énonce les faits pour lesquels comparaît le prévenu, le tribunal mentionne s’il est en état de récidive légale, cite le tribunal correctionnel qui l’a condamné et la date de cette précédente condamnation.

La définition de la récidive légale est stricte, puisqu’elle consiste pour un individu « qui

a déjà été condamné définitivement pour la commission d’une infraction, d’en commettre une ou plusieurs autres dans des conditions déterminées par les articles 132-8 à 132-11 du Code pénal106».

Il se peut donc très bien que l’auteur ait des antécédents judiciaires, sans pour autant qu’il soit en état de récidive légale. Auquel cas, le prévenu se retrouve en état de réitération puisque la nouvelle infraction commise n’entre pas dans les hypothèses prévues par la récidive.

49,4% des mis en cause ont déjà été condamnés et, à ce titre, possèdent un casier judiciaire. En revanche, 20,6% d’entre eux sont en état de récidive légale. Selon les chiffres-clés de la justice 2014, le rapport107 fait état d’un pourcentage de 11,4% de récidive légale en ce qui concerne les violences volontaires. Le taux de récidive des auteurs de violences commises au sein du couple est donc bien plus élevé que le taux national.

106 BONIS-GARCON E. et PELTIER V., Droit de la peine, 2ème éd., LexisNexis, 2015, p. 202. 107 Chiffres-clés de la justice 2014, p.19.

55 Tableau n°31 Antécédents judiciaires du MEC Effectifs % Oui 79 49,4% Non 65 40,6% NSP 16 10,0% Total 160 100,0%

Cela pose question eu égard, d’une part, aux moyens d’action des magistrats, d’autre part, aux peines prononcées. Si 20,6% des mis en cause sont des récidivistes, cela signifie que le premier avertissement de la justice n’a pas été suffisant. L’analyse ultérieure nous permettra alors de nous pencher sur l’influence des antécédents judiciaires et de la récidive légale sur les peines.

Pour conclure sur le profil des prévenus, nous pouvons examiner les jugements dans lesquels les prévenus sont des femmes. (Cf. encadré ci-dessous)

Encadré n°4 : A propos de trois femmes prévenues

Le jugement d’un couple de femmes

Le jugement108 opposant les deux femmes est une comparution immédiate. La prévenue a 33 ans,

est sans activité professionnelle. Originaire de Côte d’Ivoire, elle est de nationalité française et vit à Mojan. Le jugement indique que cette personne est déjà connue de la justice. Elle comparaît retenue sous escorte à l’audience et assistée d’un avocat. Elle se dit en concubinage. Elle est prévenue du chef de violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire. Les faits rapportent qu’elle aurait provoqué une chute violente en projetant sa conjointe à terre, qu’elle lui aurait asséné des coups (de poings, de pieds, de coudes) et qu’elle l’aurait mordue.

Ce profil correspond donc au profil majoritaire des prévenus dans les jugements étudiés : trentenaire, sans emploi, français, résidant en zone urbaine, vivant en couple, ayant des antécédents judiciaires et assistée d’un avocat. La seule différence est que la personne est de sexe féminin.

Les faits pour lesquels elle est jugée se sont déroulés entre mi-décembre et fin décembre 2013. L’audience a eu lieu le 21 janvier 2014. La victime ne se constitue pas partie civile, mais le jugement rapporte la présence d’un certificat médical mentionnant un jour d’ITT.

La prévenue est retenue coupable des faits reprochés. Sachant qu’elle est en état de récidive légale, les magistrats retiennent une peine d’emprisonnement ferme à son encontre d’une durée de douze

108 Les jugements correctionnels ont été encodés et numérotés de 1 à 160 dans la base de données. Ils n’ont pas été nécessairement insérés dans un ordre chronologique. Aussi nous indiquons la date et la catégorie de l’audience à chaque fois.

Jugement n° 118, comparution immédiate, janvier 2014 in Base de données Jugements correctionnels Tribunal de grande instance de Mojan.

Tableau n°32 MEC en état de récidive légale Effectifs % Non 127 79,4% Oui 33 20,6% Total 160 100,0%

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mois. Les motifs de cette peine ferme sont la personnalité de la mise en cause, ses antécédents judiciaires et le fait qu’elle persiste dans la délinquance. Aucun sursis avec mise à l’épreuve n’est prévu.

Le tribunal a condamné la prévenue à une peine relativement sévère. Les violences rapportées, surtout physiques, se retrouvent dans 45% des jugements (soit 73 jugements) et 31% de ces 73 prévenus vont se voir infliger une peine d’emprisonnement ferme. Ce n’est donc pas une décision systématique mais la gravité des faits et le fait que l’individu soit en état de récidive légale constituent les motifs très souvent invoqués. Finalement, nous pouvons conclure que le fait que la prévenue soit de sexe féminin ici n’a pas influencé la décision des magistrats.

Deux femmes prévenues aux côtés de leur partenaire

Les jugements suivants109 sont intéressants à plusieurs points de vue.

Premièrement, ils nous permettent de faire le lien avec ce que nous avons observé pour les plaintes. En effet, plusieurs procédures de gendarmerie faisaient état d’un dépôt de plainte de chacun des membres du couple, l’un contre l’autre, et les deux individus étaient alors convoqués en COPJ pour juge unique. Deuxièmement, cela va nous permettre d’étudier le type de violence pour lequel ils comparaissent et les décisions du tribunal.

Les profils des mis en cause hommes dans les deux jugements sont très similaires. Il s’agit de deux ouvriers, français, trentenaires, se déclarant célibataires, résidant hors de la communauté urbaine de Mojan et sans antécédents judiciaires.

Dans le premier jugement, Monsieur est assisté d’un avocat de sexe masculin. Il s’agit d’une audience à juge unique. Il est poursuivi pour usage de stupéfiants et violences ayant entrainé une incapacité n’excédant pas huit jours. Madame se constitue partie civile et demande 2500 euros de dommages et intérêts, ainsi que 1500 euros au titre de l’article 475-1 du CPP. Monsieur va être condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis total et à verser 1500 euros au titre des dommages et intérêts et 600 euros au titre de l’article 475-1 du CPP. Nous n’avons pas d’informations sur le profil de Madame, sauf qu’elle est aussi assistée d'un avocat car prévenue de "dégradation ou détérioration d'un bien" appartenant à Monsieur. Madame aussi sera condamnée pour dégradation au paiement d'une amende de 1000€.

Dans le second jugement, qui fait également l’objet d’une audience à juge unique, Monsieur n’est pas assisté d’un avocat. Il est prévenu du chef de violences sans incapacité, tout comme Madame, qui ne se constitue pas partie civile.

Dans ce cas, les protagonistes vont être reconnus coupables et condamnés à un mois d’emprisonnement avec sursis total simple.

Conclusion

Nous ne saurions tirer de conclusions statistiques de ces données qui ne concernent que quelques jugements. Simplement, nous observons que dans deux cas sur trois, la femme fait usage du même

109 Jugements n° 82 et n° 92, juge unique, mai 2014 in Base de données Jugements correctionnels Tribunal de grande instance de Mojan.

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type de violence que le mis en cause dans la majorité des jugements de l’échantillon, c’est-à-dire des atteintes volontaires à l’intégrité physique, qu’elles aient entrainé une incapacité ou non. Dans un cas, la femme est prévenue de destruction et dégradation de bien.

La première situation observée nous indique également que la prévenue de sexe féminin a un profil très similaire au profil des prévenus de sexe masculin. Les décisions, enfin, sont semblables à celles des autres jugements. Il est intéressant de constater que les magistrats n’hésitent pas à condamner les deux membres du couple lorsque les faits sont illégaux, d’un côté comme de l’autre.

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