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Paragraphe 2. Les résultats obtenus et leur analyse

A. Les résultats et analyses des plaintes des services de police

3. Les faits dénoncés

Les qualifications que nous allons aborder sont les catégories de violences extraites à la lecture des plaintes. Autrement dit, ces données se basent sur la parole de la personne qui a déposé plainte. Ceci signifie que le souvenir restitué est lié à la subjectivité et au traumatisme de la victime : mémoire parcellaire, actes minimisés ou au contraire amplifiés. Par exemple, lorsqu’une victime affirmait dans sa plainte « il m’a giflée puis saisi le cou57», nous avons encodé cela comme « violence physique ». Lorsqu’elle disait « il a dit qu’il allait me tuer et

partir avec les enfants58 », nous avons encodé « menace de mort ».

Les violences physiques regroupent toutes sortes d’actions retrouvées dans l’échantillon : infliger des coups de pied, de poing, de tête ; morsures ; strangulation ; provoquer une chute violente ; cracher sur la personne ; tirer les cheveux ; gifler ; mettre les doigts dans les yeux ; etc. Les violences verbales représentent les insultes et les propos dégradants que la personne rapporte dans sa plainte avoir subi.

Il convient de s’intéresser à la nature des actes retrouvées dans l’échantillon (a), aux situations des couples par rapport aux violences commises (b), et enfin à la place du certificat médical au sein de la plainte (c).

a. La nature des actes observés

Il ressort de l’échantillon que 79,3% des personnes ont porté plainte pour violence physique, 50,4% dénoncent des violences verbales et 17,1% une situation de harcèlement.

56 Cf : Infra, Chapitre 2, paragraphe 2. B. 2. Les mesures relatives à l’autorité parentale et la question de la conciliation de la fin du couple conjugal avec la survie du couple parental.

57Exemple issu de la plainte n°18, juil. 2013 in Base de données Plaintes Commissariat de police.

58Exemples issus des plaintes n°61, sep. 2013 ; n°82 et n°86, oct. 2013 in Base de données Plaintes Commissariat de police.

32 Tableau n°14 Violences physiques Effectifs % Oui 88 79,3% Non 22 19,8% Tentative 1 0,9% Total 111 100,0% Tableau n°16 Harcèlement Effectifs % Non 92 82,9% Oui 19 17,1% Total 111 100,0%

S’agissant des menaces, elles sont de différentes natures. Elles peuvent être écrites, orales ou bien les deux à la fois. Au total, elles représentent 17,1% des plaintes étudiées, mais la majorité se compose de menaces orales (9,9%).

Tableau n°17 Menaces Effectifs % Menaces orales 11 9,9% Menaces écrites 3 2,7% Menaces écrites et orales 4 3,6%

Menaces (dont on ignore la nature)

1 0,9%

Non 92 82,9%

Total 111 100%

-Des violences sexuelles non dénoncées :

L’étude des plaintes montre que les violences physiques et verbales sont dénoncées tout à fait librement par les victimes. En revanche, quasiment aucune violence sexuelle ne l’est. Seules 3,6% des femmes se disent victimes de violences sexuelles. Cela ne signifie pas qu’elles n’existent pas mais elles ne font toujours pas l’objet de dénonciations ouvertes de la part des victimes59.

59 Cf. Infra., Chapitre 2, Section 3. Les violences alléguées et les demandes des requérants, Encadré n°12, « Une sous-déclaration des violences sexuelles ? ».

Tableau n°15 Violences verbales Effectifs % Oui 56 50,45% Non 55 49,55% Total 111 100%

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Tableau n°18

Violences sexuelles Effectifs %

Non-réponse 107 96,4%

Oui 4 3,6%

Total 111 100,0%

-Autres qualifications

Les autres faits de violence peuvent être variés sachant que les qualifications les plus fréquentes sont les destructions et les dégradations (6,3%), les vols de papier ou de téléphone (2,7%). Le chiffre de 4,5% ressort lorsque la personne qualifie les violences subies de violences psychologiques, ce qui est intéressant puisque le législateur a inséré un article spécifique au sein du Code pénal en 2010, même si ces violences morales étaient réprimées avant l’insertion de cet article60 :

« Article 222-14-3 du Code pénal : Les violences prévues par les dispositions de la présente section sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s'il s'agit de violences psychologiques61.

Tableau n°19

Autres qualifications Effectifs %

Violences psychologiques 5 4,5%

Vol de papier et/ ou confiscation de téléphone

3 2,7%

Violences économiques 2 1,8%

Séquestration 2 1,8%

Mise en danger de la vie d’autrui 2 1,8%

Abandon de domicile 1 0,9%

Non-respect de l'ONC 1 0,9%

Non versement de pensions alimentaires

1 0,9%

Non réponse 94 84,7%

Total/ interrogés 111 100%

-Maternité et violence :

De plus, 7,1% des victimes sont enceintes au moment où elles dénoncent des violences. Nous pouvons mettre cela en lumière avec le discours des professionnels interrogés par les chercheurs en psychologie qui rapportent en effet que la violence chez certains auteurs apparaît

60 La jurisprudence a depuis très longtemps condamné des individus pour violences volontaires, sans qu’il y ait eu de contact physique. En effet, elle a étendu l’infraction aux voies de fait c’est-à-dire aux violences morales qui sans atteindre matériellement la personne sont de nature à provoquer une sérieuse émotion. Exemples récents : Crim., 2 septembre 2005, n° 04-87046, Bull. crim. 2005 n° 212, p. 758 et Crim., 18 mars 2008, n° 07-86075, Bull. crim. 2008 n° 21, p. 1414.

61Cit. Loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.

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au moment d’une grossesse62. Ici aussi se pose la question de savoir dans quel contexte le couple se retrouve face à l’arrivée d’un enfant et la place que celui-ci aura au sein de ce couple. -La dénonciation de l’usage de drogues et alcool de la part du mis en cause

Les victimes déclarent dans 14,4% des cas que le mis en cause avait fait usage de drogues ou d’alcool au moment où il a commis l’acte de violence.

-Plus de 80% des dénonciations concernent à la fois des violences verbales et physiques L’une ou l’autre de ces qualifications n’est pas exclusive au sein d’une même plainte. En effet, une victime peut très bien dénoncer plusieurs formes de violences lors de sa déclaration. Nous avons croisé deux données, à savoir le nombre de victimes ayant subi des violences physiques et celles ayant subi des violences verbales, afin de déterminer quelle était la proportion réunissant les deux types de violences.

Tableau n°20 : Violences physiques et violences verbales Violences verbales

Violences physiques Non Oui Total

Non 12 10 22

Oui 42 46 88

Tentative 1 1

Total 55 56 111

Nous avons déjà observé la prégnance des violences physiques par rapport aux violences verbales, qui représentent quatre-vingt-huit cas contre cinquante-six en ce qui concerne les violences verbales.

Quarante-deux cas de violences physiques, soit un peu moins de la moitié, ont été déclarés indépendamment d’une dénonciation parallèle de violences verbales, alors que seuls dix cas de violences verbales ne font pas état de violences physiques.

Ainsi, plus de 80% des dénonciations de violences verbales se font en parallèle de celles des violences physiques. Il est intéressant de noter que douze cas sur cent onze, soit un peu plus de 10% de notre échantillon total, ne dénoncent aucun de ces deux types de violences. Les autres formes de violences relevées (menaces, harcèlement, etc.) sont donc rarement commises sans l’une des deux formes étudiées spécifiquement dans ce tableau croisé.

-La majorité des victimes ont subi plusieurs scènes de violences

Seules 21,6% des victimes disent n’avoir subi qu’un seul fait de violence (mais la même scène de violence peut contenir plusieurs actions). A contrario, cela signifie qu’il y a un cumul de scènes de violences dans toutes les autres plaintes.

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Ceci semble assez logique car, étant donné les difficultés des victimes à dénoncer les violences qu’elles subissent lorsqu’elles se rendent au commissariat, il semblerait que ce soit pour dénoncer une scène qui a été plus importante que les précédentes ou qui comportait des violences physiques.

Ceci peut être mis en perspective avec le fait que 13,4% des victimes ont déclaré avoir déjà déposé une autre plainte ou une main courante.

Tableau n°21 Autres plaintes ou mains

courante déposées par la victime

Effectifs %

Non-réponse 96 86,5%

1 ou plusieurs plaintes 10 9,0%

1 ou plusieurs mains courantes 4 3,6%

Mains courantes + plaintes 1 0,9%

Total 111 100,0%

Néanmoins, il s’avère que 9% des victimes de notre échantillon ont retiré la plainte qu’elles avaient déposée ou une autre précédant celle-ci. Il s’agit d’un pourcentage important comparativement au nombre de personnes qui affirment que ce n’est pas le premier acte de violences qu’elles subissent.

Nous pouvons à présent étudier la situation des couples par rapport aux violences qui sont commises.

b. Les situations des couples eu égard à la nature des violences commises

Nous avons comparé les différents types de violences commises et la situation du couple. Le but de ces catégories croisées est de savoir si la nature de la violence change selon la situation du couple.

Le tableau n° 22 compare la présence de violences physiques et la situation du couple. Nous n’observons pas de variation probante selon la situation du couple. Nous pouvons constater que les violences physiques sont très largement présentes quel que soit le type d’union. Le cas des couples divorcés, proportionnellement déjà inférieurs aux autres couples (6,3%), fait figure d’exception, puisque le « non » est légèrement majoritaire. Les raisons probables de ce constat sont que les couples ne cohabitant plus, les occasions de pouvoir se rencontrer physiquement sont moins nombreuses et la séparation légale ayant été prononcée, plus de temps s’est écoulé en comparaison de couples qui se disent « séparés » ou « en instance de divorce ». Le pourcentage de violences physiques au sein de ces deux catégories de couples est donc élevé. Il semblerait alors que la proximité de la séparation favorise les manifestations de violences physiques. Toutefois, les couples qui se déclarent mariés ou concubins représentent quarante-deux couples sur les quatre-vingt-huit ayant dénoncé des violences

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physiques, soit presque la moitié. Cela renforce l’idée selon laquelle la victime doit réussir à s’éloigner de l’auteur, contre qui elle a porté plainte, le plus rapidement possible ou comme la loi le prévoit, que l’on puisse éloigner l’auteur de la victime en obligeant ce dernier à résider hors du domicile ou à ne pas entrer en contact avec elle. Il s’agit d’ailleurs d’une mesure de protection essentielle dans le dispositif français actuel63, du stade pré-sentenciel jusqu’à l’issue du parcours pénal.

Tableau n°22 : Situation du couple et violences physiques Violences physiques

Situation du couple Non Oui Tentative Total

Absence d'informations 1 1 Concubins 4 18 22 Divorcés 4 3 7 Instance de divorce 2 15 17 Mariés 6 24 30 Séparés 6 27 1 34 Total 22 88 1 111

Le tableau n° 23 compare la proportion des violences verbales eu égard à la situation du couple. Nous remarquons que lorsque le couple est, en principe, toujours en place (concubins ou mariés), la proportion de personnes rapportant des violences verbales est plus élevée que lorsque le couple n’existe plus (séparés, instance de divorce, divorcés). Cela peut nous laisser penser que les violences verbales sont davantage présentes ou dénoncées par les victimes lorsque le couple n’a pas éclaté.

Tableau n°23 : Situation du couple et violences verbales Violences verbales

Situation du couple Non Oui Total

Absence d'informations 1 1 Concubins 5 17 22 Divorcés 5 2 7 Instance de divorce 10 7 17 Mariés 15 15 30 Séparés 20 14 34 Total 55 56 111

S’agissant des menaces et du harcèlement, étant donné le faible nombre de plaintes concernées (dix-neuf pour chacune de ces qualifications), les données doivent être interprétées avec prudence. Néanmoins, il ressort que les menaces sont proportionnellement plus présentes dans les couples en instance de divorce. Une fois encore, nous pouvons sans doute expliquer

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cela par le fait que l’auteur utilise les menaces de violences ou de mort à l’égard de son partenaire ou de leurs enfants parce qu’il accepte mal la séparation ou qu’il souhaite l’empêcher. S’agissant des plaintes pour harcèlement, une tendance se dégage au niveau des situations reportées. Elles sont plus nombreuses pour les couples séparés ou divorcés (douze couples sur les dix-neuf de l’échantillon) que pour les couples institués.

Notons que c’est seulement une loi du 9 juillet 201064 qui a prévu la possibilité de poursuivre l’individu pour harcèlement au sein du couple. Le législateur a fait preuve de prévoyance en insérant dans l’article 222-33-2-1 du Code pénal la possibilité de sanctionner tant l’actuel conjoint, concubin ou partenaire d’un pacs que l’ex-conjoint, concubin ou partenaire.

Conclusion sur la situation du couple et les violences subies

Ainsi, en ce qui concerne les violences physiques, toutes les catégories de couples sont- elles touchées même si les proportions peuvent légèrement varier. Néanmoins, la probabilité de violences est tout de même plus élevée pour la victime qui demeure avec l’auteur que pour celle qui en est séparée. Dès lors, le recours à l’ordonnance de protection devrait être davantage encouragé. Nous constatons toutefois la présence de violences physiques malgré la séparation. Le fait que le dispositif du téléphone grand danger ait été nationalisé par le législateur semble positif puisqu’il permet une intervention rapide des forces de l’ordre lorsque la victime se trouve de nouveau confrontée à son agresseur.

c. La place du certificat médical

De nombreuses victimes se présentent aux services de police munies d’un certificat médical afin de prouver les violences qu’elles dénoncent. La majorité d’entre elles, 25,9%, dispose d’un certificat médical délivré par le médecin traitant mais 12,5% disposent d’un certificat de l’institut médico-légal. Il demeure que 57,7% n’en ont pas.

Tableau n°24 Certificat médical de la victime Effectifs % Non 64 57,7% MT 29 26,1% IML 14 12,6% MT et IML 2 1,8% Services urgences 2 1,8% Total 111 100,0%

Cependant, presque 75% des certificats ne font état d’aucune ITT, 9% déclarent un ITT d’un jour, 8,1% un ITT de 3 jours.

Ceci pose de nouveau la question de la prise en compte de la violence conjugale par les professionnels de santé et de la façon dont ils identifient et analysent l’interruption totale de

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travail. Comme le rappelaient ces médecins légistes : « L'établissement d'un certificat médical

ne doit pas être considéré comme une formalité administrative. Le certificat est une pièce essentielle lors d'un dépôt de plainte, mais son importance pour la victime va bien au-delà. C'est un authentique acte médical, attestant par écrit, de la part d'un professionnel extérieur au cercle familial, l'existence de lésions traumatiques ou de symptômes traduisant une souffrance psychologique65 ». L’absence de critères clairement définis pour estimer l’ITT semble être un obstacle pour les professionnels de santé66, même si des éléments communs ont été dégagés par la jurisprudence. Or, cette notion demeure le point de repère en matière de qualification de l’infraction puisqu’elle permet aux magistrats d’apprécier la gravité des violences exercées afin de déterminer l’infraction commise.

Synthèse de l’échantillon des plaintes des services de police

Il ressort de ces analyses que le mis en cause est généralement un homme, âgé de 20 à 49 ans, avec une majorité de personnes d’un âge compris entre 30-39 ans, tandis que la plaignante est généralement une femme, âgée de moins de 20 ans à 49 ans, avec un pourcentage presque identique de personnes d’un âge compris entre 20-29 ans et 30-39 ans. Les femmes victimes sont globalement plus jeunes que les hommes mis en cause.

La donnée concernant l’état de naissance et la nationalité du mis en cause est absente pour la plus grande partie des plaintes mais il est souvent né en France et de nationalité française pour la majorité des plaintes qui renseignent cette information tout comme la plaignante qui est originaire de France et de nationalité française dans la plupart des cas. Le mis en cause réside souvent en milieu rural alors que la population qui dépose plainte est majoritairement urbaine et périurbaine.

S’agissant des caractéristiques sur les situations professionnelles, les données sont quasi- absentes pour le mis en cause et mal renseignées en ce qui concerne la plaignante. Cette dernière est généralement sans activité professionnelle ou appartient à la catégorie socio-professionnelle des employés.

Les protagonistes sont pour moitié en couple, pour moitié séparés ou en cours de séparation. La durée de l’union, renseignée pour presque la moitié des cas, s’échelonne de moins de 1 an à plus de 10 ans, étant entendu que cette dernière catégorie est majoritaire suivie de près par la catégorie de 1 à 3 ans. Lorsque les couples sont séparés, sachant qu’il faut ici encore prendre en considération un taux de non-réponse élevé, ils le sont depuis moins de 3 mois dans 13,5%. Les couples dont nous parlons ont des enfants communs dans 70,3% des cas et les enfants sont âgés de moins de 6 ans pour 48,3% d’entre eux. 27% des plaignantes déclarent qu’un ou plusieurs des enfants ont été témoins de la scène ou des scènes de violences.

Les violences observées sont des violences physiques (79,3%) puis verbales (50,4%) et des situations de harcèlement (17,1%). Plus de 80% des plaintes dénoncent en même temps des

65 CHARIOT P. et BOUROBKA N., La violence dans le couple : Aspects médicaux, AJ Famille 2003, p. 419. 66 CHARIOT P., TEDLAOUTI M. et DEBOUT M., L’incapacité totale de travail et la victime de violences, AJ Pénal 2006, p.300.

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violences verbales et physiques. Viennent ensuite les menaces dans une proportion identique au harcèlement. Notons la quasi-absence des violences sexuelles et la présence minime de violences psychologiques.

Les autres caractéristiques observées dans d’autres enquêtes statistiques sur ces situations se retrouvent dans notre échantillon notamment, la maternité constatée des plaignantes dans 7,1% des plaintes, la dénonciation de plusieurs scènes de violences, la dénonciation de l’usage de drogue et alcool chez le mis en cause dans 14,4%.

Toutes les catégories de couple sont concernées par la violence physique. La probabilité de violences est tout de même plus élevée pour la victime qui demeure avec l’auteur que pour celle qui en est séparée mais nous constatons également la présence de violences physiques malgré la séparation. Plus de 40% des plaignantes se présentent munies d’un certificat médical. En revanche, presque 75% des certificats ne font état d’aucune ITT.

A présent que nous avons étudié les plaintes des services de police, nous allons exposer les résultats et analyses des procédures des services de gendarmerie.

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