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Paragraphe 5. Couple « conjugal », couple parental

B. Le couple parental

Autre résultat de l’objectivation statistique permise par la base de données que nous avons réalisé, le fait qu’au sein des couples concernés par une demande d’ordonnance de protection au sein du Tribunal de grande instance de Mojan, couple conjugal rime de manière assez systématiquement avec couple parental. En effet, comme en témoigne le tableau ci- dessous, dans au moins 80% des dossiers qui ont été déposés au Tribunal de grande instance de Mojan, les couples impliqués ont ou vont avoir au moins un enfant en commun.

Enfants issus de l’union Effectifs %

Non réponse 8 8,0%

Oui 78 78,0%

Non 12 12,0%

Non mais grossesse en court 2 2,0%

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Encadré n° 12 Le sort des enfants exposés aux violences conjugales Isabelle Corpart, Maître de conférences, HDR, Université de Haute Alsace

Longtemps la souffrance des enfants a été ignorée quand ils n’étaient que spectateurs des scènes de violence perpétrées dans la sphère familiale, seules les manifestations de violence dirigées contre eux conduisant à sanctionner les parents et à mettre en place des mesures de protection. Une étape a toutefois été franchie dès lors qu’il a été admis que, même sans être directement victimes, les enfants sont concernés par les rapports de force qui se jouent entre leurs parents, toutes les relations familiales en subissant les contrecoups.

1) La reconnaissance des souffrances de l’enfant exposé aux violences conjugales

Devenu spectateur de violences qui ne lui sont pas destinées, l’enfant est aussi victime, mais cette fois victime par ricochet. A défaut de lésions corporelles, à défaut d’atteintes à son intégrité physique, c’est bien son psychisme qui en ressort fragilisé par une perte de repères. L’impact des violences psychologiques sur sa construction identitaire n’est plus à démontrer car l’enfant est et se sent impuissant face à ces agissements contre un parent qu’il n’est pas en capacité de protéger. Pris souvent dans un conflit de loyauté, il pense même parfois devoir endosser la responsabilité de certains débordements.

On reconnaît aujourd’hui que le parent violent peine à remplir son rôle d’éducateur et de protecteur de son enfant, même si un conjoint violent n’est pas systématiquement un parent violent. Comment admettre que celui qui exerce l’autorité parentale, conjointement avec l’autre parent, puisse être aussi celui qui est brutal et s’impose en usant de sa force. Les relations familiales sont nécessairement faussées, aussi est-il essentiel que des pénalités sanctionnent le parent pour que les enfants ne pensent pas que les débordements agressifs restent impunis.

2) La nécessité d’englober les enfants dans les dispositifs de lutte contre les violences familiales

Même sans être au cœur des violences, les enfants vivant avec un père – parfois une mère – qui terrorise l’autre, doivent être reconnus en tant que victimes, au moins victimes par ricochet, du fait de leurs souffrances psychologiques. Ces enfants sont en danger (de ne pas s’épanouir, d’être privés de leur enfance et de perdre leurs repères) et des mesures sont à prendre pour les protéger contre le parent qui les maltraite d’une façon insidieuse et pernicieuse. C’est tout le mérite de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants que d’englober tous les membres de la famille, sans distinction entre les victimes directes et indirectes.

3) La nécessité de prendre la mesure des défaillances parentales

L’autorité parentale appartient aux parents pour protéger l’enfant « dans sa sécurité, sa santé et sa moralité » (C. civ., art. 371-1, al. 2). Si le parent fait preuve de brutalité, il ne doit pas conserver ses prérogatives parentales et l’exercice de l’autorité parentale peut lui être retiré ou des mesures

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d’assistance éducative se voir prononcées. Dans le premier cas, pour préserver les intérêts de l’enfant, si le parent brutalisé parvient à quitter le domicile ou à faire prononcer l’éviction de l’autre, il peut demander au juge aux affaires familiales d’exercer seul l’autorité parentale ou, en cas de maintien de la coparentalité, de se voir confier la résidence habituelle de l’enfant avec une limite des droits de visite du parent violent à des lieux de rencontre. Il est possible de songer aussi à une délégation de l’autorité parentale, voire à des retraits d’autorité parentale si le parent nuit gravement aux intérêts de l’enfant. Pour préserver les enfants exposés aux violences conjugales, la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a prévu de nouveaux cas de retrait de l’autorité parentale en cas de condamnation d’un parent pour des faits graves (C. pén., art. 221-5-5 et 222-48-2). Dans le second cas, partant de l’idée que l’enfant est en danger en raison de la cohabitation avec ses parents (C. civ., art. 375), le parent victime n’étant pas à même de lui venir en aide, des mesures d’assistance éducative sont à proposer, telles que des aides apportées par des travailleurs sociaux ou, d’une manière plus drastique, le retrait de l’enfant de son milieu familial.

4) La nécessaire amélioration du dispositif de protection

Beaucoup reste encore à faire en partant des besoins de sécurisation des enfants. Il convient avant tout de sensibiliser les acteurs du terrain et les juges aux souffrances des enfants, lesquels doivent aussi comprendre qu’il ne doit pas leur être reproché de raconter ce qui se passe dans le secret des alcôves. En outre, s’il est vrai qu’un parent violent a besoin d’être aidé et que sa violence doit être canalisée, notamment par des séances de médiation, l’instauration d’espaces de parole peut aussi aider un enfant à s’exprimer. Tout doit être fait pour aider l’enfant qui ne peut pas se défendre seul et n’a aucun point de comparaison pour apprécier les relations particulières au sein de son foyer.

La réalisation de différents tris croisés permet cependant de constater des variations en fonction du statut juridique des couples. Ainsi, si les couples sans enfants (n = 12) sont dans leur écrasante majorité des couples mariés (83,3%, n = 10), les couples mariés ou divorcés de notre panel ont un peu plus fréquemment des enfants communs que l’ensemble des couples mariés résidant sur le territoire métropolitain : 77,1% (n= 54) contre 51,7%220. Cependant sur ce point, ce sont les (ex)concubins concernés par une demande d’ordonnance de protection qui sont le plus atypiques. En effet, alors que l’INED estime qu’à l’échelle de la France, la présence d’enfant concerne 38,2% des couples dits d’« union libre », à une exception près l’ensemble des (ex) concubins de notre panel ont eu ou auront dans quelques mois au moins un enfant en commun221.

220 Source - Ined-Insee - Erfi-GGS1 – 2005 cité par DAUPHIN S., (dir), Acte du colloque Les transformations de

la conjugalité : configuration et parcours, Dossiers d’Etudes CNAF, n°127, p. 26.

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Tri croisé : Statut principal du couple / 42. Enfants issus de l'union ?

Non répons e Enfants commun s Pas d’enfants communs Total Non réponse 1 1 Mariés 6 54 10 70 Pacsés 1 1 2 Concubins 26 1 27 Total 7 81 12 100

Khi2=7,99 ddl=6 p=0,238 (Val. théoriques < 5 = 8)

Comme en témoigne le tableau suivant, la population des couples parentaux se répartit de manière relativement équilibrée en trois classes : 1 enfant (29%), 2 enfants (22%), 3 enfants (20%). On observe certes une légère surreprésentation des couples avec un seul enfant mais celle-ci est sans doute à mettre en lien avec l’âge des parties. En effet, la moitié des femmes de ce panel a moins de 35 ans (n=51), or en France l’âge moyen du 1er enfant est de 28 ans (30 ans et demi pour le second).

Nombre d’enfants issus de l’Union Effectifs % Non réponse 3 3,0% Aucun 19 19,0% Un enfant 29 29,0% Deux enfants 22 22,0% Trois enfants 20 20,0%

Quatre enfants ou plus 7 7,0%

Total 100 100,0%

Les données dont nous disposons laisseraient même plutôt à penser que les couples de notre panel font plus d’enfants que la moyenne des français. En effet, selon l’INSEE, les familles de 3 enfants et plus représentaient 16,5 % des familles comptant au moins un enfant mineur en 2011. Or au sein de notre panel, les couples ayant eu au moins trois enfants (dont un est encore mineur) représentent 26 % des dossiers traités.

A partir des dossiers où l’on dispose de l’âge des enfants (n=64), il apparait en outre possible d’émettre l’hypothèse que la demande d’ordonnance de protection est essentiellement le fait de femmes dont les enfants sont relativement jeunes.

Age des enfants du couple quand indiqué dans le jugement Effectifs % Moins de 2 ans 22 33,8% de 3 à 5 ans 24 36,9% 6 à 10 ans 28 43,1% 11 à 14 ans 21 32,3% 15 à 17 ans 7 10,8% 18 ans et plus 9 13,8% Total / répondants 65 ---

Interrogés : 100 / Répondants : 65 / Réponses : 111 Pourcentages calculés sur la base des répondants

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