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Le caractère exhaustif des mesures prononcées par le juge aux affaires familiales

Paragraphe 2. La teneur des mesures ordonnées par les juges aux affaires familiales

A. Le caractère exhaustif des mesures prononcées par le juge aux affaires familiales

Parmi les demandes soumises aux juges aux affaires familiales, certaines correspondent expressément aux mesures qu’ils peuvent prononcer sur le fondement de l’article 515-11. Tel n’est pas toujours le cas, cependant. Ainsi, il a pu être demandé au juge aux affaires familiales de « renvoyer le dossier au procureur de la République afin d’attribution d’un téléphone

portable d’alerte grand danger »278. De manière plus directe, il a aussi été demandé au juge aux affaires familiales d’attribuer lui-même un téléphone portable d’alerte à la partie demanderesse279. Dans la première hypothèse, l’ordonnance de protection n’ayant pas été accordée, on ne peut préjuger de la décision du juge. On peut toutefois supposer que cela n’aurait pas été accordé. Certes, le procureur se voit notifier l’ordonnance de protection en vertu de l’article 1136-9 du Code de procédure civile, mais il ne peut recevoir une telle injonction de la part du juge aux affaires familiales. D’ailleurs, dans la seconde hypothèse, le juge qui délivre ici l’ordonnance de protection ne se reconnaît pas le pouvoir d’accorder un téléphone portable d’alerte. Dans son ordonnance, il a ainsi précisé qu’ « il n’appartient (...) pas au juge aux

affaires familiales d’attribuer à Madame (...) un téléphone portable d’appel d’urgence. Madame (...) est donc invitée à prendre contact avec les services du procureur de la République si elle souhaite solliciter l’attribution d’un tel téléphone ». Il convient également de souligner

que l’attribution du téléphone portable d’urgence est soumise à l’avis d’une commission collégiale280.

Il a également été demandé au juge aux affaires familiales de « condamner Monsieur

(...) à rembourser à Madame une somme au titre du changement de la serrure »281. L’ordonnance n’ayant pas été accordée, on ne peut préjuger de la solution qu’aurait retenue le juge. Notons cependant que dans les ordonnances de protection délivrées, il a pu être constaté qu’à différentes reprises, le juge aux affaires familiales ne s’est pas reconnu le pouvoir de statuer sur la prise en charge des crédits autres que ceux liés au logement282.

278 Ordonnance du juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance, 27 février 2015, R.G: 15/00674. 279 Ordonnance du juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance, 3 juillet 2014, R.G: 14/03171. 280 Cf. : chapitre 3. Le téléphone grand danger et son comité de pilotage.

281 Ordonnance du juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance, 27 février 2015, R.G : 15/00591. 282 Ordonnance du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance, 31 décembre 2013, R.G : 13/06055.

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Sur le caractère exhaustif des mesures ordonnées dans le cadre de l’ordonnance de protection, les juges aux affaires familiales de Mojan retiennent tous la même interprétation comme l’illustre l’extrait d’entretien ci-après :

« Pour vous, les demandes listées dans l’article 515-11 du Code civil constituent une liste indicative ou exhaustive ? Accepteriez-vous d’accorder d'autres mesures que celles indiquées de l'ordonnance de protection ?

Pour moi, a priori, c'est exhaustif, (…), mais je vais revoir le texte (…)... [Elle ouvre et feuillette le Code civil posé sur son bureau] Ouais, a priori c’est limité. C'est le « notamment », en fait. Parce que dans l’article 255 du code civil, pour le divorce, il est écrit… Je vais vous montrer... « le juge peut, notamment », et là il y a tout ce qu'on peut faire dans le cadre d'une ordonnance de non-conciliation, et comme c'est « notamment », c'est pas limitatif. Alors que dans l’article 515-11, ils disent que le juge « est compétent pour ». Donc là, comme il n'y a pas de « notamment », ce serait limitatif (…).».

Juge aux affaires familiales (ancienne parquetière), entretien du 24 mars 2015

Si sur ce point les interprétations des juges aux affaires familiales de Mojan sont similaires, elles recoupent aussi celles de la Cour d’appel de Douai qui, le 23 février 2012283, a également considéré que l’article 515-11 du Code civil devait être interprété strictement. Selon cette cour, le juge aux affaires familiales ne peut prononcer que les mesures prévues à l’article 515-11 du Code civil. En l’espèce, la demande d’interdire la publication sur le Net ou dans la presse de photographies ou de films représentant la partie demanderesse nue ne pouvait être recevable.

Cette idée que les mesures énumérées à l’article 515-11 du Code civil sont exhaustives était en outre présente dès la mise en œuvre de la loi du 9 juillet 2010. En effet, la circulaire de présentation de ce texte284 rappelle que « le juge aux affaires familiales qui statue en vertu de

(…) l’article (…) 515-9 (…) du code civil a un champ d'intervention limité » et que l’article 515-11 énonce « de façon limitative, les mesures relatives au couple ou à chacune des parties que peut prononcer le juge. Ainsi, si les demandes des parties ne portent pas sur les mesures spécifiquement énoncées, le juge doit les déclarer irrecevables comme ne pouvant être présentées suivant cette procédure ».

La solution prônant le caractère exhaustif de la liste des mesures prononcées par le juge aux affaires familiales en vertu de l’article 515-11 du Code civil doit être approuvée285, notamment parce qu’il convient de rappeler que l’article 227-4-2 du Code pénal précise que

« le fait, pour une personne faisant l'objet d'une ou plusieurs obligations ou interdictions imposées dans une ordonnance de protection rendue en application des articles 515-9 ou 515-

283 Cour d’appel de Douai, 23 février 2012, n° 11/07826, AJ fam., 2012, p. 502, note LABBEE X.

284 Circulaire n° CIV/13/10 du 1er octobre 2010 de présentation des dispositions de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants et du décret n° 2010-1134 du 29 septembre 2010 relatif à la procédure civile de protection des victimes de violences au sein des couples.

285Dans le même sens BAZIN E., Rép. proc. civ, “Violences familiales”, D. 2012, n° 80 : « Les mesures

susceptibles d’être ordonnées par le juge aux affaires familiales dans le cadre de l’ordonnance de protection du code civil figurent, de manière exhaustive, dans des listes édictées aux articles 515-11 et 515-13 du code civil (ce qui signifier que toute demande d’une mesure non prévue par ces textes doit être déclarée irrecevable par le juge ».

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13 du code civil, de ne pas se conformer à cette ou ces obligations ou interdictions est puni de deux ans d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende »286.

Cela est d’autant plus justifié que l’infraction pénale ne semble pas se limiter aux interdictions d’entrer en contact ou de posséder des armes287. On pourrait ainsi supposer que si un droit de visite et d’hébergement est mis en place, la partie demanderesse se verrait condamner en application de l’article 227-4-2 si elle ne le respectait pas.

Après l’étude du caractère exhaustif des mesures que le juge aux affaires familiales peut accorder lors de la délivrance d’une ordonnance de protection, il convient de s’interroger sur la teneur exacte de quelques-unes des mesures précisées à l’article 515-11 du Code civil.

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