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D’autres intervenants ont un rôle à jouer dans la mise en œuvre de l’ordonnance de protection. Il s’agit de l’avocat (A), de l’huissier (B) et des associations (C).

A. L’avocat

Selon l’article 1136-3 du Code de procédure civile, « les parties se défendent elles-mêmes. Elles

ont la faculté de se faire assister ou représenter par un avocat ». Au Tribunal de grande instance

de Mojan, la demande d’ordonnance de protection est toujours introduite par un avocat (cf.

encadré ci-dessous).

Encadré n°9 : L’œil de l’avocate sur l’ordonnance de protection

Camille Wohlgemuth, avocate au barreau de Strasbourg

La loi du 9 juillet 2010 a institué le mécanisme de l’ordonnance de protection.

Ce mécanisme est un outil non négligeable pour nous, avocats et avocates, qui sommes confrontés presque quotidiennement à une violence exacerbée, nécessitant une réponse urgente et adéquate. Lorsqu’ils se présentent dans le cadre d’un premier rendez-vous, ces clients, qui sont presque exclusivement des femmes, sont totalement désorientés.

La procédure d’urgence que constitue l’ordonnance de protection, permet d’apporter une réponse concrète et rapide, le juge aux affaires familiales ayant la possibilité d’ordonner l’éviction du conjoint violent du domicile conjugal ou commun.

Pour que cette ordonnance de protection soit délivrée par le juge aux affaires familiales, encore est- il nécessaire que la victime remplisse les critères imposés par le législateur, à savoir que les violences aient pour conséquence de la mettre, elle et éventuellement ses enfants en danger et que les violences alléguées soient vraisemblables.

L’avocat ne peut agir seul et obtenir la délivrance d’une ordonnance de protection sans s’appuyer sur des éléments concrets, apportés par la victime des violences.

Le fait d’exiger certains éléments de preuve tels que le procès-verbal d’enregistrement du dépôt de plainte, des certificats médicaux et éventuellement des attestations de témoins permet de « responsabiliser » la victime et de l’intégrer pleinement dans ce processus de séparation effective. Un des problèmes majeurs reste l’hypothèse dans laquelle la victime, alors même que le dispositif le lui permet, refuse de retourner au domicile conjugal ou commun, même si le juge aux affaires

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familiales est en capacité de prononcer l’éviction du conjoint violent et l’interdiction d’entrer en contact.

En effet, ces femmes sont souvent terrorisées à l’idée de porter plainte et plus encore d’engager des procédures judiciaires à l’égard de leur conjoint.

Elles craignent d’autant plus qu’en restant au domicile conjugal ou commun, lieu de commission des violences, l’ex-conjoint, malgré une éventuelle interdiction d’entrer en contact et l’éviction du domicile conjugal, s’en prenne à nouveaux à elles.

Cette problématique semble être un frein à la délivrance de l’ordonnance de protection.

Bien que le législateur n’ait pas érigé le départ du domicile comme étant l’une des conditions sine

qua non, les magistrats semblent plus frileux à délivrer cette ordonnance, estimant, à plus ou moins

juste titre, que la victime ne court plus le danger requis par les textes.

En effet, une de mes clientes ne souhaitait pas retourner au domicile conjugal. Celle-ci, après avoir déposé plainte à l’encontre de son mari, avait été orientée vers une association accueillant les femmes victimes de violences conjugales. Etant d’origine étrangère et n’ayant aucune famille, elle préférait rester dans ce centre d’hébergement où elle se sentait accompagnée et en sécurité. Le magistrat saisi de la requête en délivrance d’une ordonnance de protection a estimé qu’elle n’était plus dans une situation de danger, dans la mesure où les époux vivaient séparément et que son mari n’avait pas tenté de la joindre depuis le jour des faits.

La notion de danger est somme toute subjective pour qui y est confronté et c’est pour cette même raison que bon nombre de femmes ne souhaitent pas retourner dans un endroit connu du conjoint, qui a été le théâtre de ces violences souvent quotidiennes.

Tel n’a pas été le cas pour une autre de mes clientes, victimes de violences conjugales et de menaces de morts réitérées, puisque celle-ci souhaitait rester au domicile conjugal dans lequel elle élevait les cinq enfants du couple.

Le danger était bien entendu présent, et ce d’autant plus que quelques jours avant l’audience devant le juge aux affaires familiales, le conjoint de ma cliente avait été condamné pénalement pour les faits ayant déclenché le dépôt de ma requête, dans le cadre de la procédure de comparution immédiate.

Alors même qu’il avait été condamné à une peine de sursis avec mise à l’épreuve portant interdiction d’entrer en contact avec ma cliente, cela ne l’avait pas empêché de téléphoner au domicile conjugal, seulement quelques heures après l’audience correctionnelle.

L’audience devant le juge aux affaires familiales a permis de lui rappeler à quel point les faits commis étaient graves et quelles étaient les sanctions encourues en cas de non-respect de l’interdiction d’entrer en contact.

Force est de constater que l’adoption de ce dispositif légal a été opportune mais que son application pratique reste encore à perfectionner pour assurer une réponse, la plus adaptée possible, aux victimes de violences conjugales.

98 B. L’huissier

L’huissier de justice est également un acteur important dans la mise en œuvre de l’ordonnance de protection. En effet, la demande d’ordonnance de protection peut prendre la forme d’une assignation selon l’article 1136-4 du Code de procédure civile172. Si le libellé des jugements ne permet pas avec précision d’identifier dans toutes les hypothèses si la demande a été introduite sous la forme d’une requête ou d’une assignation, on peut constater qu’un nombre important de demandes est fait par assignation.

L’intervention de l’huissier est également primordiale pour l’exécution du jugement. En effet, la décision du juge doit être notifiée pour que les mesures prennent effet. L’article 1136-9 du Code de procédure civile met en place trois possibilités. Il s’agit tout d’abord de la signification. Ensuite, le juge peut décider que l’ordonnance sera notifiée par le greffe par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Enfin, l’ordonnance peut être notifiée par la voie administrative, « en cas de danger grave et imminent pour la sécurité d’une

personne concernée par une ordonnance de protection ou lorsqu’il n’existe pas d’autre moyen de signification ».

Si trois modes de notification existent, force est de constater qu’au Tribunal de grande instance de Mojan, aucune ordonnance n’a été notifiée par la voie administrative et qu’une seule ordonnance du 7 avril 2015173 a été notifiée par le greffe par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Malgré le rôle important de l’huissier de justice, aucun dispositif partenarial ne l’intègre. Dans le département de Seine Saint Denis, il en va différemment. En effet, la Chambre Départementale des Huissiers de justice a mis en place un service spécifique concernant les ordonnances de protection174. Dans ce cadre, les démarches pour engager la procédure sont améliorées. En effet, il est précisé que « la personne en danger, munie de son ordonnance avec

une date d’audience à bref délai (…) se présente à la Chambre des Huissiers avec les pièces de son dossier (…). Elle est immédiatement reçue et l’acte de citation est préparé dans la continuité. Une fois cet acte mis en forme, il est, dans un délai de 4 heures ; délivré avec certitude par une équipe de clercs dédiés. Une fois l’acte délivré, il est aussitôt régularisé et déposé le lendemain matin au greffe du juge aux affaires familiales pour placement avec une copie que la personne récupère avant de se présenter à l’audience ».

172 Cf., les modes de saisine du juge aux affaires familiales.

173 Ordonnance du juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Mojan, 7 avril 2015, R.G. 15/01312.

99 C. Les associations

Selon l’article 515-11 du Code de procédure civile, à l’occasion de la délivrance de l’ordonnance de protection, le juge aux affaires familiales est compétent 175 pour présenter « à

la partie demanderesse une liste de personnes morales qualifiées susceptibles de l’accompagner pendant toute la durée de l’ordonnance de protection. Il peut, avec son accord, transmettre à la personne morale qualifiée les coordonnées de la partie demanderesse, afin qu’elle le contacte ».

Au tribunal de grande instance, il semble que ce lien avec ces personnes morales n’existe pas comme le démontre l’entretien ci-dessous :

« il peut aussi arriver que ce soit nous qui ne soyons pas très au clair sur une mesure… Par exemple, moi, une fois, dans les mesures demandées il y avait : donner la liste des associations référentes... Et là, c'est plus nous qui n'étions pas au clair. Bon, ça ne m’a été demandé qu’une seule une fois. Ça a été un peu compliqué de lui répondre et de gérer cette demande ».

Juge aux affaires familiales du TGI de Mojan, entretien du 24 mars 2014.

Pour conclure sur les acteurs, il convient de relever que contrairement au téléphone portable d’alerte176, le partenariat n’est pas formalisé pour l’ordonnance de protection. Si le juge aux affaires familiales peut être qualifié de "chef d’orchestre de la lutte contre les violences au sein des couples"177, c’est au niveau du droit substantiel mais pas au niveau du partenarial local.

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