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Une journée ordinaire sur la place Bab Bhar Ouverture : L’éveil

Sous les premières lueurs de la journée, la place reconnaît ses premiers passants. Des habitués qui se pressent vers les lieux de leur travail. Peu à peu les pas se multiplient, mais ne s’arrêtent jamais,…. On ne fait que passer,… toujours si pressés…Aux bruits des piétons s’ajoutent les vrombissements de quelques voitures qui prennent la direction de la rue Eldjazira….

Le soleil commence à peine à percer,…les lumières s’éteignent,… les pas se multiplient encore plus,… c’est encore des habitués qui défilent dans tous les sens,….A sept heures du matin on ne s’arrête pas, sauf pour refaire ses lacets….

Sous les premiers rayons du soleil, on psalmodie du Coran, un homme vêtu d’une blouse rouge déplie les parasols d’un geste énergique, pose de petites tables rondes le long de la terrasse, fait ressortir les chaises, et vivement s’empresse de répondre aux commandes des habitués du café.

Sur ce rythme, la place s’éveille progressivement.

Plus tard, elle accueille ses habitués : on s’installe sur ses bord, sur les petites masses cubiques délimitant l’espace, ou on reste debout adossés aux voitures garées devant la grande porte. Le marché s’anime : des cris appelant les voyageurs à destination de l’Algérie, des distributeurs clandestins de devises, des discussions à distance…

Au fur et à mesure que la journée s’avance, le mouvement s’intensifie. Peu à peu les klaxons des voitures écrasent le léger chant des oiseaux, les boutiques ouvrent leurs portes, les usagers de la place augmentent considérablement….Le fond sonore se diversifie selon l’emplacement : plus on avance vers le fond de la place, plus on s’éloigne des klaxons, des ronronnements des voitures, et les bourdonnements des usagers dominent, des cliquètements d’objets dans des sacs, des ouf, des Aie et des excuses, à l’entrée des Souks, des discussions un peu aiguës…. Paradoxalement, plus on s’approche du côté droit de la porte, vers la rue Mongi Slim, plus c’est calme. D’ailleurs on ne s’y s’installe pas fréquemment.

A 11 heures du matin, la Place ne reconnaît plus ses « clients » mais retrouve ses habitudes quotidiennes, on y circule dans tous les sens. Pressés ou prenant son temps, surchargés de bagages ou allégés et se baladant ; les itinéraires varient, se croisent et se séparent de nouveau en peu de temps… C’est sur ce rythme que vit La Place Bab Bhar pendant un certain moment de la journée. Elle enfile plusieurs rôles dans un même laps de temps et dans un même décor. Les spectateurs - acteurs se dispersent un peu partout pour animer et admirer le spectacle :

Sur le balcon du salon de thé « le pacha », dans leurs « loges du balcon », intimes et confortables ;

Aux seconds balcons (les baignoires), sur les terrasses des cafés ;

Sur l’orchestre, les sièges du rez-de-chaussée, face à la scène, sur les bords des bacs à fleurs ou sur les petites masses cubiques bordant la place ;

Au promenoir, adossés aux poteaux d’éclairage public ou debout devant la porte, les boutiques, l’ancien consulat Britannique ou à l’entrée des souks. Ce sont soit des coutumiers du spectacle (des commerçants, des agents de sécurités…) qui changent de position toute les demi-heures ou, au contraire, des badauds qui s’attardent pour une raison ou une autre (on attend quelqu’un par exemple).

Acte 1 : Le repos

Scène 1

Un homme, d’un certain âge, venant de la rue Eldjazira, prend place sur les petites masses cubiques, soupire et s’assoit, met son couffin entre ses pieds, prend son journal, un stylo à la main, il écrit quelque chose… Il remet le journal dans le couffin, en sort un briquet, le manipule pendant quelques secondes puis le remet, le ressort, rejoue avec, le dépose, le ressort, s’en lasse, le repose et s’occupe à regarder les passants…. Au bout de cinq minutes, il quitte la place et retourne d’où il est arrivé, vers la rue Eldjazira….

Scène 2

Un homme d’une trentaine d’années, des dossiers entre les mains, arrive depuis la rue Ezzitouna, s’assoit, téléphone depuis son portable. L’air mécontent, il arrête la conversation, contemple les passants et part en moins de cinq minutes vers l’avenue Habib Bourguiba.

Scène 3

Une vieille femme voilée est en train de manger un sandwich, le finit, jette le sachet par terre, contemple les passants, ….prend des médicaments, et reprend son rôle de spectateur...Au bout d’une demi-heure elle part.

Scène 4

Deux jeunes filles, assises sur les bord des bacs à fleurs au pied de l’ancien consulat, bavardent,… leurs sacs entre les pieds,…rient,…discutent,…et repartent en direction des souks…

Acte 2 : Le rendez-vous

Scène 1

Debout devant la porte, deux jeunes femmes attendent séparément, l’une regarde à travers la porte et l’autre parcourt des yeux l’avenue de France…Au bout d’un moment, une troisième femme arrive, embrasse la deuxième et part avec elle… La première attend encore,… elle pénètre par la porte,… et on ne la revoit plus….

Scène 2

Une femme avec un enfant qui commence à peine à marcher… devant les boutiques d’articles de cérémonie…La poussette est mise de côté… la femme soutient l’enfant dans ses pas… il commence à pleurer, elle le porte dans ses bras et essaye de l’occuper « regarde ceci », « regarde cela »…. Une femme arrive en provenance de l’avenue de France « voilà j’arrive…Maman est là… » l’enfant enlace la seconde femme et ils repartent….

Scène 3 (extrait d’un entretien avec une femme)

Une jeune femme est assise sur les petites masses cubiques du côté gauche de la porte, je l’aborde :

Q- que faites-vous par-là ?

R- j’attends ma sœur. Elle va se marier et elle doit nous rejoindre mon cousin et moi pour faire des courses

Q- pourquoi l’attendez-vous là ?

R- je suis partie pour une visite médicale à l’hôpital Q- à Aziza Othmana ?

R- Non, Salah Azaiez. Et puis elle m’a dit de l’attendre là

Q- Pourquoi êtes vous assise là et non pas en face ou sur les bords des bacs à fleurs ? R- là... il y a du monde à voir. Je ne me lasse pas de regarder les passants, le soleil et tout. Mon cousin m’a proposé de nous asseoir, là bas au café, mais non... je ne veux pas, je suis plus à l’aise là.

Sa Sœur arrive, son cousin les rejoint et ils repartent vers les Souks.

Acte 3 : La détente

Scène 1

Deux petites filles jouent devant la porte, elles tournent autour du poteau d’éclairage public… La plus grande (5 ans) prend sa cadette (2 ans) par la main. Elles rejoignent une femme assise sur les bords des bacs à fleurs…on les voit partir pour un moment …puis on les retrouve de l’autre côté, devant les boutiques d’articles de cérémonie… La plus petite joue auprès de la femme et l’aînée se dirige en courant vers la rue Mongi Slim puis revient au bout de quelques minutes des biscuits à la main….Au bout d’un quart d’heure, elles repartent vers la rue d’El Kasbah .

Scène 2

Il est17h30, il fait déjà noir, (observation faite au mois de décembre), sous les lumières douces des lampadaires, des enfants de 10 à 13 ans jouent au football avec une bouteille vide,…courent,… suivent « le ballon » dans un champ limité,… shootent,… crient,… et reprennent le jeu… En interrogeant l’un d’entre eux « pourquoi jouez vous ici ? » il répond qu’ils

sont des élèves dans une école primaire du coin et qu’ils attendent leurs parents, des commerçants du même coin, pour rentrer avec eux.

Scène 3

Il est 18h passé, il fait encore jour (observation faite au mois de Mars) des enfants de 10 à 13 ans jouent au football avec un ballon, du côté droit de la porte, devant le café maure…courent,… suivent le ballon,… shootent,… crient,… et reprennent leur jeu…

Scène 4

Adossés au grand bac à fleur, sous l’ombre du petit palmier, un trio de jeunes garçons suit les passants des yeux, s’amusent taquiner les jeunes filles…. Et on ne sait pas quand ils partiront….

Scène 5

Un enfant de dix ans grimpe le long de la porte,… on ne sait comment il a grimpé ici, …fier de lui-même, il fait des allers et des retours sans se lasser….

Acte 4 : La petite Algérie

Scène 1

Des voitures avec différentes immatriculations stationnent devant la porte,… sur les lieux, une dizaine d’hommes éparpillés par-ci et par-là, mais dans un champ très limité…, l’atmosphère est suspecte,… à leur accent on reconnaît des Algériens et des Tunisiens…leurs invitations à monter vers Annaba trouvent enfin réponse chez une femme…A peine monte-t-elle dans la voiture, qu’un homme s’approche de la fenêtre et lui propose discrètement de l’argent, elle lui fait un signe de refus avec la tête ,… il replie les billets et recule en arrière….

Scène 2

Deux hommes discutent, ils n’apprécient guère le fait qu’une femme seule ait été embarquée dans la première voiture…Le deuxième passager déniché est attribué à la seconde voiture… puis un troisième,….Un jeune homme arrive, négocie un moment avec le chauffeur et repart vers la rue ElDjazira,…au bout de quelques secondes il revient avec un passager…. Et la voiture part…

Scène 3

A peine partie, une autre voiture portant une immatriculation tunisienne vient prendre sa place,…c’est Hmed,…voilà deux femmes qui viennent discuter trois places,… elles montent dans la voiture et attendent encore quelqu’un….

Scène 4

Un jeune garçon et un homme plus âgé arrivent. Ah ! Ces deux sont des habitués, on les reconnaît, on les accueille chaleureusement…. Et on n’a pas besoin de les guider, ils paraissent connaître du monde par-là….

Acte 5 : La découverte

Un flux de touristes arrive de l’Avenue de France contourne la porte et commence à prendre des photos,… l’entrée des souks, l’architecture, les articles exposés, tout les attire….. Ils s’attardent sur la place, puis entrent par la rue Ezzitouna

Acte 6 : La clôture

Tout comme l’ouverture, la clôture de la scène se fait progressivement.

Dans la première scène, l’espace se dépeuple,… les boutiques ferment leurs portes,…les passants diminuent,…et les spectateurs quittent leurs sièges progressivement,…le rythme s’affaiblit mais la place vit encore,… les coutumiers nocturnes du café animent les lieux grâce à leurs discussions….

La deuxième scène se déroule tard le soir,… sous un éclairage public « doux »,… enveloppée dans un froid vif,… et sombre dans un silence mortel,…Les rideaux nocturnes tombent et la Place retrouve le sommeil….