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Le JNNURM : un changement de vision de l’urbain ? 1 Les grandes lignes du projet

Politiques publiques et processus d’urbanisation par le bas

Chapitre 1. Émergence des autorités locales et des plans d’aménagement urbain

1.1.3 Le JNNURM : un changement de vision de l’urbain ? 1 Les grandes lignes du projet

Avec près de 8 milliards d‘euros engagés par le gouvernement central, le Jawaharlal Nerhu National Urban Renewal Mission (JNNURM) lancé en 2005 est le plan de développement urbain le plus important du gouvernement indien depuis l‘indépendance1

. Il incarne la reconnaissance, de la part des autorités, de l‘importance des villes indiennes dans le développement du pays en tant que moteur de la croissance économique. Il part notamment du constat qu‘une part de plus en plus grande du PIB indien est produite dans les villes, une part estimée à 65% en 2011. Il est donc nécessaire pour le gouvernement de soutenir la croissance de ces villes en les dotant d‘infrastructures et de services leur permettant le développement de leurs activités économiques. Il s‘inscrit dans la continuité du Megacities schèmes, mais élargit le nombre de grandes agglomérations visées de 5 à 63.

Dans le même temps, le JNNURM doit être un levier pour soutenir les réformes urbaines en cours et notamment l‘implémentation du 74e

amendement décrit auparavant. En effet, la mise en place de nouvelles infrastructures implique de donner aux collectivités locales la capacité de les gérer dans le long terme. Aussi les villes où la mission s‘implémente doivent avoir un gouvernement élu comme conseillé par le 74e amendement. L‘importance des fonds alloués par le gouvernement central doit en faire un moyen de pression considérable sur les États qui n‘ont pas tous appliqué les réformes de décentralisation prévues par l‘amendement.

La mission intègre de nombreux objectifs en particulier la rénovation des villes anciennes afin de limiter leur congestion et la lutte contre la pauvreté urbaine avec le réaménagement des

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bidonvilles. Afin de gérer un agenda des priorités dans les aménagements à mettre en place, chaque ville doit rédiger un Plan de Développement de la Ville indiquant sa stratégie et ses projets afin de savoir si elle sera sélectionnée. Dans un second temps, c‘est la rédaction d‘un rapport de projet détaillé qui est demandé et dans lequel toutes les étapes des projets identifiés dans le plan de développement de la ville sont explicitées.

1.1.3.2 Critiques apportées au plan

Sivaramakhrishnan soulève la question de la nature de la mission : « est-elle un projet en soi ou bien simplement une réponse politique ? » (Sivaramakhrishnan, 2011, p. 194). Certains objectifs apparaissent en effet inatteignables et s‘apparentent à des effets d‘annonce : « logement pour tous », « ville sans slum ». Plusieurs campagnes de promotion ont été mises en œuvre autour de ce programme qui doit permettre à l‘Inde de se doter de grandes agglomérations insérées dans l‘économie mondiale, vitrine de la modernisation du pays. L‘enjeu d‘un tel programme est donc en partie promotionnel et sert de tremplin politique au gouvernement en place. La réalisation d‘objectifs précis devrait ainsi être préférée à ces effets d‘annonce.

La déconnexion du JNNURM avec d‘autres plans de développement urbain, en particulier le

National Urban Information Systems, est également critiquée (Mahavir et Maqbool, 2010). Ce

dernier plan vise à créer une base de données urbaine nationale avec un support de système d‘information géographique qui doit permettre l‘amélioration de la mise en place des schémas directeurs d‘aménagement (Master Plan). Or la sélection des villes des deux plans s‘est réalisée sans coordination : seules 23 villes sont concernées par les deux projets (sur 137 pour le NUIS et 67 pour le JNNURM), ce qui ne permet pas d‘optimiser l‘efficacité des plans. En effet les villes concernées par le JNNURM et non par le NUIS peuvent avoir un plan de développement de la ville sans schéma directeur. En outre la sélection des villes du JNNURM s‘est faite sur des critères non clairement définis et la répartition des villes sélectionnées sur le territoire est loin d‘être uniforme.

Une autre source de critique concerne l‘accord signé entre le gouvernement central et les États lors de la sélection d‘une ville par le projet. Cet accord spécifie que les villes doivent avoir

49 mis en place l‘agenda des réformes et le 74e

amendement, mais il ne spécifie pas de limitation de temps et propose plus de sept années pour la mise en place de ces réformes. Or, un des objectifs du JNNURM était de servir de levier pour l‘implémentation des réformes de gouvernance urbaine, ce qui semble remis en cause par la possibilité de ces délais potentiellement reconductibles.

Comprendre le processus d‘urbanisation en Inde et sa diversité passe par la compréhension de l‘enracinement du développement des villes dans l‘histoire. Les gouvernements locaux ont tout au long de l‘histoire du pays gardé une place déterminante de relais d‘un pouvoir central. Pour autant, alors que la décentralisation était un fait de nécessité par le passé et que les efforts politiques allaient dans le sens d‘une concentration du pouvoir, le processus s‘est inversé et aujourd‘hui la décentralisation et la redynamisation des gouvernements locaux apparaissent comme une volonté venant du haut. En même temps que cette redynamisation, durant les deux dernières décennies la concentration de l‘activité économique dans les plus grandes métropoles pousse l‘État à canaliser ses efforts sur le haut de la hiérarchie urbaine laissant les petites villes indépendantes en raison de leur statut, mais dans une situation financière difficile qui met en question leur capacité à être autonome.

Ces difficultés des petites villes à être reconnues comme d‘importants lieux à prendre en compte dans les politiques d‘aménagement du territoire se matérialisent également par la difficulté à les définir tant d‘un point de vue administratif que scientifique. Le prochain chapitre revient sur ces problèmes de définitions de la petite ville et sur l‘intérêt que celles-ci ont pu avoir en sciences sociales et plus particulièrement en géographie.

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