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Analyse de proximité et de connectivité du système urbain indien

Exploration des dynamiques démographiques et économiques des petites villes dans le système urbain indien

Chapitre 4. Petites villes et systèmes de villes en Inde

2.1.2 Analyse de proximité et de connectivité du système urbain indien

Un des objectifs de cette thèse est de caractériser la croissance des petites villes en Inde depuis 1991. Afin de dégager les grandes tendances de la croissance des petites agglomérations, un ensemble de calcul est mené à l‘échelle de l‘Inde à partir de plusieurs bases de données disponibles. Dans un second temps, on cherchera à déterminer les grandes tendances de la croissance des petites agglomérations à partir d‘une analyse réseau prenant en compte l‘ensemble des National Highways indiennes.

La comparaison entre la croissance des petites agglomérations et la croissance urbaine générale cherche à déterminer s‘il existe une spécificité du processus de croissance du bas de la hiérarchie urbaine par rapport aux autres segments du système urbain. Cette analyse peut être réalisée à partir de plusieurs bases de données, notamment le recensement indien et la base de données e-Geopolis\Indiapolis dont la construction et le fonds seront par la suite détaillés. Ce recours à des bases de données différentes doit permettre de limiter les biais internes à chaque base dont les méthodologies de construction divergentes peuvent être complémentaires. Une fois la croissance des petites agglomérations mise en perspective par rapport à la croissance des métropoles et des villes intermédiaires, il s‘agira de comprendre quels sont les facteurs qui semblent déterminer leur développement et quelles échelles d‘analyse paraissent les plus appropriées pour révéler des schémas structuraux de la croissance urbaine s‘ils existent.

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2.1.2.1 Première mesure de l‘accessibilité : distances entre les agglomérations

La première hypothèse est que la croissance des agglomérations soit liée à son niveau d‘accessibilité dans l‘ensemble du système urbain indien. L‘accessibilité en géographie se définit généralement comme « la plus ou moins grande facilité avec laquelle un lieu peut être atteint » (Chapelon, Hypergéo). Le concept renvoie à la relation d‘un lieu avec les autres et notamment à la pénibilité de cette relation. Mesurer l‘accessibilité c‘est donc mesurer cette pénibilité et définir les différents paramètres rentrant en jeu dans sa définition. L‘évaluation de l‘accessibilité est alors liée aux poids des contraintes spatio-temporels qui pondèrent la relation d‘un lieu avec les autres. De nombreux indicateurs existent afin de mesurer cette accessibilité : connectivité, connexité, intermédiarité. Dans le cas des relations entre agglomérations dans le système urbain indien, un important frein au calcul de ces indices va être la qualité du réseau d‘infrastructures disponibles. En effet, il n‘existe pas de réseau routier géoréférencé exhaustif à l‘échelle de l‘Inde permettant le calcul précis de ces indices. La mesure de la distance, première contrainte à l‘accessibilité, nécessite un réseau routier de qualité uniforme sur l‘espace étudié afin de pouvoir être calculé.

Après une recherche approfondie des données disponibles, le choix a été porté sur les données Openstreetmap disponibles en ligne. Cette base, si elle est la plus complète, pose le problème d‘une inégalité de détails des routes secondaires à l‘échelle du sous-continent. En effet, elle est réalisée de façon participative par des particuliers dont l‘intérêt est plus concentré de façon générale autour des grandes agglomérations que dans les espaces isolés. Un considérable travail de nettoyage et de reconstruction a eu lieu également par la suite afin de rendre le réseau « propre » et utilisable de façon efficace dans Arcgis. De ce fait, seules les national

highways ont été sélectionnées comme réseau routier de référence. Ce réseau assez dense est

mis en place et maintenu par un organisme dépendant du gouvernement central la National

Highway Authority. Cet ensemble autoroutier mesure 77 000 km et regroupe plusieurs

catégories de routes, d‘une à plusieurs voies, qui sont d‘une qualité globalement supérieure au reste du réseau routier. Toutes les agglomérations ne se trouvant pas à proximité directe de ces routes, la distance euclidienne de chacune des villes à l‘autoroute a été également calculée. Si la densité du réseau de National Highway place les agglomérations à une distance

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moyenne de 11 km du réseau, cette distance peut atteindre une distance allant jusqu‘à 125 km pour le village de Charmoshi au Maharashtra.

L‘accessibilité est mesurée ici comme la distance cumulée de chaque agglomération avec l‘ensemble des autres agglomérations en suivant ce réseau autoroutier. Cette distance est mesurée grâce à l‘extension « Network Analyst » d‘Arcgis à partir de laquelle est calculée une matrice de coût Origine-Destination basée sur la distance d‘autoroute séparant les agglomérations entre elles. Les agglomérations sont projetées sur le point d‘autoroute le plus proche, cette distance est par la suite ajoutée au total. Dans cette analyse les agglomérations considérées sont l‘ensemble des villes et villages de plus de 10 000 habitants géolocalisés par un point, au nombre de 7 776.

Sur l‘ensemble des agglomérations, les distances cumulées vont de 4,7 à 12,1 millions de kilomètres, la distance moyenne étant un indicateur plus visible, on s‘intéressera davantage à cette dernière qui s‘étend de 615 km pour Nagpur, située au centre de l‘Inde, à 1 575 km pour Roing située à l‘extrême nord-ouest du pays.

Graphique 8 Relation entre accessibilité et croissance des agglomérations entre 1991 et 2001

(Accessibilité = Distance moyenne par l‘autoroute à l‘ensemble des communes de plus de 10 000 habitants) [Source : e-Geopolis\Indiapolis] 1,50% 1,70% 1,90% 2,10% 2,30% 2,50% 2,70% 2,90% < 800 800-1000 1000-1200 1200-1400 > 1400

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Le taux de croissance annuel moyen des agglomérations varie de façon significative selon les localités étudiées entre 1991 et 2001 entre 50% et -20% avec une moyenne de 2,69%. L‘indice de corrélation entre cette croissance et la distance cumulée de chaque agglomération avec toutes les autres est de - 0,01 ; il n‘y a donc pas de corrélation entre ces deux variables. L‘indice est relativement plus fort (- 0,19) durant la période 1981-1991 et à nouveau quasi nul sur la période 1961-1981.

Néanmoins, la création de différentes classes de petites agglomérations en fonction de leur distance moyenne à l‘ensemble des autres agglomérations, fait ressortir une tendance générale à une diminution de la croissance des petites agglomérations régulière entre 1961 et 2001, moins celles-ci sont accessibles à l‘échelle de l‘Inde. La grande majorité des agglomérations ont une distance moyenne inférieure à 1 000 km au-delà de cette distance les agglomérations les moins accessibles ont une croissance moyenne qui diminuent de façon continue avec cette distance.

Distance moyenne à l’ensemble des petites

agglomérations

Croissance démographique centrée-réduite

1991-2001 1981-1991 1961-1981 Communes de 10 à 50 000 habitants 600-800 0,90 0,88 0,51 800-900 -1,07 0,21 0,64 > 900 0,18 -1,08 -1,15 Toutes les communes de plus de 10 000 habitants 600-800 1,15 0,88 0,58 800-900 -0,48 0,20 0,58 > 900 -0,66 -1,08 -1,15

Tableau 2 Poids de l’accessibilité sur la croissance démographique [Source: e-Geopolis\Indiapolis, et Openstreetmap]

La mesure de l‘accessibilité à l‘échelle de l‘Inde apparaît comme un facteur de plus en plus déterminant dans la croissance démographique. Passé le seuil des 800 kilomètres, le manque d‘accessibilité ressort comme un frein à la croissance, en particulier dans les petites villes.

131 2.1.2.2 Deuxième mesure : le potentiel d‘interaction

Cette mesure de l‘accessibilité dépend du seul paramètre de la distance d‘autoroute reliant chaque agglomération avec les autres. Ce calcul ne prend pas en compte la population des agglomérations ainsi reliées. En d‘autres termes, à distance équivalente le poids d‘une agglomération de 10 000 habitants est le même que celui d‘une agglomération de 100 000 habitants. Or, si l‘on s‘intéresse à la croissance des agglomérations, il est probable que celle-ci soit dépendante non seulement de l‘accessibilité, mais également au potentiel d‘interaction de chaque agglomération. Ce potentiel (G) est mesuré en pondérant la distance reliant les agglomérations avec leurs populations respectives selon la formule :

(

)

La corrélation de cet indice avec la croissance des agglomérations à l‘échelle de l‘Inde, bien que supérieure à celle obtenue précédemment, reste non significative (Graphique 9).

Graphique 9 Croissance des communes entre 1991-2001 et potentiel d’interaction G [Source : Recensement 2001 et 2011] -10% -5% 0% 5% 10% 15% 11 12 13 14 15

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À l‘échelle de l‘Inde la croissance des agglomérations et leur accessibilité ou potentiel d‘interaction n‘apparaissent pas reliées directement. La faiblesse de cette relation tend à montrer que travailler à l‘échelle de l‘Inde sur l‘accessibilité n‘a pas de sens dans la mesure où les échanges entre les villes les plus éloignées du pays sont négligeables notamment si l‘on pense aux migrations pour le travail. Si l‘analyse à cette échelle ne fait pas ressortir de relations probantes, en est-il de même à une échelle locale ?

2.1.2.3 Analyse de proximité et hiérarchie urbaine

Une deuxième mesure de l‘accessibilité est faite en prenant en compte cette fois-ci uniquement les localités situées à proximité les unes des autres. Le calcul se base sur la population totale des agglomérations situées dans un périmètre donné. Plusieurs seuils ont été choisis dans cette analyse. Le premier seuil de 20 km correspond à la distance maximum que des personnes peuvent parcourir quotidiennement à vélo pour aller travailler, ce qui est le cas pour une partie considérable de la population. Le seuil de 40 km représente la distance pouvant être parcourue lors des migrations pendulaires en bus pour l‘emploi. Ces deux seuils représentent des probabilités fortes de trajet pouvant avoir un impact économique et démographique sur la croissance des agglomérations

Graphique 10 Relation entre la population totale dans les 20 km d’une agglomération et sa croissance entre 1991-2001 [Source : e-Geopolis\Indiapolis] -10% -5% 0% 5% 10% 15% 20% 4 6 8 10 12 14 16 Millions

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Les faibles distances qui caractérisent cette forme d‘accessibilité locale impliquent des métriques diverses : marche, vélo, cyclomoteur qui n‘ont pas nécessairement de lien avec les national highways prises en compte précédemment. Aussi la distance mesurée dans cette partie de l‘analyse est euclidienne.

Les liens de corrélation obtenus n‘apparaissent pas non plus significatifs à l‘échelle de l‘Inde. Néanmoins, en décomposant les agglomérations en groupe de taille, une différenciation entre groupes apparaît. Tandis que les agglomérations de plus de 50 000 habitants apparaissent sensibles à la population circonscrite dans leur environnement proche c‘est nettement moins le cas pour les agglomérations entre 10 000 et 50 000 habitants. Les croissances des plus grandes agglomérations profiteraient davantage de la présence d‘un arrière-pays peuplé par rapport aux petites agglomérations.

Une interprétation possible est que la plus grande spécialisation des produits disponibles dans les métropoles leur donne un accès facilité aux marchés des petites et moyennes agglomérations. Tandis que celles-ci se développent en particulier dans des espaces moins denses où leur rôle de marché est plus mis en valeur. Cette hypothèse demande à être vérifiée, la croissance des communes de plus de 50 000 habitants est mesurée en fonction de la somme des populations des communes de plus de 5 000 habitants dans un arrière-pays de 20 km1 (Graphique 11).

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Le choix de la somme des populations des communes de plus de 5 000 habitants plutôt que la population complète est dû à l‘absence de localisation disponible pour les communes de moins de 5 000 habitants. L‘hypothèse est faite que l‘acquisition de ces données permettrait de faire émerger des tendances plus fines de structuration de la croissance urbaine qui permettraient notamment de mettre en avant la situation des petites villes dans des régions avec de nombreuses

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Graphique 11 Relation entre la population totale dans les 20 km des communes de plus de 50 000 habitants et leur croissance en 1991-2001

[Source : Recensement 2001, et e-Geopolis\Indiapolis]

Les résultats obtenus montrent une relative indépendance des deux variables prises en considération. Trois groupes se détachent toutefois de façon notable amenant l‘analyse d‘une classification K-mean afin de les identifier. En choisissant une classification en trois classes celles-ci convergent dès la quatrième itération.

Le premier groupe obtenu rassemble les communes situées dans des espaces à très haute densité. Ce sont les communes de plus de 50 000 habitants localisées en périphérie des six plus grandes métropoles du pays (Carte 8). -10% -5% 0% 5% 10% 15% 20% 0 5 10 15 Millions Itération

Changement dans les centres des groupes 1 2 3 1 3,857 2,688 3,852 2 ,007 ,080 ,025 3 ,004 ,041 ,005 4 ,000 ,000 ,000

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Les deux autres groupes correspondent à des communes situées dans des espaces de densité moyenne. Le second groupe avec moins d‘individus correspond à des communes ayant un faible dynamisme démographiques à l‘opposé du dernier groupe.

Carte 8 Localisation des communes en groupes densité\croissance

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