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Jean BRIANE, député (UDF), intervenant à son tour dans le débat, a fait les observations suivantes :

« L'être humain ne saurait être traité comme un moyen ou un objet.

« À partir de quand y a-t-il être humain ? Dès la conception, l'être humain existe. Il doit donc être protégé dès sa conception.

« Le constat peut être fait que chaque fois que l'on légifère sur les problèmes de bioéthique et sur la protection de la vie de l'être humain, de grandes déclarations de principe affirment le devoir élé-mentaire pour toute société de veiller à la protection de l'être humain.

« Le constat peut être fait aussi d'une grande diversité de situa-tions dans les pays aujourd'hui membres du Conseil de l'Europe.

« Les législations et réglementations existantes ne semblent pas nécessairement être toutes en cohérence avec les grands principes de respect et de protection de l'être humain énoncés dans les discours, les préambules, les exposés de motifs des textes qui traitent de ce déli-cat problème.

« Serions-nous en ce domaine tombés dans une forme d'hypocri-sie nourrie de l'excessif libéralisme des uns et de l'excès d'intolé-rance des autres ?

« Peut-on admettre que la science s'autorise à une recherche sur l'embryon viable ou non ? Ou doit-on interdire cette recherche ?

« L'opinion publique est ici confrontée à la communauté scienti-fique, laquelle fait pression pour lever certains interdits et poursuivre certaines recherches, pour ne pas dire certaines pratiques ou manipu-lations que la conscience humaine réprouve.

« Ainsi, après avoir formulé des déclarations de principe qui ras-surent, on tente d'entrouvrir les brèches que nous considérons comme dangereuses et qui peuvent déboucher sur l'eugénisme.

« La convention, en son article 3, devrait reconnaître aux prati-ciens le droit à l'objection de conscience, en vertu duquel personne ne peut être obligé d'accomplir un acte contraire à ses convictions reli-gieuses ou morales.

« Il est de la mission du Conseil de l'Europe de veiller à la pro-tection de l'intégrité de l'être humain en toutes circonstances et à la sauvegarde, dans la liberté des opinions et des consciences, des valeurs morales et spirituelles qui fondent nos communautés humaines.

« La notion de dignité humaine évoquée dans le préambule de la Convention de bioéthique doit se traduire pour toute personne humaine comme étant "le droit inhérent à la vie de toute personne, depuis sa conception jusqu'à sa mort naturelle". Droit imprescriptible dans tous les stades de l'existence de l'être humain.

« Certains points de la convention nous interpellent parce qu'ils paraissent en contradiction avec "les valeurs spirituelles et morales qui sont le patrimoine commun" des peuples des États membres du Conseil de l'Europe et avec le but défini au chapitre I de son statut.

« Par exemple, la recherche sur l'enfant au stade embryonnaire (art. 15 du projet) : il est inacceptable qu'un projet de convention éla-boré par le Conseil de l'Europe autorise dans ses États membres l'expérimentation sur les enfants au stade embryonnaire dans un autre but que celui de leur bénéfice direct et individuel. Le fait de limiter de

façon arbitraire au quatorzième jour du développement de l'enfant une telle possibilité d'expérimentation, pour les États qui l'admet-traient, est une façon détournée d'en admettre la légitimité, alors qu'il y a là une atteinte inacceptable à la dignité humaine.

« Autre exemple, le prélèvement de tissus régénérables et la recherche sur les incapables.

« Les articles 6 et 7 prévoient un cadre de protection pour ces activités. Ce cadre, dans son essence, crée une catégorie de personnes qui ne bénéficie pas de l'ensemble des droits reconnus à toute per-sonne par les conventions internationales humanitaires.

« Lors de sa session d'octobre 1994, l'Assemblée parlementaire a estimé que "la valeur emblématique du texte préparé par le Conseil de l'Europe, qui engageait le présent et l'avenir de nos sociétés, justi-fiait une réflexion supplémentaire de quelques mois".

« Cette convention ne peut être acceptée qu'amendée pour que soient respectés les droits fondamentaux de la personne humaine. Elle nécessitera de la part du Conseil de l'Europe une très grande vigilance dans son interprétation et son application futures. »

Enfin, M. Bernard SCHREINER, député (RPR), s'est exprimé en ces termes sur le projet d'avis :

« Monsieur le Président, mes chers collègues,

« Plusieurs des orateurs qui m'ont précédé, et notamment mes collègues Jean Valleix et Xavier Deniau, ont exprimé toutes les réserves que peut inspirer ce projet de convention.

« Je me bornerai, pour ma part, à souligner que l'expérimenta-tion sur des personnes incapables me semble inadmissible.

« Inadmissible, également, me semble la faculté d'expérimenta-tions sur l'embryon dans les quatorze premiers jours de sa conception.

Les lois que nous avons votées au Parlement français, à l'automne dernier, et qui ont recueilli l'assentiment de la plupart des représen-tants des groupes de gauche, comme de droite, ont enfermé cette faculté dans des conditions extrêmement strictes, qui manquent com-plètement dans le texte qui nous est soumis.

« Je n'aurai pas la cruauté, ici, de rappeler que certains des membres de cette Assemblée ont déposé force recommandations visant à prohiber toute expérimentation animale et qu'on les retrouve parmi les zélateurs d'expérimentations sur les plus vulnérables d'entre nous, les incapables ou les enfants à naître.

« Il n'y a pas là seulement une incohérence logique, mais un choix indéfendable moralement.

« J'observerai, enfin, que certains amendements aggravent encore cette incohérence choquante.

« Dans le même temps où on refuse la protection de la loi aux faibles, les enfants à naître et les incapables, ceux-là même qu'on appelait dans le langage populaire les "innocents", certains voudraient renforcer la protection des criminels.

« L'amendement n° 1 ne propose-t-il pas d'interdire toute recherche biologique motivée par des raisons de sûreté publique, de défense de l'ordre, ou de prévention des infractions pénales ?

« Voilà tous les progrès de la police scientifique mis à néant.

Notre convention protégerait donc les violeurs et les criminels.

« Quelle hiérarchie des valeurs proclamerions-nous avec une convention ainsi amendée ? On protégerait contre toute recherche de preuves scientifiques les meurtriers, tandis qu'on marchanderait la protection des faibles et des innocents ?

« Je souhaite donc, mes chers collègues, que le projet d'avis qu'on nous présente soit pour le moins repoussé jusqu'à ce que nous soit soumis un texte plus conforme aux valeurs de l'humanisme euro-péen, dont le Conseil de l'Europe doit être non seulement le déposi-taire, mais l'inlassable messager.

« Pour ma part, je ne puis apporter mon suffrage à un texte qui contredit le système de valeurs sur lequel est fondée la civilisation européenne. »

À l'issue du débat, l'Assemblée délibère de nombreux amende-ments sur lesquels M. Christian DANIEL, député (RPR), est appelé a donner l'avis de sa commission, et finalement adopte sur le rap-port 7210, le raprap-port pour avis 7223, et le projet transmis par le Comité des ministres 7124, un avis 184 à l'adresse du Comité des ministres, non sans avoir adopté plusieurs amendements, dont l'un, en particulier, exprime le souhait de l'Assemblée d'être reconsultée sur le projet de convention afin de constater si le Comité des ministres aura bien tenu compte des modifications demandées (cf. troisième débat in rapport 1996.)

L. - La situation à Chypre. (Jeudi 2 février 1995.)

À la suite de la présentation des observations du Rapporteur (Rapport 7206), l'Assemblée a adopté la Recommandation 1259 et la Résolution 1054.

M. La situation en Tchétchénie. Interventions de -MM. Bernard SCHREINER, député (RPR), Jean-Pierre MASSERET, sénateur (Soc), Jean de LIPKOWSKI, député (RPR), et Jean-Claude MIGNON, député (RPR). (Jeudi 2 février

1995.)

Décidée selon la procédure du « débat d'urgence », cette discus-sion, après les observations du Rapporteur, donne l'occasion à M. Bernard SCHREINER, député (RPR), de s'exprimer dans les termes suivants :

« Le conflit en Tchétchénie n'est pas du tout une opération mili-taire précise, visant les forces armées de M. Doudaïev. Tout au contraire, les armes, y compris l'aviation, l'artillerie lourde et des roquettes sont utilisées contre la population civile, sans distinction et hors de toute proportion.

« Permettez-moi alors, en tant que porte-parole de la Commis-sion des migrations, des réfugiés et de la démographie, de mettre en exergue l'état critique dans lequel se trouvent des centaines de mil-liers de personnes déplacées ou affectées par les combats.

« En effet, selon certaines estimations, le nombre minimal de personnes déplacées en raison de la guerre en Tchétchénie s'élèverait à 400 000 ; ces personnes se trouvent soit à l'intérieur de la Tché-tchénie - environ 240 000 personnes - ou se sont enfuies dans les républiques voisines - environ 160 000 personnes.

« Signalons également que, d'après les organisations humani-taires présentes sur place, les populations déplacées comprennent un nombre très important de femmes, d'enfants et de personnes âgées dont la vulnérabilité est accrue en raison du froid qui règne actuelle-ment dans la région.

« Ce tableau sombre de la situation ne fait que souligner la nécessité d'apporter d'urgence une assistance humanitaire à ces per-sonnes. Les besoins sont considérables ; l'hiver est rude, et bon nombre d'infrastructures pour le chauffage, l'électricité et l'eau ont été détruites et la violence des combats rend de nombreux endroits difficiles d'accès. De même, les flux de personnes déplacées dépas-sent de loin les capacités d'accueil des républiques voisines, notam-ment l'Ingushetia et le Daghestan.

« Dans un tel contexte, j'aimerais rendre hommage aux organisa-tions internationales humanitaires présentes sur les lieux qui fournis-sent de la nourriture, l'hébergement et d'autres services de première nécessité aux victimes de ce conflit. Des ponts aériens ont été

organi-sés dans de brefs délais, apportant au moins un certain soulagement aux populations affectées.

« Toutefois, comme nous le savons tous, les organisations huma-nitaires sont des demandeurs perpétuels de fonds dont elles ont déses-pérément besoin pour mener à bien leurs activités. Par conséquent, et comme dans de nombreux cas déjà, nous devons inviter avec vigueur nos États respectifs à contribuer au financement de cette aide, et je vous incite tous à agir en ce sens auprès de vos gouvernements.

« De même, il faut que les organisations humanitaires puissent parvenir auprès de ceux qui sont dans le besoin. On constate d'après différents témoignages que les autorités russes se sont montrées coopératives et apportent leur soutien à la distribution de l'aide.

Cependant, et je le souligne, la meilleure façon d'aider les personnes en détresse est d'arrêter immédiatement ces combats insensés.

« Ainsi, la Commission des migrations, des réfugiés et de la démographie et moi-même souscrivons pleinement au projet de réso-lution qui nous est aujourd'hui proposé pour adoption.

« Avant de conclure, permettez-moi encore d'appeler votre atten-tion sur un autre problème extrêmement grave, à savoir celui des pri-sonniers de guerre. Il faut constamment rappeler aux parties en conflit les règles du droit humanitaire visant, entre autres, à accorder un trai-tement humain aux prisonniers. Malheureusement, il ne suffit pas de rappeler ce principe, il faut encore vérifier s'il est appliqué et com-ment il l'est. Par conséquent, j'en appelle aux autorités russes, extrê-mement réticentes à cet égard, afin qu'elles accordent l'accès des représentants du Comité international de la Croix-Rouge à tous les prisonniers et permettent leur enregistrement.

« Mes chers collègues, j'oserai terminer sur une note optimiste en espérant que les efforts des démocrates russes et de la communauté internationale apporteront rapidement la paix dans cette région du monde qui s'est malheureusement rendue célèbre par des événements aussi tragiques que ceux que nous connaissons. Une fois la guerre ter-minée, n'oublions pas que les personnes ne récupéreront pas pour autant leurs villages et leurs foyers détruits. Disparue des écrans de télévision, la population tchétchène aura toujours besoin d'assistance et d'une assistance importante, afin d'atténuer quelque peu les dom-mages et les souffrances causés par le conflit. »

M. Jean-Pierre MASSERET, sénateur (Soc.), s'est exprimé à