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Mikulová a conclu qu’au cours de l’Oxydation Voie Humide Catalysée de l’acide acétique par des métaux nobles supportés sur des oxydes à base de cérium, de zirconium et de praséodyme, la formation d’espèces hydroxycarbonates Ce(CO3)(OH) et Pr(CO3)(OH) était à

l’origine d’une désactivation du catalyseur [128]. Li et coll. ont, plus récemment, observé un comportement identique de catalyseurs similaires testés en OVHC du 2-chlorophénol [153]. Afin d’établir si ce phénomène pouvait éventuellement se produire en OVHC du phénol et provoquer une perte d’activité, les performances du catalyseur PtZrCePr800_350 frais ont été comparées à celles du même catalyseur, carbonaté au cours de l’oxydation de l’acide acétique. Le diffractogramme du catalyseur carbonaté, fourni en Figure 39, confirme la formation d’espèces Ce(CO3)(OH) et Pr(CO3)(OH). Les résultats des tests catalytiques, présentés en

Figure 40, montrent clairement une diminution de l’activité avec le traitement carbonatant.

0 20 30 40 50 60 0 400 800 1200 1600 In te n s it é (C p s ) 2θ (°) ƅ Ɔ Ɔ Ɔ Ɔ ƅ ƅ Ɔ ƅ ƅ ƅ 0 20 30 40 50 60 0 400 800 1200 1600 In te n s it é (C p s ) 2θ (°) ƅ Ɔ Ɔ Ɔ Ɔ ƅ ƅ Ɔ ƅ ƅ ƅ

Figure 39 : Diffractogramme du catalyseur PtZrCePr800_350 carbonaté [Ɔ : PDF 34-0394 CeO2 ; ƅ : PDF

Chapitre III : OVHC du phénol en réacteur fermé 121 0 60 120 180 0 20 40 60 80 100 C o n v ( % ) ∆ C O T ( % ) M ( % ) t (min)

Figure 40 : Courbes de conversion ( ), d’abattement de COT( ) et de minéralisation ( ) pour le catalyseur PtZrCePr800_350 frais ( ) et carbonaté ( ).

Avant toute conclusion hâtive, la première question à se poser est : cette désactivation observée est-elle réellement attribuable aux espèces carbonates ? En effet, l’oxydation de l’acide acétique est réalisée à 200 °C, contre 160 °C pour l’oxydation du phénol, or, à cette température élevée, le catalyseur PtZrCePr800_350 est sujet au frittage et à la perte de métal. Tout comme le catalyseur carbonaté, celui testé au Cycle RIS-200 °C a été soumis à une température de 200 °C. Ainsi, les altérations de ces deux catalyseurs peuvent être considérées similaires et leurs activités peuvent être comparées. Il s’avère que les taux de Conv, ǻCOT et M obtenus après traitement carbonatant sont significativement plus faibles que ceux constatés au cours du Cycle RIS-200 °C. Les espèces hydroxycarbonates formées au cours de l’OVHC de l’acide acétique ont donc bien un effet inhibiteur sur l’activité des catalyseurs employés en oxydation du phénol. Leur mode d’action consiste probablement à bloquer l’accès des réactifs aux sites actifs. Par ailleurs, les carbonates sont connus pour être des piégeurs de radicaux libres et il est envisageable que, compte tenu de cette propriété, ils favorisent les réactions de terminaison radicalaire et limitent ainsi l’activité.

Toutefois, aucun élément en notre possession ne permet d’affirmer catégoriquement la formation de carbonates au cours de l’OVHC du phénol. Contrairement à l’étude réalisée par Mikulová, aucun pic de diffraction des rayons X correspondant à ces espèces n’a pu être observé sur les diffractogrammes des catalyseurs récupérés après OVHC du phénol. De plus, comme cela a déjà été mentionné, les spectres IR-TF de ces mêmes catalyseurs étaient trop compliqués pour être interprétés de manière approfondie et l’existence de groupements

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carbonyles, dans les molécules organiques adsorbées, rend périlleuse l’attribution spécifique d’une bande particulière aux espèces carbonates. Enfin, l’élimination de Ce(CO3)(OH) et de

Pr(CO3)(OH) intervient entre 200 et 300 °C, c’est-à-dire simultanément à la combustion du

dépôt carboné organique, ce qui interdit toute conclusion quant à la présence ou à l’absence de ces espèces.

Lors de sa thèse, Mikulová, avait constaté que, pour les catalyseurs à base de platine, il existait une valeur de dispersion intermédiaire optimale conduisant à un empoisonnement minimal. Il en résultait des courbes NR = f(D) en cloche. Au contraire, dans le cas des catalyseurs à base de ruthénium, beaucoup moins enclins à la carbonatation, les plus grosses particules s’étaient révélées être plus actives que les petites. La présente étude a montré qu’en OVHC du phénol, le nombre de rotations diminuait avec la dispersion, quel que soit le métal déposé. Ceci laisse supposer que l’inhibition de la réaction par formation de carbonates sur le support, si jamais elle se produit, reste un phénomène minoritaire.

En conclusion, des espèces hydroxycarbonates sont susceptibles de limiter l’activité des catalyseurs. Leur formation se produit lors de l’OVHC de l’acide acétique or ce composé est l’un des intermédiaires de la réaction d’oxydation du phénol. Néanmoins, aucune des analyses réalisées sur les catalyseurs testés en OVHC du phénol n’a permis de confirmer ou d’exclure la présence de ces espèces. Dans l’hypothèse où leur formation aurait, tout de même, lieu, elle ne semble pas constituer la cause principale de désactivation. L’acide acétique possède un faible coefficient d’adsorption [70] et il est ainsi proposé que, lorsque ce composé est seul en solution, le contact entre le dioxyde de carbone dissous, issu de l’oxydation de ce composé, et la surface du catalyseur soit privilégié et engendre la formation de carbonates. Au contraire, dans le cas de l’oxydation du phénol, la situation est beaucoup moins favorable à la carbonatation puisque de nombreux intermédiaires s’adsorbent facilement à la surface du catalyseur et limitent le contact entre cette dernière et le CO2

dissous.

Il est à noter que la formation de carbonates peut intervenir, au cours de procédés autres que l’OVHC, sur des catalyseurs à base de métaux nobles supportés sur cérine et sur cérine dopée. Par exemple, lors de la réaction du gaz à l’eau (WGS pour Water-Gas Shift), plusieurs auteurs ont mentionné que la formation de formiates [154], de carbonates [154-156] ou d’hydroxycarbonates [156,157] était provoquée par la présence de CO et/ou de CO2 et que

ces espèces recouvraient les sites actifs du support ainsi que la surface des particules métalliques. Ainsi, elles ont parfois été mises en cause dans la désactivation des catalyseurs mais l’origine de cette perte d’activité reste controversée. Dans certains cas, une corrélation

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entre la quantité de carbonates mesurée et le degré de désactivation [155] a pu être établie et l’activité initiale des catalyseurs a pu être intégralement restaurée par calcination [154,155,158]. D’autres auteurs n’ont pu établir de telles corrélations [156] ou n’ont, tout simplement, pas détecté d’espèces carbonates. Ils ont alors attribué la désactivation des catalyseurs à la sur-réduction de la cérine [159] ou encore au frittage des particules de métal [156] ou de support [160].

D - V. Bilan

Les catalyseurs d’OVHC peuvent souffrir de multiples causes de désactivation. La lixiviation des espèces actives et le frittage des particules sont indubitablement responsables d’une perte définitive d’activité. Au contraire, la déposition d’espèces organiques sur la surface catalytique est un phénomène réversible. La diminution de l’activité de catalyseurs à base de platine et de ruthénium supportés sur cérine dopée et employés en OVHC du phénol a été attribuée au recouvrement de la surface catalytique par une couche d’espèces adsorbées. Peu de travaux se sont penchés sur l’élimination de ce dépôt carboné, en dépit de son intérêt pratique.

Dans un premier temps, une procédure de régénération ex situ, aisée à mettre en œuvre et n’impliquant pas l’utilisation de solvants organiques, a été proposée. Elle consiste en la dégradation totale du dépôt carboné par combustion dans de l’oxygène dilué et à température modérée suivie d’une étape de réduction. La restauration totale de l’activité est alors atteinte, sans altération de la structure des catalyseurs. L’emploi d’air, comme agent oxydant, au cours du protocole de régénération, en remplacement du mélange 5 % O2/N2, peut être envisagé et

rendrait le procédé meilleur marché et plus attractif. Il ressort des expériences menées ex situ que la surface du catalyseur est progressivement recouverte par des composés organiques, jusqu’à ce qu’un état de saturation soit atteint. La nature de la phase utilisée comme support joue un rôle important dans la dégradation de ces composés adsorbés, qui sont plus facilement éliminés sur cérine que sur cérine dopée.

Par la suite, une seconde procédure de régénération a été proposée, consistant en un traitement oxydant in situ, c’est-à-dire directement dans le réacteur d’OVHC. Un tel traitement ne permet pas un rétablissement total de l’activité catalytique et est susceptible d’endommager les catalyseurs. Pour une température de régénération in situ de 160 °C, le non recouvrement de l’activité initiale est principalement dû à une suroxydation des particules de métal, au cours du procédé régénérant, et/ou à l’élimination incomplète des espèces

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organiques adsorbées et en solution. La suroxydation des particules de platine est responsable d’une diminution de leurs performances en minéralisation et les rend plus sensibles au frittage. Ainsi, à des températures de régénération plus importantes, à savoir 200 ou 250 °C, l’altération des catalyseurs est intensifiée : le passage en solution et l’augmentation de la taille des particules de métal sont aggravés par le milieu fortement oxydant et la présence d’eau.

Outre les informations concernant les différents modes de désactivation apportées par ces expériences, les résultats obtenus soulèvent diverses interrogations, plus pragmatiques, qu’il serait regrettable de ne pas considérer.

1) Quel est le catalyseur dont l’usage est le plus pertinent ? Le catalyseur PtZrCePr800_350 se désactive le plus rapidement et s’est avéré relativement instable, même en conditions d’OVHC classiques – des concentrations en praséodyme pouvant atteindre les 1,3 mg.L-1 ont pu être mesurées. De ce fait, il peut être écarté des candidats potentiels pour ce procédé, de même que tous les catalyseurs supportés sur l’oxyde ternaire ZrCePr. Le catalyseur PtCe800_350 frais est le plus actif mais il est sensible à la suroxydation et peut être altéré à haute température. De son côté, le catalyseur RuCe800_350 est moins actif mais son activité ne varie pas après prétraitement oxydant car les particules métalliques sont déjà sous forme oxydée dans les conditions classiques de réaction. Si un bilan des différentes expériences est dressé, le catalyseur PtCe800_350, qu’il soit frais, désactivé, réactivé ex situ ou prétraité sous dioxygène, reste plus actif que le catalyseur RuCe800_350 au cours des expériences similaires. Et même si l’activité du catalyseur PtCe800_350 chute de façon importante après traitement in situ à 160 °C, elle n’est pas foncièrement plus faible que celle du catalyseur RuCe800_350 ayant subi le même traitement. Ainsi, pour peu qu’il ne soit pas exposé sur de longues périodes à de fortes pressions de dioxygène et à des températures trop élevées, le catalyseur PtCe800_350 constitue, incontestablement, le catalyseur le plus performant en OVHC, parmi ceux testés durant cette étude.

2) L’accumulation d’espèces adsorbées sur la surface catalytique étant un phénomène inéluctable accompagnant la réaction d’OVHC du phénol, quel est alors l’intérêt de régénérer les catalyseurs ? Ne vaudrait-il pas mieux se contenter de comparer les activités de catalyseurs déjà désactivés ? Tout d’abord, la différence d’activité entre les catalyseurs frais et désactivés est suffisamment importante pour justifier l’intérêt d’une régénération. Ensuite, il faut rappeler que les conditions expérimentales de cette étude ont été sélectionnées car elles favorisaient la désactivation rapide des catalyseurs par formation d’un dépôt carboné. Ainsi, les conditions de température, de pression ou de concentration réellement employées dans une

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unité industrielle de traitement par OVHC seront moins favorables à la formation d’espèces adsorbées. L’étape de régénération ne sera ainsi qu’une procédure réalisée ponctuellement, non pas après quelques minutes ou quelques heures mais après plusieurs jours, voire plusieurs semaines de fonctionnement. Wang et coll. ont notamment mesuré que les teneurs en carbone de catalyseurs en pellets employés en OVHC du phénol dans un réacteur de type colonne à bulles ne dépassaient pas les 0,1 % après une centaine d’heures de fonctionnement [72] : dans ces conditions, la mise en œuvre d’une procédure de régénération ne serait pas requise avant plusieurs milliers d’heures d’utilisation des catalyseurs.

3) Quel procédé de régénération est le plus adéquat ? Chacun des trois catalyseurs employés s’est révélé être parfaitement régénérable par le protocole ex situ, sans subir d’altération. À l’inverse, le protocole in situ ne permet pas une régénération totale et peut endommager les catalyseurs. L’intérêt premier d’un protocole in situ réside dans le gain de temps qu’il peut apporter, puisqu’il permet d’éviter des étapes de “décharge du réacteur”, “régénération” et “recharge du réacteur”, ce qui n’est pas le cas d’un protocole ex situ. Ainsi, l’utilisation d’un traitement régénérant in situ n’est pas pertinente, dans le cas d’un réacteur fermé, pour lequel ces étapes font partie intégrante du mode de fonctionnement. Le choix d’un protocole de régénération est moins évident dans le cas d’un réacteur continu. Qui plus est, la possibilité de remplacer la charge polluée par de l’eau, pendant l’étape de régénération permettrait d’accélérer cette dernière, de limiter la durée de contact du catalyseur avec le dioxygène et la désactivation supplémentaire qui en découle. En conclusion, la question du choix d’un protocole de régénération se pose vraiment dans le cas d’un réacteur continu puisque, d’une part, les altérations associées au traitement in situ peuvent être limitées et/ou évitées et que, d’autre part, dans l’hypothèse où l’étape de réactivation ne serait réalisée que ponctuellement, le traitement ex situ n’impliquerait pas une perte de temps si considérable.

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