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La quantité de carbone adsorbé et le COT persistant après traitement oxydant in situ ne semblent pas limiter de façon conséquente l’activité des catalyseurs. Des altérations de structure, si elles ont pu être constatées, n’expliquent pas, à elles seules, la faible efficacité des catalyseurs traités in situ, dont la récupération d’activité est soit incomplète ou inexistante. L’intervention d’un phénomène, autre que le frittage ou la lixiviation, et induit par le milieu est alors envisagée.

Dans un premier temps, les catalyseurs ont été prétraités une nuit à 160 °C, uniquement en présence d’eau, avant introduction simultanée d’une solution concentrée de phénol et du dioxygène. Ces catalyseurs ayant fait preuve d’une activité similaire à celle des catalyseurs frais, le solvant de la réaction ne semble pas être à l’origine de la limitation de l’activité après traitement in situ.

L’influence d’un second paramètre a alors été évaluée : la présence d’un agent oxydant, à savoir le dioxygène. Les catalyseurs ont ainsi été prétraités pendant 120 min à 160 °C, en présence d’eau et sous 20 bar de O2, avant introduction du phénol. Les valeurs de

Conv, ǻCOT, M et %C obtenues après 180 min de réaction pour les catalyseurs PtCe800_350, PtZrCePr800_350 et RuCe800_350 prétraités sous dioxygène et les mêmes catalyseurs frais sont présentées dans le Tableau 20. Il a également été vérifié que les caractéristiques des catalyseurs n’étaient pas modifiées par le traitement oxydant.

Tableau 20 : Valeurs de Conv, ǻCOT, M et %C obtenues après 180 min de réaction pour les catalyseurs PtCe800_350, PtZrCePr800_350 et RuCe800_350 frais et prétraités.

Catalyseur Traitement Conv (%) ǻCOT (%) M (%) %C (%)

PtCe800_350 Frais 97,8 78,9 67,7 5,6

Prétraité O2 96,7 84,1 52,2 10,4

PtZrCePr800_350 Prétraité OFrais 88,7 70,4 42,0 12,3

2 84,4 67,4 40,1 12,5

RuCe800_350 Prétraité OFrais 89,0 66,6 35,6 9,9

2 93,3 78,5 36,2 14,8

Les performances des catalyseurs RuCe800_350 et PtZrCePr800_350 ne sont pas significativement modifiées par le prétraitement oxydant. Cette observation est en accord avec les résultats obtenus après régénération in situ puisque ces catalyseurs sont ceux présentant le

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meilleur rétablissement d’activité. Le comportement du catalyseur PtCe800_350 est, quant à lui, particulièrement intéressant. En effet, si les performances en conversion du phénol et en élimination du COT sont conservées, par rapport au catalyseur frais, le taux de minéralisation est bien plus faible et, réciproquement, le taux de carbone adsorbé est beaucoup plus important.

La conséquence la plus probable d’un tel prétraitement oxydant est la modification de l’état d’oxydation des différentes phases du catalyseur. Le support étant déjà lui-même un oxyde, il est difficile d’envisager quel changement d’état peut provoquer le traitement oxydant. Par contre, la phase métallique, initialement au degré d’oxydation 0, peut dissocier et adsorber le dioxygène – les atomes métalliques de surface portent alors une charge partielle į+. Une autre possibilité est la formation, à la surface des particules de métal, d’oxydes du type PtO, PtO2 ou RuO2.

Cette hypothèse d’une oxydation des particules de métal n’est pas si incongrue et permettrait d’expliquer la différence de comportement observée entre les différents catalyseurs. En effet, le ruthénium étant moins noble que le platine s’oxyde plus facilement et plus rapidement. Il est alors possible d’envisager que ce métal se trouve dans le même état oxydé, lors des tests catalytiques classiques et après prétraitement oxydant in situ, ce qui expliquerait pourquoi son activité n’est pas modifiée. Au contraire, le platine est davantage résistant à l’oxydation. Ainsi, les particules de métal des catalyseurs PtCe800_350 frais et prétraité sous dioxygène ne sont pas au même degré d’oxydation et il en résulte une modification du comportement du catalyseur. Enfin, la rapide désactivation des catalyseurs à base de platine supporté sur oxyde ternaire laisse supposer que les fortes propriétés de stockage et de mobilité de l’oxygène de ce support accélèrent l’oxydation du métal noble.

Diverses informations viennent appuyer cette hypothèse d’une oxydation des particules métalliques. Tout d’abord, il est connu que les métaux du groupe du platine peuvent s’oxyder en surface au contact de l’air [65]. Ensuite, plusieurs auteurs ont rapporté que l’oxydation de la phase métallique pouvait être responsable d’une diminution de l’activité des catalyseurs employés en OVHC de certains composés, notamment de l’ammoniac [144] et de l’acide acétique [83]. Delanoë a étudié l’influence de traitements réducteurs et oxydants sur l’activité d’un catalyseur 5% Ru/CeO2 en oxydation de l’acide acétique et a confirmé que de

meilleures performances étaient obtenues lorsque le ruthénium se trouvait à l’état réduit [130]. Cet auteur a, par ailleurs, observé qu’au cours de la réaction, les particules de ruthénium s’oxydaient en surface sous forme de RuO2 [145] et qu’un traitement réducteur permettait au

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catalyseur de récupérer plus de 90 % de son activité initiale [130]. L’impact négatif d’un traitement oxydant sur l’activité a été confirmé par Béziat et coll. en OVHC de l’acide succinique par un catalyseur 2,8% Ru/TiO2 [70]. Pintar et coll. ont évalué que 22 à 30 % du

ruthénium déposé était partiellement oxydé, au cours du procédé d’OVHC, sous forme de RuO2 et que ce phénomène, s’il provoquait une diminution de l’activité en oxydation de

l’acide acétique, ne semblait pas affecter les performances en dégradation de l’acide formique et n’était pas le facteur prédominant gouvernant l’activité en élimination du phénol [83]. Enfin, Larachi et coll. ont caractérisé par XPS des catalyseurs 1% Pt/Al2O3 et 1% Pt/MnO2-

CeO2, récupérés après OVHC du phénol [80]. Dans tous les cas, les analyses ont montré la

présence d’oxydes PtO et PtO2 mais aucune espèce métallique Pt0 de surface n’a pu être

détectée.

Dans le cas de la présente étude, la limitation de l’activité intervient uniquement au niveau de la formation ou de la dégradation des espèces adsorbées, puisque seuls les taux de minéralisation sont affectés. Plusieurs cas de figures sont envisageables. La première hypothèse serait que la présence d’oxygène adsorbé accélèrerait grandement la formation du dépôt carboné et limiterait donc plus rapidement l’activité des catalyseurs. La seconde possibilité serait que le métal oxydé soit tout simplement moins actif que le métal réduit et n’accélère pas autant la minéralisation des espèces organiques. Les données en notre possession ne permettent hélas pas de confirmer ou d’infirmer l’une ou l’autre de ces hypothèses.

Soit dit en passant, le prétraitement oxydant exaltant l’accumulation du dépôt carboné, permet d’estimer plus facilement la quantité de carbone adsorbé à saturation.

Enfin, cette hypothèse d’une oxydation des particules de métal pourrait expliquer le frittage de ces dernières, observé lors de la régénération in situ. Comme rappelé par Moulijn et coll. [75], ce phénomène qui intervient à l’état solide est étroitement connecté aux températures de fusion. Les températures dites de Hüttig (Equ. 73) et de Tamman (Equ. 74) sont définies selon les formules données ci-dessous, où chaque température est exprimée en degrés Kelvin : Fusion Hüttig 0,3 T T = ⋅ Equ. 73 Fusion Tamman 0,5 T T = ⋅ Equ. 74

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Il est logique qu’au fur et à mesure que la température s’élève et se rapproche du point de fusion, la mobilité des atomes augmente et que, conséquemment, le frittage soit plus important. Ainsi, lorsque la température de Hüttig est atteinte, la mobilité des atomes localisés sur des défauts de structure augmente. À la température de Tammann, ce sont les atomes de cœur qui deviennent mobiles. Il est également intéressant de noter que, dans le cas de petites particules, la mobilité des atomes peut intervenir à plus basse température que celles indiquées par THüttig et TTammann. Les températures de fusion, de Tamman et de Hüttig pour le

platine, le ruthénium et leurs oxydes sont récapitulées dans le Tableau 21.

Tableau 21 : Températures de fusion, de Tamman et de Hüttig pour différentes espèces.

Composé TFusion (°C) TTammann (°C) THüttig (°C)

Pt 1755 741 335 PtO 550 139 -26 PtO2 450 89 -56 Ru 2450 1089 544 RuO2 1200 464 169 CeO2 2400 1064 529 ZrO2 2900 1314 679 ZrO2-CeO2 [146] 2750-2900 1239-1314 634-679

Ces données montrent que le platine et le ruthénium, dans leur état réduit, sont censés résister au frittage mais qu’une augmentation de leur degré d’oxydation diminue grandement cette résistance. En particulier, le platine, qui devrait être capable de résister totalement au frittage à 160 °C, dans son état métallique, perd cette capacité, une fois oxydé en PtO ou PtO2.

Quant au ruthénium, il est, en théorie, à l’abri du frittage, que ce soit dans son état réduit ou oxydé. Ceci est d’autant plus vrai que les catalyseurs à base de ruthénium présentent, à l’origine, de faibles valeurs de dispersion. Plusieurs auteurs ont fait part d’une aggravation du phénomène de frittage du platine en atmosphère oxydante [147,148] et l’implication, dans ce processus, d’oxydes métalliques a été proposée en 1976 par Fiedorow et coll. [149]. L’existence de fortes interactions métal-support (SMSI pour Strong Metal-Support Interactions) peut rendre les catalyseurs plus stables vis-à-vis de ce mode de désactivation [150].

Enfin, d’après les valeurs présentées dans le Tableau 21, les supports oxydes devraient être à l’abri du frittage, ce qui a précédemment été confirmé (Tableau 19 p. 114). Ainsi, ces considérations, bien que théoriques, coïncident avec les différentes observations émises au cours de cette étude. Il est également à noter que, dans le cas de l’OVHC, le frittage est facilité par la présence d’eau à température élevée. Il est, en effet, reconnu que la vapeur

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d’eau est capable d’accélérer certaines altérations des catalyseurs. C’est pourquoi elle est fréquemment utilisée afin de provoquer un vieillissement artificiel de ces derniers [151,152].