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1/ Complications de neurectomie :

11/ Les névromes

Les neurectomies sont utilisées pour supprimer la douleur suite à une boiterie incurable qui répond de manière positive aux anesthésies tronculaires, comme une pathologie naviculaire, certaines fractures de la troisième phalange ou de l’os sésamoïde distal (Os sesamoideum distale), ou encore une ossification pathologique des cartillages collatéraux par exemple[104, 116, 206]. Suite aux neurectomies, la complication la plus fréquente est la formation de névromes douloureux. La carrière sportive d’un cheval s’arrête dès leurs apparitions[206]. Une étude rétrospective menées sur 57 chevaux montre que 74% des chevaux sont sains un an après la neurectomie. Ce taux diminue à 63% après deux ans[116].

Les névromes dérivent de la prolifération d’axones naissants à l’extrémité proximal d’un nerf amputé, ce qui représente une tentative de régénération (cf. photo 46). Les névromes sont constitués d’élément neuraux régénérés (cellules de Schwann) et de tissu fibreux périneural (fibroblastes et fibres de collagènes)[183]. L’activité spontanée de l’axone, la pression ou la tension peuvent induire de la douleur[104]. Les névromes douloureux sont constitués d’une prépondérance de tissus nerveux. Les névromes non douloureux montrent une prolifération massive de fibroblastes suivie par un dépôt de fibres de collagènes. Ils comprennent des quantités mineures de connections tissulaires avec les tissus nerveux dégénérés[183].

Un marqueur enzymatique, la horseradish peroxydase (HRP), est utilisé pour montrer le transport axonal rétrograde d’une neurotoxine (aussi appelé transport suicide), comme moyen de prévention à la formation de névrome à la suite d’une neurectomie. Un transport rétrograde sur une longueur axonale de 115 cm est démontré dans les ganglions spinaux quatre jours après l’injection des nerfs digitaux palmaires. La vitesse de transport calculée est de 287 mm par jour. L’élimination des fibres sensorielles dans la partie proximale du nerf réséqué est le facteur clé dans la prévention des complications douloureuses des neurectomies digitales. Ces fibres nerveuses sensorielles sont soutenues par les corps cellulaires nerveux dans les ganglions spinaux. Ce sont ces corps cellulaires que peut détruire sélectivement les neurotoxines par transport axonal rétrograde. Les axones transporteurs sont ceux des fibres nerveuses C et Aδ, c’est à dire celles associées avec la transmission d’impulsions douloureuses.

Le transport de HRP n’est pas plus rapide chez les animaux avec de longs nerfs par rapport à ceux avec des nerfs plus courts (pas de différences entre chevaux et poneys). Cependant, la vitesse du transport rétrograde des grandes espèces est plus rapide, en comparaison avec les animaux de laboratoire[73].

L’épineurium, lorsqu’il est intact, est une barrière impénétrable pour les faisceaux régénérant. Si on arrive à retourner la membrane épineuriale et à la suturer sans l’endommager, comme un capuchon sur l’extrémité nerveuse, la formation de névrome douloureux peut être évité[206] ou du moins limité.

- thérapie laser[104].

Des résultats cliniques plus favorables qu’avec une simple transection ou un capuchon épineural ont été obtenus avec du butyl-2-cyanoacrylate injecté dans la membrane épineurale. Il va jouer le rôle de cément, pour produire une bonne étanchéité. Il n’y a pas de différence significative quant au nombre de régénérations nerveuses ou à la prolifération de cellules de Schwann. Par contre, l’inflammation chronique est plus importante. Turner et al. émettent l’hypothèse que cette réaction inflammatoire chronique pourrait produire un manchon autour du nerf et ainsi prévenir la prolifération des éléments neuraux régénérés[206].

En 1976, dans une étude préliminaire, Lose et Hopkins ont essayé de prévenir la formation de névrome en insérant le plus profondément possible le nerf sectionné dans la cavité médullaire de l’os associé. Le volet de périoste est alors suturé pour sécuriser le nerf sectionné[140]. La doxorubicine, une neurotoxine utilisée par voie intraneurale lors de neurectomie digitale palmaire, montre un taux inacceptable de complications de plaie et aucun bénéfice par rapport aux autres techniques couramment utilisées[74]. La doxorubicine est un antibiotique de la classe des anthracycline, utilisé chez l’Homme lors de chimiothérapies, à cause de son effet antinéoplasique. L’avenir est donc plutôt aux neurotoxines avec un effet systémique limité[74].

Lors d’une injection périneurale de hyaluronate de sodium (ou d’une solution saline tamponnée avec des phosphates) au site de neurectomie digitale palmaire, aucun effet clinique, échographique ou histologique sur la formation d’un névrome ou de fibroses n’est mis en évidence. Pourtant, le hyaluronate de sodium peut affecter la cicatrisation en stabilisant le clou de fibrine, en attirant les fibroblastes, et en inhibant la prolifération fibroblastique in vitro, à haute concentration. L’étude de Murray et al. a montré qu’il n’y avait aucune différence significative entre l’injection de hyaluronate de sodium et l’abscence de traitement[157].

Dans une étude de Jackman, tous les chevaux présentant des névromes douloureux, décelés par palpation et anesthésie locale, ont eu une neurectomie réalisée par électrocautérisation. Tous les névromes sont apparus sept mois après la chirurgie[116].

La cryoneurectomie est réalisée en gelant les tissus à -30°C (pour les nerfs palmaires digitaux environ 10 secondes pour atteindre la température, puis 15 secondes à -30°C). Le tissu nerveux est ensuite coupé 5 mm proximalement au site d’application du froid. La température létale pour les nerfs périphériques est comprise entre -20 et -40°C. Les larges axones sont détruits en premier, les plus petits sont plus résistant aux effets de la cryochirurgie. Avec cette technique, Tate et al. Montre un développement de névromes douloureux chez seulement 7% de tous les chevaux (101 nerfs dans leur étude)[199]. Une autre technique est décrite, dans laquelle les nerfs sont gelés par application percutanée de la sonde cryogène sur la peau. On applique du froid durant 120 secondes, atteignant une température de –7°C dans les trente premières secondes. Cette technique percutané cause une perte de la perception douloureuse temporaire, mais la fonction nerveuse n’est pas interrompue plus de quelques semaines. On note donc une perte de la fonction nerveuse significativement plus longue lorsque les nerfs sont gelés par contact direct, après une exposition chirurgicale. De plus, tous les chevaux traités par Schneider et al. grâce à cette seconde technique ont montré des lésions de la peau, au site de cryogénisation. Dans leur étude, Schneider et al. conclue que des névromes peuvent se développer, même sans transection du nerf[186].

L’utilisation de l’énergie d’un laser à CO2, à 18,426 W/cm², montre d’excellent résultats[104].

En remarque, citons juste le fait que la régénération spontanée d’axones lésés du système nerveux central, chez les mammifères adultes, est très limitée. Les explications les plus probables de ce manque de régénération axonale sont les effets inhibiteurs puissants des

cellules gliales matures (astrocytes réactifs) ou des composants de la paroi de myéline, élaborés par des oligodendrocytes différenciés, ou encore le manque de facteurs neurotrophiques adéquats. Une étude d’Emery et al. a montré que les greffes nerveuses (grâce à un pont réalisé avec un nerf périphérique) pouvait produire un nouveau micro- environnement, plus permissif pour la régénération axonale que les tissus lésés entourant le système nerveux central (cf. photo 47). Notons toutefois que cette régénération est plus hasardeuse chez les grand animaux, à cause de la formation plus fréquente de kyste[68].

12/ Nécrose digitale

Chez le cheval, la région dénervée est soumise à la même activité que les autres membres. Mais suite à une neurectomie, des changements de vascularisation artérielle et de qualité osseuse sont notés.

Les études histologiques montre une augmentation de la résorption ostéolytique dès le cinquième mois postopératoire, alors que le membre sain maintient son intégrité histologique. On a donc une perte de masse et de densité osseuse, qui peut se traduire par des ruptures ou des avulsions spontanées des attaches ligamentaires ou tendineuses.

On a une prolifération des vaisseaux sanguins dans le tissu péritendineux. Les nerfs palmaires donnent la plupart, si ce n’est la totalité des fibres nerveuses vasomotrices des artères digitales. Il peut donc être présumé que des désordres du tonus vasomoteur sont induits. Des lésions traumatiques, des infections ou les deux associées, au cours des six premiers mois, sont les principales causes de nécrose digitale des doigts dénervés[200].