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Chapitre I : les dimensions sémantiques du paradigme de ‘’nous’’ et ‘’vous’’

1- Isotopie de l’identité

C’est vers la moitié du 20eme siècle que la conscience berbère, concentrée en Kabylie pour des raisons historiques, commença à prendre son élan. Au sein du parti de Messali1, la question connaîtra son apogée pendant la ‘’Crise berbériste’’ de 1949 où des militants de la Kabylie avaient essayé d’introduire la dimension berbère du peuple algérien dans les textes et la philosophie du parti nationaliste, le PPA2-. L’action fut rapidement présentée comme un ‘’travail fractionnaire’’ au sein du parti, et on qualifia les animateurs du mouvement de ‘’berbéro-matérialistes’’.

Juste après l’indépendance de l’Algérie, toute évocation de la culture amazighe était suspecte. La langue et la culture berbères étaient étrangères dans leur propre pays. Au nom de l’unité nationale, seule la langue arabe était nationale et officielle. Selon nos gouvernants, la langue amazighe était tantôt une création artificielle de la colonisation, destinée à contrer la langue arabe et tantôt une dérivation maladroite et chaotique de l’arabe. Ce climat de répression intellectuelle et de négation flagrante d’une donnée sociologique et historique demeurait dans le discours politique jusqu’aux années quatre vingt-dix.

La dernière moitié des années 1970 fut sans doute la période la plus riche, la plus palpitante et la plus décisive dans le combat identitaire. Il est évident que c’était l’étape cruciale du réveil de la conscience berbère dans notre pays.

Dans un article paru le 19 Avril 2012 au journal, la dépêche de Kabylie, à l’occasion de la célébration du 32eme anniversaire du printemps berbère, Amar Nait Meziane3 écrit : « Ce réveil ne fut pas un coup de tonnerre dans un ciel serein. A la fin des années 1960 et tout au long des années 1970, une véritable

1 - Messali El hadj était laideur politique durant les années trente, quarante et cinquante, fondateur d’un parti

Politique dénommé PPA et étoile nord africaine, originaire de Tlemcen.

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- PPA, parti politique créé durant les années trente dont l’objectif est de sensibiliser les algériens pour revendiquer l’indépendance de l’Algérie. Ce parti était dirigé par Messali El hadj durant plusieurs années.

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renaissance culturelle s’est développée dans un système underground, en dehors des circuits administratifs, de la bureaucratie et de la censure du parti unique ». « Hasard du destin, c’est suite à l’annulation d’une conférence que devait donner M.Mammeri à l’université de Tizi-Ouzou sur la poésie kabyle ancienne que la précipitation des événements aboutit à ce qui est appelé depuis : tafsut imazighen (le Printemps berbère) ».

Contre toutes les interdictions, la chanson kabyle défie la censure et nourrit le sentiment d’appartenance identitaire et l’esprit de résistance contre l’aliénation.

La revendication identitaire berbère s’est longtemps exprimée par la poésie et les chants kabyles. C’est grâce à la chanson kabyle que le combat pour la langue amazighe en particulier et la cause berbère en général s’est fait entendre un peu partout dans le monde. Depuis le début des années 80, la culture et l’identité berbère ont toujours été placées au centre de la thématique de la chanson kabyle. Cette dernière est passée d'un registre essentiellement descriptif à un registre revendicatif. Elle est devenue une chanson engagée politiquement dans le combat contre les inégalités sociales, pour l'instauration de la démocratie et pour la reconnaissance de la culture berbère et de la langue amazighe. De grosses pointures du paysage musical et artistique kabyle, à l’image d’Idir, Matoub et Lounis Ait Menguellet, ont porté haut et fort la revendication identitaire berbère dans leurs textes poétiques car, pour eux, il s’agit d’une question d’existence.

- Poème1 : nezra (nous savons), (page 304)

Dans sa chanson ‘’nezra’’ éditée en 1983, Lounis a exprimé d’une manière pittoresque l’appartenance de la terre algérienne aux berbères et à la communauté amazighe.

Chapitre I Les dimensions sémantiques du paradigme de ’’nous’’ et ‘’ vous’’ dans les poèmes politiques de Lounis Ait Menguellet

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Le chanteur met en scène un face à face entre un « nous » et un « vous » qui partagent un même « savoir » au sujet d’une même « vérité ». Ce qui les sépare et semble les dresser les uns contre les autres, c’est leur gestion respective de cette « vérité », les premiers ayant choisi de la dire et les seconds de la taire.

Le but de « nous », qui englobe le poète-chanteur et ses concitoyens, est de faire admettre cette « vérité » à ceux qui, « aveuglés », s’obstinent à la rejeter, de leur faire retrouver « la mémoire » et reconnaître leur « origine ».

Lounis demande à ceux qui cachent leur identité d’admettre la réalité et de dire la vérité, car un jour ou l’autre tout sera connu. Le poète exprime son point de vue, dans l’extrait qui suit, d’une manière indirecte pleine d’images et de figures.

Teẓram kulci, d ayen yellan Vous savez tout, toute la vérité Teẓram amek i yella lḥal Vous connaissez la réalité.

Ma nnan-awen-d wi- ken-ilan Si on vous demande qui vous êtes ? Init-tt-id mebɣir ccwal Dites-le sans violence.

Teẓram amek i yella lḥal Vous connaissez la situation, Teẓram acimi i teffrem Pourquoi alors cachez la vérité ? Isem-nwen la d-issawal Vos noms vous font appel

Yiwwas, ad t-id-teskeflem Un jour vous l’exhumerez.

Dans l’extrait suivant du même poème, Lounis s’exprime au nom de tous les berbères en disant ‘’nezra’’ (nous savons) et s’adresse à ses interlocuteurs qui nient leur origine en leur disant tezram (vous savez). Le poète affirme que tout le monde sait la réalité même si certains font semblant d’être aveugles. Le poète, en usant de la répétition, insiste dans son poème sur le fait qu’ils savent

en disant « tezram » pour dénoncer la négation de leur origine. D’une manière pleine d’images, le poète leur demande de rapprocher les os de nos ancêtres, le sol qu’ils foulent ainsi que les forêts et les rivières afin de se rafraichir la mémoire. Se sont des images métaphoriques pleines de sens et de symboles.

Dans l’extrait précédent, en se basant sur des connaissances culturelles, le poète emploi le mot « isem-nwen », non dans son sens étymologique, mais dans un autre sens qui désigne l’origine et l’identité berbères. Le mot « askfel » s’emploi habituellement dans le sens de déterrer quelque chose de matérielle, mais, dans ce poème, il s’agit de se réconcilier avec soi-même et de reconnaitre son identité et ses origines.

Par ces expressions métonymiques pleines d’images et de symboles, le poète met en débat une question cruciale, à savoir l’identité amazighe qui plonge ses racines au plus fond de l’histoire du peuple berbère dont les toponymes témoignent son existence en Afrique du nord depuis la nuit des temps.

Neẓra la tẓerrem Nous savons que vous saviez Xas ma teddreɣlem Bien que vous paraissez aveugles Ma yegra-d yiwen icfan S’il en reste un qui se souvienne Ad d-yini ayen illan Il dira la vérité

Ad ken-d-yessefhem Et vous expliquera tout.

Ma tebɤam ad twalim Si vous voulez savoir Kkest-d timedlin Otez les dalles

Steqsit iɤsan Et interrogez les os Ula d nutni cfan Eux aussi se souviennent

Ad ken- id- smektin Ils vous rafraichiront la mémoire.

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Akal ɤef i telḥam Le sol que vous foulez Tidet ad tt-id-yini Il dira la vérité

Mačči n wass-agi Qui ne date pas d’aujourd’hui Ulayɣer leqlam La plume est inutile

Leɣwabi d issafen Les forêts et les rivières Ma tεeddam ɣur-sen Approchez-les

Seg wasmi yellan Depuis qu’ils sont la

Ẓran wi-ten-ilan Ils savent à qui ils appartiennent Steqsit-ten Interrogez-les.

Dans cet extrait, en usant de la métonymie, le poète emploi dans son poème des termes comme « iɤsan » qui renvoie à nos ancêtres ainsi que « akal » et «leɣwabi d issafen » qui renvoient à la patrie pour dire que tout ce qui existe sur et sous cette terre indique et témoigne que nous sommes des amazighes.

Dans tous ces vers, le poète s’adresse à tous ceux qui nient la vérité en leur disant « la tẓerrem, tedreɣlem, kkest-d timedlin, ad twalim…», pour leur dire que tout est claire sur notre identité et vous n’avez qu’admettre la vérité.

En évitant le style directe, le poète préfère construire son texte poétique par des images et des figures de style qui lui donnent plus de beauté.

Le poète termine son texte poétique en affirmant que toutes les personnes qui le ressemblent sont fières de leur origine berbère et tiennent toujours à leur appartenance amazighe. Il demande à ceux qui nient leur identité de bien s’identifier car, à l’exception de ceux avec lesquels ils partagent l’origine, aucune autre personne ne peut les admettre comme frères.

Aẓar-iw yellan Mes racines existent D uẓar-ik yeqleɛn Les tiennes sont déracinées

Laṣel-ik izgel-ik Tes origines t’ont perdu Win tebɣiḍ yug-ik Les autres te refusent Mel-iyi-d wi-k-ilan? Dis-moi qui es-tu ?

Dans cette dernière strophe, le poète passe dans ses énoncés de ‘’nous collectif’’ au ‘’moi individuel’’ en disant : aẓar-iw et mel-iyi-d. Même chose quand il s’adresse à ses interlocuteurs en disant : d uẓar-ik, Laṣel-ik, izgel-ik, tebɣiḍ, yug-ik, wi-k-ilan. Le poète préfère s’adresser à une seule personne qui représente réellement tous ceux qui nient leur identité kabyle en ramplaçant le « vous » par le « tu ». Dans les deux cas, ces énoncés renvoient aux mêmes parties.

Par le terme « aẓar », le poète use de la synecdoque sous forme de l’espèce pour le genre (azar= origine). Par les deux termes racine et laṣel, le poète désigne son origine kabyle à laquelle il s’attache pleinement, mais malheureusement, ignorée par les autres.

- Poème2 : acimi (pourquoi ?), (page 315)

Dans le poème intitulé ‘’acimi’’ édité en 1989 et composé de neuf strophes, Lounis Ait Menguellet a abordé le phénomène de colonisation et d’occupation qu’a subi l’Afrique du nord depuis l’antiquité ainsi que toutes les conséquences dues à ces colonisations.

Dans l’extrait suivant, le poète s’exprime à la prmière personne du pluriel, ce qui renvoie au peuple berbère, en disant: aɣ-d-yusan (nous viennent), aɣ-d-ufan (nous trouve), aɣ-ǧǧan (nous laisse).

Wid aɣ-d-yusan Ceux qui nous rendent visite Yewwin-d Ṛebbi d amɛiwen Dieu était à leur côté.

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Anga i d aɣ-d-ufan Là où ils nous trouvent

I aɣ-ǧǧan wid iṛuḥen Nous laissent ceux qu’ils sont partis Kemmlen i d-yeggran Ils ont tout pris

Ula d Ṛebbi d ayla-nsen Même Dieu leur appartient. Acimi, acimi, acimi ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?

De l’interprétation que nous avions donnée à cette strophe du poème « acimi », nous retiendrons que le poète évoque la venue des arabes en Afrique du nord après le départ d’anciens colonisateurs. Il souligne que ces nouveaux débarqués qui, estiment que Dieu leur appartient seuls, ont tout squatté à leur arrivée en Afrique du Nord.

Dans ce poème, Lounis s’exprime au nom de toute la communauté berbérophone dont il fait partie. Le ‘’nous’’ qui renvoie au ‘’peuple berbère’’ revient dans la plus part des vers de ce poème.

Dans le deuxième vers de cette extrait qui dit : Yewwin-d Ṛebbi d amɛiwen, le poète exprime une métonymie par laquelle il souligne que les porteurs de la religion musulmane qui ont envahies l’Afrique du nord croient que Dieu les soutient toujours dans leur mission. Par ces exemples, nous retiendrons que la poésie de Lounis est souvent polysémique et sa création poétique se caractérise par l’emploi des images métaphoriques et des expressions métonymiques.

Le poète espère que les kabyles apprennent la leçon des siècles précédents dans lesquels ils étaient colonisés et opprimés. A ce sujet, et en s’exprimant au nom de tous les berbères, le poète dit ce qui suit :

Leqrun i iɛeddan ɛeddan Des siècles sont déjà passés Mazal wiyaḍ deffir-sen d’autres vont venir.

Ur neẓri d acu neǧǧa-n Nous ignorons ce qu’ils ont laissé Ur neẓri d acu ara d-ǧǧen Et ce qu’ils vont laisser

Ahat s wayen yellan Avec ce que nous possédons

Ad nefhem d acu i d-aɣ-yuɣen Nous comprendrons notre situation. Ahat ajenwi i aɣ-yezlan C’est le couteau qui nous a égorgés D netta ad aɣ-d-issekren Qui nous aidera à retrouver la vie. D’une manière presque directe, le poète souhaite que les kabyles, après ce qu’ils on subi durant plusieurs siècles, finissent un jour par comprendre leur situation de division et s’unir pour l’éternité. Le « nous » employé dans cette strophe renvoie à la communauté berbère en général et aux kabyle en particulier.

- Poème3 : taqbaylit (la kabyle), (page 313)

Le poème intitulé « a taqbaylit », composé de six strophes, était d’un style presque direct. Dans ce texte poétique le mot ‘’taqbaylit ‘’ représente non seulement la langue de nos ancêtres, mais tout ce qui a trait avec notre culture, nos traditions, nos coutumes et toutes les valeurs que portent les kabyles dans leur vie quotidienne.

Dans l’extrait suivant, le poète affirme que même si nous avons des opinions différentes et que nous nous n’entendions pas toujours sur certains sujets, ces différences représentent pour nous, les kabyles, une grande richesse. Il souligne aussi que nous portons nos racines dans nos cœurs. Seule la kabylité est notre mère et sans elle, nous ne représentons absolument rien.

Le poète s’exprime à la première personne du pluriel ‘’nous ’’ qui renvoie à tous les kabyles et s’adresse à une personne abstraite qui est la langue et l’identité kabyles en les désignant par « kem » (vous) pour dire que notre existence est subordonnée à l’existence de notre langue et de notre identité. Dans ce poème, le poète use de la métonymie pour que l’abstrait se substitue au concret et au réel. Dans ce texte poétique, le mot taqbaylit désigne la langue et

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l’identité kabyle ou moment où dans d’autres cas, ce mot désigne généralement la femme kabyle.

Γas ma nettnaɣ Même si nous nous n’entendons pas Seg umennuɣ i d-yekka nnfeɛ De la différence nait la richesse. Aẓar-nneɣ Nos racines

Deg wul ibded iṣeḥḥa Nous les portons dans nos cœurs. Freḥ yis-neɣ Il faut être fière de nous

Ma truḥeḍ d acu nesɛa Sans toi, nous ne possèderons rien. Kemm d yemma-tneɣ Vous êtes notre mère

Gar-aneɣ nefhem neẓra Tout le monde le sait parfaitement. A la dernière strophe, le poète souligne que nous, les kabyles, tenons toujours à notre identité et que notre origine est toujours la même et aucun ne peut la changer. Il souligne aussi que la langue kabyle existera jusqu’à l’éternité et c’est grâce à ses fils que l’Algérie est toujours debout.

Comme nous le constatons, le poète met un face à face entre deux parties, l’une représentée par le ‘’nous’’ qui réunit le poète et ses concitoyens kabyles et l’autre désignée par le ‘’vous’’ qui représente l’identité et l’origine kabyles. A partir du pronom personnel ‘’nous’’, Lounis veut nous faire comprendre que les kabyles tiennent toujours à leur identité et défendent sans cesse leur langue et c’est grâce à eux que l’Algérie se porte bien et demeure toujours debout. Le « nous » est exprimé dans « nettnaɣ », « Aẓar-nneɣ », « yis-neɣ », « yemma- tneɣ », « Gar-aneɣ nefhem neẓra », par contre le « vous » est exprimé dans « Freḥ », «truḥeḍ » et «Kemm ».

- Poème4 : tiregwa (sources)

Dans son album « Tirgwa », édité le 16 janvier 1999, le poète, Lounis Ait Menguellet, revient sur la thématique de la revendication identitaire et reprend

la majorité des poèmes qui traitent cette thématique. Dans cet album dont le titre est proposé par un citoyen de Bejaia, en l’occurrence Mr M’barek Mhenni1, suite à l’appel lancé par le poète sur les ondes de la chaine II lors de l’émission ‘’afud n tsebḥit’’, Lounis reprend, pratiquement, toutes les chansons de sa carrière artistique, allant de l’année 1967 jusqu’à l’an 1996.

Le paramètre musical dans cet album nous indique l’existence de dix titres répartis comme suit :

- Iḍaq wul +ǧamila

- Ṭṭejra ilili + la ttnadiγ fell-am - Lahlak + d aγrib

- Lemnam + kul yiwen - Anef-iyi + aqbayli

- Ay agu + tibratin + a lmus-iw

- Lekdeb d lbaṭel + ǧǧet-iyi + amacahu - Qim deg urebbi-w + wi-d-iruḥen + acimi

- Afennan + Γurwat + akken-ixdeε Rebbi + abrid n temẓi + awal

- Uma s tidet + di ssuq + ayla-m + iminig n yiḍ + siwel-iyi-d tamacahut

L’album tirgwa comporte des strophes composées de vers qui revient à la fois à plusieurs anciens poèmes et donnent naissance à des significations autres que la signification d’origine.

Le constat auquel le poète a abouti est amère et que rien n’a changé positivement depuis longtemps. Dans ‘’tirgwa’’, Lounis a évoqué l’absence d’union et de la fraternité au sein de la société kabyle et que chacun chante sa

1 -M’barek Mhenni, citoyen de la wilaya de Béjaia qui avait l’honneur de proposer le titre tiregwa

pour l’album de Lounis Ait Menguellet édité le 16/01/1999. Cette proposition est venue suite à l’appel lancé par Lounis sur les ondes de la radio.

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kabylité à sa manière et avec haine envers ses frères tout en sachant que leur langue et leur culture sont totalement niées et marginalisées dans leur propre pays. Cette divergence qui caractérise la communauté kabyle a causé l’évaporation de l’union autour du combat identitaire.

Selon le poète, la route est encore longue et les forces sont toujours dispersées. L’extrait suivant l’indique clairement:

Amacahu γef wass-nni Il était une fois

Mi nebda tikli Le jour où nous entamions la marche Γef yiwet n sseba ay nenṭeq la même cause que nous défendions Abrid-nni d-nettawi La voie que nous empruntons

D wayen nettmenni Et tout ce que nous espérons Amek almi d-iban yefreq Comment est ce qu’ils différent ?

Dans cette strophe, le poète s’exprime au nom de tous les kabyles dont il fait partie en conjuguant tous les verbes à la première personne du pluriel comme le montrent les verbes suivants : nebda (nous entamons), nenṭeq (nous défendions), nettawi (nous empruntons) et nettmenni (nous espérons).

Lounis qui fait partie de la communauté kabyle s’exprime, dans la majorité de ses chansons qui traitent la question identitaire, au nom de tous ses concitoyens car il sait pertinemment que cette question tient à cœur la plus part des kabyles qui ne cessent depuis des années de mener le combat pour la reconnaissance de la langue et de l’identité amazighes.

Le poète emploi, dans cette strophe, le mot « tikli » pour désigner le combat et « abrid » pour désigner la démarche entreprise. Deux mots dont le sens étymologique désigne respectivement la marche et la route. Cette relation sémantique est une figure de style qu’on dénomme « la synecdoque ».

Dans la strophe qui suit, le poète s’interroge sur le sort des partis politiques kabyles et leur rôle vis-à-vis de la cause berbère sachant qu’au début de leur création, ils avaient l’intention d’unir tous les kabyles autour de la