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« Les itinéraires ont fait les oasis et les oasis ont fait les villes »(M. Côte, 2000).

Le territoire du Sahara s’étend de l’Océan Atlantique jusqu’à la Mer Rouge et recouvre environ 8,5 millions de km², pour quelques 8 millions d’habitants, vallée du Nil exceptée. Dans cet ensemble, la partie algérienne représente environs un quart de la superficie totale, soit un peu plus de deux millions de km², et comptait à l’aube du 21ème siècle environs trois millions d’habitants (Y. Kouzmine, 2007).

Les espaces sahariens, composés de milieux fragiles et hostiles, sont particulièrement inhospitaliers pour la vie humaine, pourtant, ils ont été en partie appropriés et maîtrisés par des populations depuis des millénaires (Capot-Rey, 1953). En effet le phénomène urbain constitue un fait historique qui a accompagné le grand commerce transsaharien, tout le long des itinéraires caravaniers, pendant près de 10 siècles (du 8ème au 18ème siècle), espaces d’échange et de commerce fructueux, ayant mis en relation deux mondes, la rive Sud et la rive Nord du Sahara. Cependant, l’urbanisation actuelle connaît une ampleur inconnue jusque là, puisque l’espace bâti au cours des trois dernières décennies est très supérieur à celui réalisé au cours de tous les siècles passés... Il regroupe 80% de la population saharienne actuelle (M. Cote, 2005). Les taux de croissance et d'urbanisation, très soutenus, dépassent la moyenne nationale, et le croît démographique est plus fort que le reste du pays : de 1987 à 1998 la population du Sahara passe de 8,7% à près de 10% de la population algérienne (Belguidoum S., 2002)

Aujourd’hui au centre d’enjeux importants : champs d’hydrocarbures, ressources en minerais et aquifères souterrains, le Sahara représente un espace géostratégique, vecteur du développement économique, qui a été structuré en renforçant progressivement le maillage administratif et les services publics, tels que l’éducation et la santé, ce qui a participé à remodeler les fonctionnements sociaux sahariens (A. Bendjelid, J.C. Brulé et J. Fontaine, 2004). Ainsi, l’essor économique lié aux activités d’hydrocarbures a eu des impacts directs et indirects. La diffusion du fait urbain (engendrée par l’accroissement naturel des populations, la nécessité de disposer d’une main d’œuvre abondante, l’exode rurale et la sédentarisation des nomades) a impliqué des mutations sociales, économiques et spatiales qui ont fondé le renouvellement des représentations, des hiérarchies et des pratiques socio-spatiales des populations au Sahara algérien (Y. Kouzmine, 2007), et ont modifié le fragile équilibre qui s’était établit depuis des siècles entre l’homme et son environnement. Les agglomérations sahariennes enregistrent des accroissements massifs de population et le devenir des espaces urbains, est étroitement corrélé aux préoccupations environnementales et aux fortes attentes sociales.

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Le prochain paragraphe propose une illustration, dans ce vaste champ, marqué de façon similaire par l’aridité127 (M. Cote, 2005), en portant un regard sur la situation socio- environnementale et les mutations urbaines de la vallée du M’Zab. Située au centre du Sahara Septentrional, la ville de Ghardaïa est la capitale de cette vallée, qui a connu au 20ème siècle, une évolution puissante, passant d’une vallée rurale à une vallée urbaine, de la pentapole à une métropole, au point qu’aujourd’hui « La ville remplit sa vallée » (M. Cote, 2002).

Figure -32- Situation de Ghardaia par rapport aux autres villes sahariennes Source : SNAT, 2030

7-1 Aperçu historique et limites administratives

L’installation des pionniers de la civilisation mozabite (la Halqua des Azzabas Ibadhites) dans cette vallée désertique, isolée et hostile, de même que le choix de l’emplacement, sur un piton rocheux, difficile d’accès - permettant ainsi de dominer la vallée et de se protéger des crues des oueds - est guidé par la raison défensive. C’est, en effet, la destruction par un incendie de Tahert (aujourd’hui Tiaret), capitale de l’état Rostémide, en 909, qui poussa les Ibadites, une communauté de culture et de langue berbère, à prendre le chemin de l’exil pour préserver leur

127 La très importante superficie du Sahara algérien impose des nuances dans les spécificités des écosystèmes et dans la manière dont les populations sahariennes se sont adaptées à leurs milieux, chacune avec sa logique spécifique, cependant, selon J. Bisson (2003), il y a un accord entre les chercheurs concernant la limite de pluviosité de 100 mm par an (+ ou – 50 mm). Toujours selon J. Bisson, le vent ne peut pas déplacer le sable et édifier des dunes quand la pluviosité dépasse 100 mm par an.

Chapitre -7- La pentapole (bientôt la métropole ?) du Sahara : Ghardaia

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religion des menaces de l’ennemi128. Le groupe fondateur choisissait, de manière délibérée un site, selon les possibilités de défense militaire et la disponibilité des ressources en eau, condition qui assure la création des palmeraies, indispensable à l’installation humaine (Chabi M.,Dahli M., 2009). C’est ainsi que successivement, au début du 11ème siècle fut construite chacune des ces cinq cités de la vallée du M’zab, durant la période allant de 1012 à 1347 : El Atteuf (1012), Bounoura (1046), Ghardaia (1053), Melika (1124) et Beni- Isguen (1347). Au fil du temps, une hiérarchisation s’est établie, le ksar de Ghardaïa est devenu le plus important des cinq, et le plus peuplé, puisqu’il concentrait en 1872 environ 13 000 habitants, suivi des ksour de Béni-Isguen (5 500 hab.), d’El-Ateuf (3 000 hab.), de Mélika (1 500 hab.) et de Bounoura (500 hab.) ; (B. Benyoucef, 2009). Cette importance s’est trouvée renforcée lors du passage du territoire mozabite sous l’autorité française à partir de 1882, et l’introduction d’une nouvelle structure administrative, reconduite après l’indépendance. Suite au découpage administratif de 1984, Ghardaia est devenue le chef-lieu de la wilaya du même nom, qui couvre une superficie de 86 560 km2, et se situe au centre de la partie Nord du Sahara. L’ensemble de la nouvelle Wilaya dépendait auparavant de l’ancienne wilaya de Laghouat. Il est composé des anciennes dairates de Ghardaia, Metlili et El-Ménéa.

Cette wilaya revêt une importance stratégique (figure -30-) car en plus de compter deux champs d’hydrocarbures, Oued Noumeur et Krechba, elle est traversée par les pipelines qui relient Hassi Messaoud au Sud, à Hassi R’mel, au Nord et au terminal d’Arzew sur la côte Ouest du pays. Elle occupe donc une position importante, sur une voie de communication qui permet de relier Alger à Hassi Messaoud.

La Wilaya de Ghardaia (47) est limitée :

- Au Nord par la Wilaya de Laghouat (03) ;

- A l’Est par la Wilaya de Ouargla (30) ;

- Au Sud par la Wilaya de Tamanrasset (11) ;

- Au Sud- Ouest par la Wilaya d’Adrar (1) ;

- A l’Ouest par la Wilaya dEl-Bayadh (32)

Figure -33- Les wilayas limitrophes de la wilaya de Ghardaia et sa position stratégique

128 Le fait religieux est spécifique chez les populations mozabites, qui pratiquent un rite particulier « le culte ibadite », caractérisé par un islam très rigoureux qui est à la base de l’organisation de la société. Ils furent pourchassés pour leur idéologie différente et durent s’enfuir, c’est pourquoi il est admis que les premiers fondateurs ont choisi cette vallée hostile et reculée, qui n'avait jusqu'alors été habitée que par des groupes nomades, car ils étaient profondément soucieux de la conservation de leur identité, fût-ce au prix de l'isolement. L'occupation du territoire et l'organisation de l'espace ont été régies par des principes extrêmement stricts.

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La ville de Ghardaia, capitale de la pentapole, et chef-lieu de wilaya, est aussi le grand carrefour du Sahara septentrional sur l'axe médian du territoire. Le caractère central de l’agglomération de Ghardaia, dans l’espace saharien, point de connexion entre le Bas-Sahara à l’Est, le Sahara Touareg au Sud et l’Ouest saharien, ainsi qu’avec le Nord algérien, lui confère le rôle de pôle d’attractivité. D’autant plus que les réseaux mozabites ont historiquement contrôlé le commerce transsaharien. C’est aujourd’hui une région active où le secteur tertiaire est prépondérant avec le commerce, le tourisme et l’artisanat mais aussi l’agriculture phoénicicole et, dans une moindre mesure, l’industrie.