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Une intervention

Dans le document Philosophie du soin palliatif (Page 171-174)

Chapitre I : Le soin : perspective disciplinaire

1.2 Les dimensions du « soin »

1.2.5 Une intervention

Cette dernière dimension du soin identifiée par Morse et collaboratrices75 fait référence au fait que pour « prendre soin », il est souvent nécessaire de passer à l’action. Par exemple, devant une personne fiévreuse, c’est en employant les moyens nécessaires pour faire diminuer la fièvre que l’infirmière prendra soin de cette personne. En d’autres mots, soigner consiste non seulement à assumer notre responsabilité, à faire preuve de bienveillance ou à établir une relation avec la personne, c’est aussi entreprendre les interventions qui sont requises par l’état de santé de cette personne.

Pour certaines théoriciennes, c’est ce volet de 1’« intervention » qui occupe une place centrale dans leur conception du soin. Dans l’ensemble, elles perçoivent que le soin est une action ou une activité menée par une infirmière possédant des connaissances et des compétences spécifiques pour répondre aux besoins de la personne (théoriciennes de VÉcole des besoins76) ou dans le but d’obtenir les effets souhaités pour sa santé (théoriciennes de Y École des effets souhaités77 *). Par exemple, du point de vue de Orem, le soin infirmier est un service qui vise à aider la personne dans le besoin soit en agissant

75 Concepts of Caring and Caring as a Concept, 1990; Comparative Analysis of Conceptualizations and Theories of Caring, 1991

76 Henderson, The nature of nursing; a definition and its implications for practice, research, and education, 1966; Orem, Nursing. Concepts of Practice, 1991.

77 Johnson, The behavioral system model for nursing, 1990; Roy, The Roy adaptation model in nursing research, 1991.

pour elle, soit en la supportant ou encore en lui dispensant l’enseignement nécessaire afin qu’elle puisse éventuellement effectuer ses soins de façon autonome. Dans la théorie de Roy, par ailleurs, le soin est conçu comme un ensemble d’actions cherchant à promouvoir l’adaptation de la personne au contexte particulier de son état de santé afin de lui permettre, entre autres, de maintenir une qualité de vie acceptable. Comme on peut le constater, le concept du soin est clairement conçu, chez ces théoriciennes, comme l’ensemble des interventions entreprises par l’infirmière en vue d’obtenir un résultat précis (satisfaction des besoins ou atteinte des effets souhaités).

Par ailleurs, plusieurs théoriciennes et chercheures infirmières ont tenté de clarifier, sinon d’identifier spécifiquement ces actions ou ces comportements de soin qui s’avèrent fort diversifiés.78 Marie-Françoise Collière,79 infirmière et théoricienne, propose quant à elle une division des actes de soin qui nous éclaire à ce sujet. Elle regroupe les interventions soignantes en deux catégories : les soins coutumiers et habituels liés à l’entretien de la vie et les soins de réparation qui visent à traiter la maladie.80 Les soins d’entretien de la vie visent à combler les besoins tels « boire, manger, évacuer, se laver, se lever, bouger, se déplacer, ainsi que tout ce qui contribue au développement de la vie de notre être, en construisant, en entretenant l’image du corps, le réseau relationnel, en stimulant les échanges avec tout ce qui est fondamental à la vie. »81 Quant aux soins de réparation, ils « ont pour but de limiter la maladie, de lutter contre elle, et de s’attaquer aux causes. »82 En d’autres mots, comme le précise Dallaire,83 il s’agit davantage de soins à visée « technique », d’ordre général ou spécialisé. Les soins de réparation généraux comportent, par exemple, « des activités telles que surveiller les signes vitaux, effectuer des prises de sang et des injections, faire et changer des pansements. » 84 Les soins de

78 Voir par exemple Brown, Behaviors of Nurses Perceived by Hospitalized Patients as Indicators of Care, 1981; Ford, Nurse Professionals and the Caring Process, 1981; Henry, Nurse Behaviors Perceived by Patients as Indicators of Caring, 1975; Larson, Important Nurse Caring Behaviors Perceived by Patients with Cancer, 1984; Leininger, Caring: The Essence of Nursing and Health, 1984.

79 Collière, Promouvoir la vie. De la pratique des femmes soignantes aux soins infirmiers, 1982.

81 Ibid, p. 244.

*=/W,p.245.

83 Dallaire, Les grandes fonctions de la pratique infirmière, 1999. 84 Ibid, p. 39.

réparation spécialisés « font souvent appel à une technologie complexe utilisée dans des champs cliniques tels que les soins critiques. »85

Comme on peut le constater, la personne manifeste des besoins qui nécessitent de multiples interventions de la part des infirmières. À ces interventions, il conviendrait aussi d’ajouter celles qui sont dispensées par les autres soignants : médecins, travailleurs sociaux, bénévoles, etc. Cependant, il demeure qu’elles pourraient toujours être différenciées selon les catégories énoncées par Collière : d’une part, on retrouverait les soins qui veillent à l’entretien de la vie; d’autre part, ceux qui visent à traiter la maladie, c’est-à-dire à réparer le corps.

Soulignons que cette classification nous permet de proposer une clarification sémantique importante dans le domaine du soin de la personne. Elle nous permet de préciser la différence entre les notions du soin et des soins ainsi que celles, en anglais, du care et du cure. En fait, à titre de point de départ, le soin de la personne (care) est compris en terme de genre; c’est-à-dire dans le sens où il n’est le propre d’aucune discipline soignante en particulier puisque toute personne est en mesure de prendre soin de son prochain. C’est ensuite dans l’une des dimensions du soin, celle de l’intervention - les autres dimensions étant l’obligation morale, la relation et le sentiment d’affection -, que prennent place les soins d’entretien de la vie et les soins de réparation.86 Or, ces derniers, les soins de réparation - appelés aussi « traitements » (cure) -, ont souvent été opposés au care parce qu’ils consistaient exclusivement à guérir la maladie et ses symptômes. Et pourtant, intervenir de façon à traiter la maladie qui afflige une personne représente aussi le fait de prendre soin de l’autre. Aussi, la dichotomie qui persiste à ce sujet ne contribue qu’à alimenter la confusion. Collière a eu raison d’associer le traitement de la maladie aux soins de la personne. C’est ainsi qu’il faut maintenir que les soins (d’entretien de la vie et de réparation) forment la dimension de !’intervention par laquelle il est entre autres permis de donner forme au soin.

85 Ibid., p. 40.

86 II conviendrait peut-être, ici, pour plus de clarté, que la langue anglaise réserve à cette notion (les soins) le terme de « caring acts » ou de « caring interventions » afin d’éviter toute confusion avec celle, plus générale, du « care ». Quant à la notion de « caring » - utilisé à titre de nom - elle devrait, selon nous, être employée afin de désigner l’aspect « humanitaire et compatissant » du soin, comme le prévoit son usage. De cette façon, le caring pourrait faire référence à la dimension affective du soin.

Or, il convient maintenant de mentionner la question que posent pertinemment Morse et collaboratrices : « can caring be reduced to behavioral tasks? »87 En fait, on conçoit aisément, maintenant, qu’il serait réducteur de saisir la notion du soin uniquement sous l’angle d’une tâche à accomplir. La dimension de !’intervention n’est qu,une des facettes du soin comme le sont les notions d’obligation morale, de sentiment d’affection et de relation.

Dans le document Philosophie du soin palliatif (Page 171-174)