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Interpr´etation des r´esultats dynamiques

Dans un premier temps, nous avons mesur´e grossi`erement l’activit´e du r´eseau, en ´etudiant la r´epartition en bandes de fr´equences au niveau des PA (section 11.2.1). Nous avons vu que le r´eseau maintenait une activit´e relativement h´et´erog`ene, de puissance identique dans chaque bande de fr´equences. Lors de l’injection du stimulus, le nombre de PA dans les hautes fr´equences augmente brusquement, puis se stabilise `a une valeur ´elev´ee, tandis que le nombre des PA des fr´equences interm´ediares diminue.

Nous avons ensuite ´etudi´e le comportement dynamique de chacun des groupes (voir section 11.2). L’activit´e de chaque groupe est mesur´ee par un signal continu `a partir de l’activit´e de l’ensemble des neurones du groupe. Nous avons pu visualiser trois compor-tements diff´erents : le premier correspond `a une suppression totale d’activit´e. Le second et le troisi`eme correspondent `a l’´emergence d’une bande de hautes fr´equences, accom-pagn´ee d’une suppression de l’activit´e dans les basses fr´equences. La diff´erence entre ces deux comportements correspond `a la pr´esence, ou non, d’un potentiel ´evoqu´e, qui pr´ec´ede l’´emergence de la bande de hautes fr´equences.

La pr´esence du potentiel ´evoqu´e r´esulte de la phase d’adaptation `a la perturbation produite par la pr´esentation du stimulus, dont on voit un exemple sur le diagramme 11.14. Cette phase de relaxation de l’activit´e du r´eseau correspond `a une modification impor-tante des connexions, sous l’effet de la plasticit´e synaptique. Ceci a pour effet de r´eguler cette nouvelle activit´e, diff´erente de l’activit´e de fond. Le comportement des groupes de neurones r´esulte de la s´egr´egation en deux classes : des neurones qui voient leur activit´e fortement augmenter, et d’autres qui voient leur activit´e fortement diminuer. Nous avons fait l’hypoth`ese que les neurones dont l’activit´e augmentait constituaient une assembl´ee temporelle.

Pour v´erifier cette hypoth`ese, nous avons cherch´e `a mesurer les corr´elations entre les PA ´emis par les neurones des diff´erents groupes (section 11.3). Nous avons utilis´e les CC, afin de visualiser les interactions au sein du r´eseau. Les r´esultats ont montr´e que les corr´elations entre les neurones pouvaient les distinguer en trois classes. D’une part, les neurones qui constituent l’assembl´ee temporelle ´emettent des PA avec un rythme plus important. D’autre part, les neurones qui sont rejet´es de l’assembl´ee voient aussi leur comportement dynamique varier, et ne peuvent plus maintenir leur activit´e comme en l’absence de stimuli. Les neurones qui sont directement connect´es `a des neurones qui font partie de l’assembl´ee temporelle subissent le rythme des neurones de l’assembl´ee (ce qui explique que la p´eriode des CC d´ecorr´el´es soit pratiquement identique `a celle des CC corr´el´es). Mais ils en sont exclus car ils n’arrivent pas `a suivre ce rythme, soit parce qu’ils re¸coivent trop peu de PA dont les ´emissions sont corr´el´ees, soit parce qu’ils re¸coivent un surplus d’inhibitions. Enfin, une grosse majorit´e de neurones (que l’on peut estimer `a 3/5 = 0, 6 = 60%), ne modifient pas leur comportement, ou tout au moins pas suffisamment pour apparaˆıtre dans une des deux zones d’int´erˆet. Les activit´es de ces neurones sont ´egalement perturb´ees par la pr´esence du stimulus. Ceux-ci maintiennent simplement, avec le reste du r´eseau, une corr´elation identique ´a celle de l’activit´e de fond.

Ce mode de fonctionnement apparaˆıt sur le diagramme 11.2, par une pr´esence non nulle des PA `a fr´equences interm´ediaires. En revanche, il n’apparaˆıt pas sur les diagrammes temps-fr´equence de la section 11.2. Ceci peut s’expliquer par le fait que les diagrammes sont corrig´es par la ligne de base : comme ce comportement correspond `a l’activit´e de fond, ces neurones ont une activit´e fr´equentielle qui est supprim´ee par la soustraction avec la r´epartition fr´equentielle de la ligne de base.

Enfin, nous avons cherch´e `a voir comment cette assembl´ee temporelle ´etait modifi´ee par la nature du stimulus, c.`a.d ce qui diff´erenciait les assembl´ees temporelles correspon-dant `a deux stimuli diff´erents (section 11.4). Sur un exemple, nous avons pu montrer qu’au niveau microscopique, c’´etait surtout les instants d’´emission des PA qui diff´erenciaient les activit´es induites par les stimuli, aussi bien au niveau des neurones appartenant `a l’assembl´ee, qu’`a celui des neurones qui restent en dehors. Ainsi, l’ensemble du r´eseau est perturb´e, et cette perturbation est sp´ecifique au stimulus.

Chapitre 12

Discussion

L’objectif de cette th`ese ´etait de prouver qu’en partant des briques de base consid´er´ees comme n´ecessaires (algorithme ´evolutionniste, neurone d´etecteur de synchronie, synapse dynamique dont la plasticit´e d´epend du temps d’´emission des potentiels d’actions), il ´etait possible de laisser ´emerger un syst`eme fonctionnant grˆace `a une synchronisation neuronale fonctionnellement pertinente pour l’individu vis-`a-vis de son environnement.

Notre d´emarche de mod´elisation se calque sur une d´emarche classique en neuros-ciences, lorsque les exp´erimentalistes r´ealisent des enregistrements ´electrophysiologiques sur des animaux : ils savent qu’au niveau comportemental les individus sont adapt´es `a leur environnement, et cherchent `a comprendre a posteriori quelles sont les caract´eristiques de la topologie (anatomie) et de la dynamique (enregistrements en ´electrophysiologie et en neuro-imagerie) des cerveaux ´etudi´es qui justifient cette adaptation.

L’avantage de la mod´elisation est que l’on dispose ici de toutes les donn´ees compo-sant le syst`eme, aussi bien au niveau topologique qu’au niveau des dynamiques d’acti-vation. On peut alors ´etudier les conditions d’´emergence `a travers des mesures et des repr´esentations globales, c.`a.d. prenant en compte l’ensemble du syst`eme, et pas seule-ment `a partir d’informations fragseule-mentaires, comme c’est le cas en neurosciences.

D’autre part, le recours `a l’´evolution artificielle pour faire ´emerger des propri´et´es per-met de comparer les r´esultats obtenus aux propri´et´es des individus “non-´evolu´es”. L’uti-lisation d’une telle hypoth`ese nulle, au sens statistique, n’est pas possible en biologie, car l’´evolution ne part pas de rien, mais d’esp`eces ou d’individus d´ej`a adapt´es `a un autre en-vironnement. Cette approche comporte ´egalement des inconv´enients : comme les ´etudes a posteriori, ici conduites au niveau de l’apprentissage, de la dynamique et de la topologie, ne sont pas contraintes pour reproduire des propri´et´es biologiques, les r´esultats peuvent ˆetre en accord, ou non, avec les donn´ees observ´ees par les exp´erimentalistes. Lorsque les r´esultats concordent, on peut en d´eduire que les ingr´edients introduits sont suffisants pour mod´eliser et expliquer le ph´enom`ene observ´e en neurosciences. En revanche, lorsque les r´esultats sont en d´esaccord avec les donn´ees biologiques, il est difficile de tirer des

conclusions : est-ce dˆu au fait que le mod`ele est trop simple, est-ce dˆu `a la simplicit´e de

l’environnement par rapport `a un environnement r´eel, est-ce dˆu `a un temps d’´evolution

Les r´esultats des chapitres 9, 10 et 11, ont permis de d´eterminer comment fonction-naient les r´eseaux ´evolu´es, et comment l’´evolution influait sur les diff´erentes propri´et´es : comportement, apprentissage, topologie et dynamique. Le but de ce chapitre est de dis-cuter la nature de ces r´esultats : d’une part de les mettre en rapport avec les donn´ees existantes en neurosciences, d’autre part de proposer des hypoth`eses plus g´en´erales sur le fonctionnement du liage temporel, et enfin de montrer les avantages de concevoir des syst`emes artificiels en suivant une approche a posteriori.