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Injection d’un stimulus

12.4 Dynamique

12.4.3 Injection d’un stimulus

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Emergence de la bande de fr´equences γ induite

Au niveau global, il est clairement apparu une diff´erence de comportement entre l’´etat au repos et la dynamique induite par la pr´esentation d’un stimulus (figure 11.2, `a droite). La pr´esentation du stimulus provoque d’une part une augmentation de puissance dans la bande la plus haute, et d’autre part une diminution de puissance dans la bande interm´ediaire. Ceci correspond `a des ph´enom`enes observ´es en neurosciences : l’augmen-tation de la puissance de la bande de fr´equences γ est, la plupart du temps, corr´el´ee `a une diminution de la puissance dans les bandes de fr´equences plus basses (par exemple, Lachaux et al. (2005) chez l’homme, ou Schoffelen et al. (2005) chez l’animal).

On constate ´egalement ce ph´enom`ene dans les diagrammes temps-fr´equence r´ealis´es sur les groupes de neurones. Le diagramme temps-fr´equence de la figure 11.5, `a droite, ressemble aux oscillations γ qui sont pr´esentes dans des zones c´er´ebrales de bas niveau,

comme le cortex visuel primaire, chez le singe (Rols et al., 2001), o`u la dur´ee de pr´esence

de la bande γ correspond `a la dur´ee du stimulus. D’autre part, la figure 11.5, au centre,

correspond aux activit´es enregistr´ees dans des aires c´er´ebrales de plus haut niveau, o`u l’on

voit d’abord apparaˆıtre une bande de fr´equences interm´ediaires, qui dure peu de temps (classiquement assimil´ee `a la contribution d’un potentiel ´evoqu´e), puis une bande de plus hautes fr´equences, qui dure plus longtemps (voir par exemple Siegel et K¨onig (2003)).

Lors de la pr´esentation d’un stimulus, les CC pr´esentent une distribution bimodale pour la variable amplitude, pour des ajustements avec une sinuso¨ıde (figure 11.9) ou pour la variable ´ecart-type de l’enveloppe gaussienne, pour des ajustements avec une ondelette (figure 11.12). De la phase de repos `a la phase de stimulation, l’augmentation de la probabilit´e d’obtenir des valeurs extrˆemes pour ces variables est accompagn´ee par une diminution de la probabilit´e d’obtenir des valeurs interm´ediaires (figures 11.9 et 11.12). Ceci indique que les CC pr´esentant des valeurs interm´ediaires en phase de repos modifient leur forme pour atteindre une valeur extrˆeme de A ou σ (plus haute ou plus basse) lors de la phase de stimulation. Ainsi, une proportion significative des CC atteignent en phase de stimulation deux ´etats qui ne sont jamais atteints par des CC en phase de repos. La modification du comportement dynamique du r´eseau, lors de la pr´esentation d’un stimulus, correspond `a une s´egr´egation entre des paires de groupes de neurones qui se

synchronisent (rectangles pointill´es sur toutes les figures de 11.8 `a 11.13) et d’autres paires de groupes qui se d´esynchronisent (rectangles en traits pleins). De tels r´esultats ont d´ej`a ´et´e observ´es au niveau exp´erimental sur une petite partie du cortex visuel (Grinvald et al., 2003).

Nous interpr´etons cette modification de l’activit´e au niveau des groupes de neurones par la formation d’une assembl´ee temporelle. Celle-ci est compos´ee de l’ensemble des neu-rones des groupes impliqu´es dans les CC dont la valeur de l’amplitude ou de l’´ecart-type augmente. Nous avons vu sur la figure 11.11, rectangles en traits pointill´es, que les CC correspondant `a cette cat´egorie avaient tous une p´eriode identique (de l’ordre de 20ms). Cette p´eriode caract´erise le rythme impos´e `a tous les neurones de l’assembl´ee. De plus, elle est directement reli´ee aux valeurs des p´eriodes r´efractaires absolue et relative (cha-cune 10ms, voir section 8.1).

Lors de la pr´esentation d’un stimulus, nous avons r´eussi `a montrer l’´emergence d’os-cillations de hautes fr´equences, dont on a vu qu’elles n’´etaient jamais pr´esentes dans le syst`eme en l’absence de stimulus. Cette oscillation est pr´esente et perdure tout au long de la pr´esentation du stimulus. Cependant, nous n’avons pas r´eussi `a mettre en ´evidence dans le syst`eme une autre forme d’oscillations, observ´ees exp´erimentalement en MEG et en EGG : les oscillations transitoires, visibles apr`es l’apparition du stimulus, et qui durent un temps limit´e, quelle que soit la dur´ee de pr´esentation du stimulus. Ces oscillations se-raient responsables, `a un niveau plus ´elev´e, du traitement de la forme, dans sa globalit´e (par exemple, dans Tallon-Baudry et al. (1997a) ou Keil et al. (1999)).

Une des raisons de l’absence de ces oscillations transitoires peut ˆetre l’absence de “fatigue” dans les mod`eles de neurone et de synapse choisis. En effet, des formes de plasticit´e synaptique telle que la d´epression `a court terme (STD, pour Short Term De-pression) prennent en compte le fait que les ressources synaptiques sont “´epuisables” en cas de forte sollicitation de la synapse (Markram et al., 1998; Chung et al., 2002). Nous avons fait le choix de la STDP comme mod`ele de plasticit´e, car cela permettait a priori de mod´eliser `a la fois les effets facilitateurs et d´epresseurs qui dirigent la plasticit´e synaptique (Senn et al., 2001). Cependant, il semble que la mod´elisation du m´ecanisme d’interaction entre la quantit´e de neurotransmetteurs lib´er´ee et le nombre de canaux so-dium disponibles soit n´ecessaire pour rendre compte de cette fatigue synaptique. Cette

mod´elisation, demandant un coˆut de calcul beaucoup plus important, ne nous aurait pas

permis de faire des simulations avec autant de neurones que lors des exp´eriences r´ealis´ees ici.

D´esynchronisation

Sur la figure 11.2.2 `a gauche, on constate que la bande de hautes fr´equences n’´emerge pas pour tous les groupes, ce qui correspond `a une activit´e dynamique s´elective `a la pr´esentation du stimulus, ainsi qu’`a une suppression de l’activit´e dans certains groupes. Cette diminutiom d’activit´e est `a l’origine du ph´enom`ene de d´esynchronisation.

Cette d´esynchronisation est mise en ´evidence par la m´ethode de visualisation des CC (rectangles en traits pleins sur toutes les figures de 11.8 `a 11.13). Les neurones des groupes impliqu´es dans les CC dont la valeur de l’amplitude ou de l’´ecart-type diminue, sont des neurones dont l’activit´e est perturb´ee par l’assembl´ee temporelle : ils ne re¸coivent pas

suffisamment de PA corr´el´es en provenance des neurones de l’assembl´ee temporelle, et ne peuvent donc pas suivre le rythme impos´e par cette derni`ere. Une explication de cette d´esynchronisation sp´ecifique est qu’elle r´ehausse le contraste entre les neurones partici-pant `a un processus cognitif et les neurones n’y participartici-pant pas. Ce contraste permet une meilleure sp´ecialisation des neurones disposant de la propri´et´e de d´etection de synchronie (Gray, 1999) et leur regroupement au sein d’une assembl´ee temporelle.

Dans le mod`ele EvoSNN, le traitement r´ealis´e suit l’hypoth`ese du liage temporel par synchronie. Nous souhaitons insister sur le rˆole jou´e par la d´esynchronisation dans l’hy-poth`ese du liage temporel. Jusqu’`a pr´esent, la plupart des r´esultats exp´erimentaux ne s’int´eressaient qu’`a une synchronisation plus importante, impliqu´ee dans une tˆache cog-nitive, et consid`eraient le manque de synchronisation comme un r´esultat inint´eressant. Nous souhaitons attirer l’attention sur le fait que manque de synchronisation n’est pas synonyme de d´esynchronisation. La d´esynchronisation correspond `a une diminution de la synchronisation, par comparaison `a l’´etat de repos. La m´ethode que nous avons de-velopp´ee permet de prendre en compte `a la fois l’augmentation et la r´eduction de la synchronisation.

Nature temporelle des assembl´ees

Dans la section 11.4, nous avons ´etudi´e la modification d’activit´e induite entre des ins-tants d’´emission de PA par la pr´esentation au syst`eme de percepts diff´erents. Au niveau macroscopique, cette diff´erence n’apparaˆıt pas : la pr´esentation de percepts diff´erents in-duit des oscillations dans le syst`eme, mais il est impossible de discerner des diff´erences de nature parmi ces oscillations. En revanche, au niveau microscopique, en comparant les temps d’´emission de PA, il apparaˆıt clairement une diff´erenciation au cours du temps, correspondant `a la s´eparation des repr´esentations au sein du syst`eme. Ce sont les mˆemes groupes de neurones qui r´epondent aux diff´erents percepts, mais avec des d´ecours tempo-rels d’activit´e diff´erents. Le support de la m´emorisation, au sens de la conception d’origine de Hebb (1949), serait donc de nature temporelle et non spatiale.

Le fait que cette diff´erenciation ne soit d´ecelable qu’au niveau microscopique explique la difficult´e `a mettre en ´evidence, dans les protocoles exp´erimentaux, la cat´egorisation de diff´erents stimuli de mˆeme nature, pour un processus cognitif donn´e. En effet, puisque les mˆemes zones c´er´ebrales r´epondent pour deux stimuli diff´erents, il est impossible de mettre en ´evidence des activit´es diff´erentes, avec la r´esolution actuelle des techniques de neuro-imagerie. Certains r´esultats obtenus chez l’animal, par enregistrements de PA, vont dans le mˆeme sens : les repr´esentations de diff´erents stimuli se diff´erencient avant tout par leur nature temporelle (voir par exemple Wehr et Laurent (1996) ou Friedrich et al. (2004) pour la discrimination d’odeur).

Nous souhaitons insister sur le rˆole jou´e par la plasticit´e synaptique dans cette diff´erenciation des stimuli. Le parti pris initial du mod`ele, consistant `a utiliser le codage par projection, empˆeche toute forme d’encodage g´en´etique permettant la diff´erentiation de deux stimuli, s’ils sont pr´esent´es “au mˆeme endroit” par rapport `a la position de l’individu (c.`a.d. s’ils impliquent les mˆemes groupes d’entr´ee). En effet, comme seules les projections sont cod´ees sur les chromosomes, la diff´erenciation ne peut se faire qu’en utilisant les d´elais

al´eatoires et en modifiant les poids par STDP. C’est d’ailleurs p´ecisement ce qui apparaˆıt sur la figure 11.14 : apr`es une activit´e initiale similaire, le m´ecanisme de STDP va d’une part r´eguler assez rapidement le surplus d’activit´e induit initialement (figure 11.14, en bas `a gauche), puis va ensuite faire jouer des diff´erences plus fines pour construire un motif temporel de PA diff´erent selon les deux stimuli. C’est donc la STDP, et non l’´evolution, qui rend possible la discrimination entre les stimuli.

Une des critiques qui pourrait ˆetre adress´ee au mod`ele est qu’il ne tient pas compte de la notion de champs r´ecepteurs des neurones. Dans le cadre de l’hypoth`ese avanc´ee ici, cette critique n’est pas valide. En effet, mˆeme si la notion de topie (r´etinotopie, tonotopie, somatotopie) est d´emontr´ee en neurosciences, cette topie r´esulte non pas de la g´en´etique, mais de l’exp´erience (voir notamment les travaux de Hubel et Wiesel (1962)). D`es lors, le m´ecanisme de STDP permet de rendre compte de la s´electivit´e des neurones au cours de la vie de l’individu. De mˆeme, la critique vis-`a-vis du champ visuel r´eduit que nous avons mod´elis´e n’est pas non plus justifi´ee. Si, dans le monde r´eel, on peut imaginer qu’une discrimination entre les animaux puisse tenir compte de leur taille, il est n´eanmoins possible de discriminer des animaux de tailles comparables sans qu’un m´ecanisme particulier ne soit mis en œuvre.