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Chapitre 2 Cadre conceptuel : définition des principales notions sous-tendant l’étude

2.2. L’interprétation

Afin de mieux définir la notion d’interprétation telle que nous l’utiliserons dans notre étude, il nous paraît important de dissiper la « confusion terminologique », pour emprunter l’expression d’Abi (2010 : 48), qui semble exister entre les deux notions jumelles d’interprétation et d’interprétariat. La question qui se pose donc est : l’interprétation et l’interprétariat, est-ce la même chose? Cette même question est posée par Seleskovitch (1985 : 20) dans son article intitulé « Interprétation ou interprétariat? » :

[…] l’interprétation de conférence est néanmoins reconnue depuis plusieurs dizaines d’années comme un véritable métier, indispensable à la vie internationale. Son appellation l’est moins. Faut-il réellement dire interprétation ? Certains s’obstinent à parler d’interprétariat. Apparemment de pure forme, la différence est fondamentale, car derrière le choix du mot se profilent des attitudes fort différentes.

Ainsi, bien que certaines personnes utilisent de manière interchangeable ces deux termes (interprétation et interprétariat), c’est-à-dire comme si les deux signifient la même chose, il est fort intéressant de découvrir que leurs acceptions peuvent différer. Seleskovitch poursuit son argumentaire au sujet de cette polémique en disant que rien ne justifie étymologiquement l’emploi du terme « interprétariat ». Pour elle, ceux qui préfèrent utiliser le terme se basent sur la formation d’autres termes tels que « notaire » qui donne « notariat » ou « secrétaire » qui donne « secrétariat ». Mais, elle s’oppose à ce point de vue. Elle se penche davantage en faveur du terme « interprétation » :

La querelle des mots qui oppose les tenants d’interprétariat aux interprètes mérite qu’on s’y attarde un instant; en effet, les conceptions qui motivent ces termes sont diamétralement opposées […] Ramenée à sa plus simple expression, la conception qui est à l’origine d’interprétariat est que pour traduire il suffit de connaître les deux langues où l’interprétation est aussi absente que végétation sur la lune. (1985 : 19)

C’est certainement la conviction exprimée ci-dessus qui a amené Seleskovitch à tirer la conclusion que, « accepter interprétation, c’est poser correctement le phénomène de la traduction, c’est donner des fondements solides à son exercice, à son enseignement et à sa théorie ». (1985 : 24)

La confusion terminologique ainsi clarifiée, nous allons définir l’interprétation comme l’art qui consiste à rendre le message d’un texte oral ou d’un discours d’une langue à une autre langue sans

changer le sens. Autrement dit, c’est une traduction orale, mais le terme professionnel adopté pour la nommer est l’interprétation. Il existe différents types d’interprétation dont nous allons maintenant traiter.

2.2.1 Interprétation simultanée

Comme son nom l’indique, l’interprétation simultanée se déroule simultanément, c’est-à-dire l’interprète parle au fur et à mesure que le discours est prononcé par l’orateur. C’est la forme d’interprétation de conférence la plus courante. L’interprète s’installe dans une cabine insonorisée d’où il peut normalement voir l’orateur et dans la mesure du possible, l’auditoire. En interprétation simultanée, les interprètes travaillent d’habitude en équipe d’au moins deux interprètes par paire de langues, ce qui leur permet de se relayer à des intervalles d’environ 20 à 30 minutes. Ce travail « en alternance » est destiné à permettre aux deux coéquipiers de marquer des pauses, reprendre leur souffle, voire « décompresser » après une période de concentration intense, car nul ne nie la nature fatigante de l’interprétation et de la gymnastique intellectuelle qu’elle implique (Cross, 2009 : 6).

Pour être efficacement effectuée, l’interprétation simultanée exige l’utilisation des équipements : la cabine insonorisée, la console, le casque, le microphone, les écouteurs (pour l’auditoire). L’orateur parle dans son micro, l’interprète l’entend par son casque et il parle aux auditeurs par son microphone, les auditeurs l’entendent par leurs écouteurs. Tout cela se passe simultanément ou en temps réel. Il y a normalement un décalage de quelques secondes seulement entre l’orateur et l’interprète. L’interprétation simultanée demande une écoute active et de l’hyper-concentration de la part de l’interprète.

Toutefois, il y a lieu de mentionner qu’il existe aussi une forme d’interprétation simultanée avec « bidule »12. Le « bidule » est un équipement mobile permettant de travailler en simultanée sans

installer de cabine. Le matériel est maniable et permet à l’interprète de se déplacer. Il convient parfaitement par exemple pour les visites d’usine. Le seul inconvénient du « bidule » est que l’interprète se trouve dans la même place que l’orateur et ses auditeurs, et il parle en même temps que l’intervenant. Cela peut gêner ceux qui n’ont pas besoin d’interprétation dans la salle. Ainsi,

le bidule est donc recommandé pour des visites, des missions en mouvement ou de courtes réunions.

2.2.2 Interprétation consécutive

L’interprétation consécutive est complètement différente de l’interprétation simultanée. D’abord, il n’y a pas trop d’exigences techniques, car l’interprète se limite à prendre de notes, écouter et parler. Ce type d’interprétation s’emploie essentiellement dans le cas d’auditions de tribunal, de réunions commerciales, de visites de délégations étrangères, de consultations de médecins ou hospitalières, etc. (Cross, 2009 : 6). La prise de note est une caractéristique non négligeable de l’interprétation consécutive. Dans ce scénario, l’orateur parle pendant quelques minutes (15 minutes au maximum, idéalement) alors que l’interprète prend des notes en ne retenant que les informations très importantes du discours. Après que l’orateur a terminé une partie de son discours, l’interprète se met devant l’auditoire pour restituer dans une autre langue ce que vient de dire l’orateur. Le même processus se répète jusqu’à ce qu’à la fin du discours. Il faut retenir que l’interprétation consécutive semble être plus difficile que la simultanée en ce sens que l’interprète doit tout faire pour ne laisser de côté aucun élément essentiel du discours de l’orateur, grâce à sa prise de notes, qui lui sert d’aide-mémoire au moment de la restitution du message. Un autre inconvénient de l’interprétation consécutive est qu’elle requiert un peu plus de temps. En effet, en consécutive, l’interprète va restituer le message en utilisant, à son tour, au moins 50 % du temps passé par l’orateur, ce qui augmente donc le temps de la présentation. De plus, l’interprétation consécutive s’est révélée être plus fatigante que la simultanée. Selon l’AIIC (2005) : « This technique is strenuous and tiring for listeners and it is only appropriate for short meetings involving a very small number of languages ».

2.2.3 Chuchotage (Whispering)

Considéré comme une variation de l’interprétation simultanée ou une simultanée sans cabine (Gile, 1995b : 12), le chuchotage est le type d’interprétation utilisé lorsqu’on s’adresse à une ou deux personnes qui ne comprennent pas la langue de communication au cours d’une rencontre. Il est souvent utilisé en petit groupe par exemple, pour les réunions de travail et il ne nécessite pas l’utilisation d’équipements; c’est en cela qu’il diffère de l’interprétation simultanée. L’interprète se met directement à côté de la personne ou des personnes ayant besoin de son service dans le

groupe, et il leur parle à voix basse en restituant dans la langue d’arrivée ce que dit le locuteur. L’inconvénient du chuchotage comme mode d’interprétation consiste dans le fait que cela risque de gêner ou distraire les autres membres du groupe n’ayant pas besoin d’interprétation.

2.2.4 Interprétation communautaire

L’interprétation communautaire est le type d’interprétation utilisé pour faciliter la communication entre le personnel et la population dans le cadre de services communautaires ou d’activités se déroulant devant les tribunaux, dans des commissariats de police, auprès de services d’immigration, à la douane, dans les hôpitaux, les institutions religieuses, etc.

Wadensjö (2001 : 33) définit l’interprétation communautaire comme suit :

Community interpreting refers to the type of interpreting which takes place in the public sphere to facilitate communication between officials and lay people: at police departments, immigration departments, social welfare centres, medical and mental health offices, schools and similar institutions. It is sometimes referred to as dialogue interpreting or public service interpreting.

L’interprétation communautaire aide les gens n’ayant pas suffisamment de connaissance des langues majoritaires de la communauté où ils se trouvent à avoir accès aux services publics (Wadensjö, 2001 : 37). Un trait important de l’interprétation communautaire est qu’elle implique, le plus souvent le recours à des dialectes ou à des langues locales, car l’interaction ou la communication se fait au niveau de la communauté locale. Aussi, elle est souvent pratiquée par des bénévoles ou des personnes qui ne sont pas professionnellement formés pour le faire. Voilà pourquoi Klimkiewicz (2005 : 210) rapporte que l’interprétation communautaire reste encore une profession non réglementée et peu reconnue.