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Chapitre 3 Revue de la littérature : de la traductologie à la formation des traducteurs et

3.4. Formation des traducteurs et interprètes dans le monde : historique et développement

3.4.3 Expérience africaine

Si l’on prenait en considération le paysage linguistique du continent africain et les besoins d’interaction, de communication, voire d’intégration et de coopération qu’exige le processus de mondialisation en cours, on reconnaîtrait bel et bien la place importante que devraient occuper la traduction et l’interprétation, et par conséquent la raison pour laquelle il faut former les traducteurs et interprètes professionnels sur le continent et pour les besoins de l’Afrique. Rappelons que l’Afrique, c’est un ensemble d’à peu près 2 000 langues vivantes parlées dans 54 États souverains. Toutefois, il convient de retenir que selon l’article 25 du protocole de l’Acte constitutif de l’Union africaine (UA), les langues officielles de l’UA sont l’anglais, l’arabe, le français et le portugais25.

Évidemment, cela demande déjà un volume énorme de services en traduction et en interprétation. Cependant, il faut reconnaître que dans les années qui ont suivi les indépendances, les pays africains n’ont pas manifesté beaucoup d’intérêt en faveur de la formation des traducteurs et interprètes puisque les fonctionnaires qui maîtrisaient un peu les langues héritées des colonisateurs faisaient quand même le travail de traducteur et d’interprète, au besoin. Mais, avec l’augmentation du volume de travail à accomplir et particulièrement dans le souci d’offrir un service de traduction et interprétation de qualité, les gouvernements africains ont commencé à montrer de l’intérêt vis- à-vis de la formation professionnelle des traducteurs et interprètes. Pour ce faire, pendant plus de deux décennies après l’indépendance, beaucoup de licenciés africains ont été financés par le gouvernement de leur pays afin de se former dans les écoles de traduction et interprétation en Europe et en Amérique du Nord (Bandia, 2001 : 301).

En se référant particulièrement à la situation de la formation des traducteurs et interprètes en Afrique de l’Ouest dans les années 1980 et 1990, Simpson fait le constat suivant :

Strictly speaking, apart from Ghana, there are no facilities for training translators and interpreters in West Africa, as far as the European official languages are concerned. The only trained translators and interpreters are the few successfully trained in France, Britain, Russia, Germany, Ghana, Arab-speaking countries and especially Canada. (Simpson, 2007 : 257)

Autrement dit, les tout premiers traducteurs et interprètes africains ont été formés à l’étranger, en raison de l’absence de structures ou de programmes de formation en traduction ou interprétation professionnelle en Afrique, une situation qui n’a commencé à changer que tout récemment. Aujourd’hui, l’Afrique peut compter un nombre relativement limité d’institutions ou de départements de formation des traducteurs et interprètes professionnels, dont la Advanced School of Translators and Interpreters (ASTI), rattachée à l’Université de Buea, au Cameroun. En effet, le Cameroun est l’un des pays africains qui, dans les années 1980, a reconnu le besoin de mettre en place le programme de formation des traducteurs et interprètes professionnels dans le pays, au lieu de les envoyer en formation à l’étranger. En fait, le Cameroun est le seul pays africain officiellement bilingue (anglais-français), d’où son grand besoin en traduction et en interprétation, situation qui ressemble à celle du Canada.

En Afrique du Sud, les changements politiques ont grandement joué en faveur de la formation des traducteurs et interprètes, car la constitution de l’ANC (African National Congress) a reconnu onze langues officielles pour le pays, et il a été donc recommandé que les programmes de formation en traduction visent la promotion du multilinguisme et l’élimination des préjugés linguistiques et l’inégalité sociale qui avaient ravagé le pays pendant longtemps. (Bandia, 2001 : 302) Aujourd’hui, il existe dans le pays des universités offrant des programmes de premier, deuxième ou troisième cycle en traduction ou interprétation professionnelles, dont la University of Witwatersrand à Johannesburg.

Parallèlement, au Ghana, certaines universités offrent des programmes de premier cycle (BA) en traduction tandis que la University of Ghana offre un programme de maîtrise en traduction et en un autre en interprétation de conférence. À part les quelques cas ci-dessus mentionnés, il faut retenir qu’en réalité, la formation des traducteurs et interprètes professionnels en Afrique n’a pas connu la même progression qu’en Europe et au Canada.

Malgré cela, un développement récent mérite d’être souligné en ce qui concerne l’évolution de la formation des traducteurs et interprètes sur le continent africain. Il s’agit du projet de master panafricain en interprétation de conférence et traduction appelé PAMCIT (Pan-African Masters

Consortium in Interpretation and Translation). Comme l’indique le site web relatif à ce programme, c’est en réfléchissant à la rareté des structures de formation et au manque de professionnels en traduction et en interprétation malgré la demande croissante de ces services, que les chefs des services linguistiques des différentes organisations internationales situées sur le continent, ont pris l’initiative de lancer le « Projet africain », projet qui à son tour, a donné naissance au projet PAMCIT.

De toute évidence, le projet PAMCIT s’inspire de la même vision que celle des réseaux EMT et EMCI en Europe et d’ailleurs, il bénéficie largement du soutien de la Direction générale d’interprétation (DG-I) de la Commission européenne. En effet, La DG-I fait partie des membres institutionnels du projet PAMCIT et lui apporte du soutien technique de temps en temps. Les cinq universités qui font partie du projet PAMCIT actuellement sont les suivantes :

1. University of Nairobi, Kenya

2. Universidade Pedagógica de Moçambique, Mozambique

3. Advanced School of Translators and Interpreters (ASTI), Buea, Cameroun 4. University of Ghana

5. Université Gaston Berger, St. Louis, Sénégal.

Selon les informations, l’Université d’Ain shams - Al Alsun du Caire est actuellement en pourparlers pour rejoindre le PAMCIT. Les universités participantes ont signé un protocole d’accord et s’engagent à suivre le même curriculum et à aligner leurs méthodes de sélection, d’enseignement et de validation des formations. Leur structure en réseau de centres d’excellence, implantés dans les différentes zones linguistiques du continent, permet la mobilité des étudiants et des formateurs à l’intérieur d’un véritable réseau panafricain.26