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Chapitre 3 Revue de la littérature : de la traductologie à la formation des traducteurs et

3.4. Formation des traducteurs et interprètes dans le monde : historique et développement

3.4.1 Expérience européenne

Il va sans dire que les besoins en services de traduction et interprétation, et par conséquent en formation des traducteurs et interprètes se sont fait sentir beaucoup plus en Europe qu’ailleurs dans le monde. Ce développement peut être attribué au fait que l’Union européenne compte présentement 28 États membres et 24 langues officielles : l’allemand, l’anglais, le bulgare, le croate, le danois, l’espagnol, l’estonien, le finnois, le français, le grec, le hongrois, l’irlandais,

l’italien, le letton, le lituanien, le maltais, le néerlandais, le polonais, le portugais, le roumain, le slovaque, le slovène, le suédois et le tchèque. La nature multilingue de l’Europe et la nécessité de se comprendre par l’entremise de la traduction sont de forts incitatifs à la création de programmes de formation en traduction et en interprétation. C’est aussi le constat de Pym (2002) qui remarque que l’Europe de l’Ouest a développé des programmes de formation des traducteurs comme une des réponses à l’unification européenne, c’est-à-dire, comme un des facteurs pour unir les pays européens au profil linguistique varié. « Indeed, while western Europe may have developed translator training in a series of responses to European unification, the non-European scene gives a somewhat smoother response to economic globalisation ». (Pym, 2002 : 2) Il est sous-entendu que les traducteurs bien formés auront un grand rôle à jouer en facilitant la communication interlinguistique au sein de la communauté européenne de nature multilingue.

S’agissant de la naissance et l’évolution de la formation des traducteurs et interprètes en Europe, Caminade résume l’historique, dans son article « Les formations en traduction et interprétation : perspective en Europe de l’Ouest » :

Les formations en traduction et interprétation se sont développées en Europe de l’Ouest à partir des années 40-50 dans le cadre d’écoles supérieures ou d’instituts privés. Ces écoles ou instituts ont été ensuite progressivement intégrés au domaine universitaire […] Si les formations étaient relativement peu nombreuses au départ, elles ont progressé de façon constante, mais assez lente jusqu’au début des années 80. On observe ensuite, à partir des années 83-85, une évolution beaucoup plus rapide : entre les années 85 et 90, plus d’une vingtaine de formations ont vu le jour. (2005 : 249)

De son côté et en allant dans le même sens que Caminade, Kelly (2005) nous donne une vue rétrospective des premières écoles ou instituts de formation des traducteurs et interprètes en Europe :

[…] the oldest of the institutions devoted to generalist translator (and/or interpreter) training are the Moscow Linguistic University (ex-Maurice Thorez Institute, founded in 1930), the Ruprecht-Karls-Universität Heidelberg (1933), the Université de Genève (1941), and the Universität Wien (1943), with a second group appearing after the Second World War in the Universität Innsbrȕck (1945), the Larl-Franzens-Universtät Graz (1946), the Universtät Johannes Gutenberg Mainz (at Germersheim, 1947), or the Universität des Saarlandes (at Saarbrȕcken, 1948). Two French institutions (École Supérieure d’Interprètes et de Traducteurs and Institut Supérieur d’interprètes et de Traducteurs) followed in the fifties […] (Kelly, 2005 : 8)

Cependant, il convient de remarquer que la formation des traducteurs et interprètes dans le contexte européen a pris un nouvel élan, notamment à partir du XXe siècle. Généralement, il faut noter

qu’en Europe, contrairement à ce qui est le cas au Canada, la plupart des programmes de formation des traducteurs et interprètes sont offerts au niveau de la maîtrise et que les combinaisons

linguistiques ne sont pas limitées à deux langues (français-anglais). La pratique courante en Europe est d’offrir des programmes de traduction et d’interprétation comportant trois langues au moins. Il existe également des programmes de doctorat en traduction et en interprétation ou en traductologie dans plusieurs universités européennes.

Dans le but d’optimiser le processus et le contenu des programmes de formation en traduction professionnelle dans l’espace européen, la Direction générale de traduction de la Commission européenne, en partenariat avec les établissements d’enseignement supérieur a décidé de mettre en place le master européen en traduction (European Master’s in Translation - EMT). La visée ultime de cette initiative est de fournir des langagiers professionnels très qualifiés pour le marché européen. Selon les renseignements recueillis du site web de l’Union européenne :

Le principal objectif de l’EMT est d’améliorer la qualité de la formation des traducteurs et de faire en sorte que les traducteurs travaillant dans l’UE soient des professionnels hautement qualifiés. Le profil de compétences, établi par des experts européens, détaille les compétences que les traducteurs doivent posséder pour travailler sur le marché actuel. Un nombre croissant d’universités se servent de ce profil pour élaborer leurs programmes. L’objectif à long terme de l’EMT est de valoriser le métier de traducteur dans l’Union européenne.18

Par ailleurs, il faut comprendre que plusieurs facteurs expliquent la recherche de convergences entre les différents programmes de formation des traducteurs en Europe et le souci de voir à leur optimisation; l’un d’entre eux est le désir de renforcer la coopération entre les institutions et la mobilité des étudiants et des formateurs (GEMT, 2009). À ce jour, on compte 63 programmes inscrits au réseau EMT dans toute l’Europe.

De la même manière, la Direction générale d’interprétation de la Commission européenne en collaboration avec le Parlement européen contribue à l’harmonisation et à l’optimisation de la formation des interprètes qui seront appelés à travailler dans l’espace européen. À cet effet, il existe aujourd’hui, à l’instar de l’EMT, l’Européen Masters in Conference Interpreting (EMCI) avec quinze universités comme membres du consortium. L’objectif de l’EMCI, tel que décrit sur son site web est comme suit :

Within the framework of the European Union's drive towards the promotion of knowledge through wider access to specialist education and of the objective of improved employability through the acquisition of specialist competence, this programme is designed to equip young graduates with the professional skills and knowledge required for conference interpreting. It seeks to meet the demand for highly-qualified conference

interpreters, in the area of both widely and the less widely-used and less-taught languages and in view of the expansion of the Union and of the Union's increasing dialogue with its non-European partner.19

La recherche a été toujours un fil conducteur des activités de formation des traducteurs et interprètes en Europe. Une importante initiative mise en place en faveur de l’épanouissement de la formation des traducteurs dans le contexte européen est le fabuleux projet connu sous l’acronyme PACTE20. Mené par un groupe de recherche au Département de traduction et

d’interprétation de l’Universitat Autónoma de Barcelona, le projet PACTE est dirigé par la professeure Amparo Hurtado. Les domaines d’intérêt de recherche de ce groupe, qui existe depuis 1997 sont les suivants :

1. Empirical and experimental-based research on translation competence and its acquisition in written translation

2. Translator training

3. Empirical and experimental research in Translation Studies 4. The use of new technologies in translation research.21

Le groupe PACTE organise régulièrement des programmes de formation des traducteurs et publie les résultats de ses activités de recherche. Il organise également une conférence biannuelle spécialisée consacrée à la recherche en didactique de la traduction. Par l’entremise de ces activités de recherche et de publication, le groupe contribue largement à l’évolution et l’épanouissement de la formation des traducteurs non seulement en Europe, mais partout dans le monde.

Outre les recherches menées par le groupe PACTE, il importe de signaler d’autres initiatives comme la publication des ouvrages spécifiquement consacrés à la formation des traducteurs et interprètes. Parmi les nombreux chercheurs et auteurs reconnus pour leurs contributions à l’essor de la recherche en formation des traducteurs et interprètes dans le contexte européen, nous mentionnerons par exemple Baker, Caminade, Gambier, Gile, Gouadec, House, Kelly, Kiraly, Kussmaul, Lederer, Newmark, Nord, Pym, Reiss, Robinson, Seleskovitch, Snell-Hornby et Wills. En outre, les associations professionnelles et savantes comme la Société européenne de traductologie (European Society of Translation Studies - EST), la Conférence internationale des

19http://www.emcinterpreting.org/?q=node/11. Page consultée le 8/08/2018.

20 Procés d’Adquisició de la Competència Traductoria i Avaluació (Projet d’acquisition de la compétence en traduction

et d’évaluation).

universitaires de traducteurs et interprètes (CIUTI), la Fédération internationale de traducteurs (FIT), l’Association internationale des interprètes de conférence (AIIC), pour ne citer que celles- là, sont activement engagées à l’égard du développement de la formation en traduction et en interprétation dans l’espace européen en particulier et dans le monde en général. Par ailleurs, ces groupes sont d’importantes plateformes pour faciliter les échanges d’idées, le partage d’informations ainsi que la publication de revues et de livres intéressants portant sur la problématique de la formation des traducteurs et interprètes. En résumé, dans le contexte européen, la formation des traducteurs et interprètes s’est établie comme une branche importante de la traductologie appliquée.