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Cadre théorique

2. Jeu et apprentissage

2.4. Caractéristiques des jeux vidéo favorisant la motivation et l’apprentissage

2.4.2. Interactivité, feedbacks et contrôle

Tout jeu implique de l’interactivité. Jouer à un jeu signifie faire des choix au sein d’un système conçu pour accueillir des actions, et produire des résultats qui ont du sens au sein de l’environnement de jeu (Salen & Zimmerman, 2004). C’est à travers l’interaction du (ou des) joueur(s) avec le jeu que peut émerger une expérience significative. A chaque fois que le joueur fait un choix dans le jeu, le système va répondre d’une certaine manière. Les joueurs ne doivent pas avoir le sentiment que leurs décisions sont arbitraires ; celles-ci doivent faire sens au sein du système interne du jeu sous peine de démotiver les joueurs.

L’interactivité peut prendre différentes formes. Le genre de jeu et le type d’actions proposées vont déterminer les choix que peut faire le joueur. Par exemple, dans un jeu d’action, les décisions à prendre concerneront l’exploration, la navigation, les personnes à éviter tandis que dans un jeu de rôle les décisions seront en lien avec des missions et des quêtes (Dickey, 2005). Les actions possibles peuvent être dictées par les règles, mais il peut aussi arriver que dans certains jeux d’aventure, les actions à entreprendre pour avancer dans le jeu n’apparaissent pas clairement à chaque étape du jeu. Dans ce cas, c’est en principe à travers des indices, des objets ou éléments du jeu que les joueurs sont informés sur les actions possibles (affordances) et sont amenés à prendre des décisions en lien avec le jeu. Si une incertitude trop forte plane autour des actions à réaliser, le joueur risque de se décourager et de se détourner du jeu. Les actions à entreprendre par les joueurs sont également déterminées par des considérations tactiques (par exemple, l’allocation des ressources à un moment donné du jeu) et stratégiques (planification et anticipation des actions sur le plus long terme pour pouvoir gagner le jeu).

Les décisions prises par les joueurs vont avoir un impact sur les différents éléments qui composent le système du jeu et qui interagissent entre eux. Une simple action peut produire une nouvelle configuration d’actions possibles et va avoir une influence sur l’issue du jeu. La réaction du joueur aux réponses du système dépend entre autres de son attitude dans le jeu au moment où il entreprend

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17 son action, selon qu’il est dans une phase d’exploration, de développement, de vérification ou d’ajustement de ses hypothèses (Kirkley et al., 2007). Dans un jeu vidéo complexe, le joueur sera amené à analyser et synthétiser différentes sources d’informations, à planifier des stratégies, à résoudre des problèmes (Prensky, 2001b) qui vont fortement l’engager cognitivement dans le jeu.

A travers l’analyse des retours du système, le joueur va acquérir de nouvelles connaissances sur le fonctionnement du jeu ainsi que sur le contenu pédagogique s’il s’agit d’un jeu sérieux, qu’il pourra ensuite appliquer à des situations analogues.

La réponse du système aux actions des joueurs peut prendre la forme d’un feedback qui va renseigner le joueur sur la validité des ses actions et l’aider à évaluer ses progrès en relation avec le but à atteindre. Le feedback peut être d’ordre textuel, visuel ou oral (Rieber, 1996). Il se présente souvent sous la forme de conséquences qui découlent des actions des joueurs (Mory, 2004). Il est particulièrement important dans un jeu pédagogique pour assurer un apprentissage efficace (Cameron & Dwyer, 2005) ; il guide alors le processus d’apprentissage en indiquant aux apprenants dans quelle mesure leurs réponses sont correctes ou non, les aide, dans le cas d’un feedback élaboré, à comprendre la source de leurs erreurs et à prendre la bonne direction en fournissant différents indices (Gunter, Kenny, & Vick, 2008). Il peut être un élément important des explications éducatives et de l’apprentissage en général. Il est particulièrement efficace s’il est clair, constructif et encourageant. D’un point de vue motivationnel, le feedback peut donner aux joueurs-apprenants un sentiment de satisfaction et d’accomplissement et, selon la forme qu’il prend, encourager les apprenants à ne pas renoncer et à persévérer dans la recherche de la bonne réponse en fournissant un étayage adapté.

La relation entre le choix du joueur et la réponse du système définit le degré et la qualité de l’interaction (Salen & Zimmerman, 2004). Les bons jeux permettent aux joueurs d'avoir un certain contrôle sur les composantes du jeu, grâce aux choix que peut faire le joueur (Gunter et al., 2008).

Pour Malone et Lepper (1987) le contrôle qu'un individu a sur un environnement spécifique dépend, d'une part, du nombre d'options qui lui sont offertes et, d'autre part, de la probabilité que chacune de ces options dépend de ses réponses (principe de contingence). Une grande variété de choix au sein d'un ensemble d'alternatives augmente la motivation intrinsèque, de même qu'un environnement où les actions des apprenants ont des effets très variés et un impact décisif. Par exemple, plus un joueur peut manipuler un personnage dans le jeu et prendre des décisions qui auront un impact sur ce dernier, plus il sera motivé et s'investira dans son personnage et dans le jeu (Gee, 2003). De même, s’il peut personnaliser l’interface, sa motivation intrinsèque sera plus forte et il s’investira davantage dans le jeu et, s’il s’agit d’un jeu pédagogique, dans l’apprentissage qui lui est lié (Cordova & Lepper, 1996). Un jeu devrait donner le sentiment au joueur d’être libre même si en réalité les options à disposition sont relativement limitées. Ce sentiment découle notamment du juste équilibre entre le degré de contrôle que le contexte narratif du jeu impose et la liberté d’interaction du joueur ; dans des jeux caractérisés par une absence d’histoire, au sein desquels le joueur est libre de jouer comme il le souhaite, l’expérience de jeu peut devenir vite ennuyeuse si le joueur n’arrive pas à laisser libre cours à son imagination et que sa créativité ne débouche sur aucune réalisation valorisante ; à l’inverse, si l’intrigue impose trop de contrôle, le joueur devient passif et risque alors de se lasser (Swartout & van Lent, 2003).

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18 2.4.3. Niveau optimal de défi et progression dans le jeu

Les jeux vidéo de qualité présentent des niveaux de difficulté progressifs. Le défi (challenge) s'inscrit dans la conviction que les gens préfèrent un niveau optimal de défi (Csikszentmihalyi, 1990). Les jeux ne doivent être ni trop faciles ni trop difficiles ; ils devraient se trouver dans la zone proximale de développement des joueurs (Vygotsky, 1978). En proposant des défis légèrement au-dessus des compétences et connaissances des joueurs, les jeux vidéo parviennent à soutenir l’intérêt et le sentiment de compétence de ces derniers grâce aux performances réalisées et à maintenir leur volonté de continuer à fournir des efforts pour progresser dans le jeu. Cependant, les difficultés auxquelles sont confrontés les joueurs ne doivent jamais paraître insurmontables : le joueur doit avoir le sentiment qu’en s’entraînant ou en privilégiant d’autres approches, il lui est possible de surmonter les obstacles rencontrés et les échecs qu’il essuie. Cela signifie que les compétences des joueurs doivent être mises au défi sans que ceux-ci aient jamais le sentiment de ne pas pouvoir faire face à la situation (Garris, Ahlers, & Driskell, 2002; Gee, 2003). La réussite dans le jeu renforce le sentiment d’efficacité personnelle par rapport à ses capacités à relever les défis du jeu, sentiment qui est hautement corrélé avec l’intérêt pour les jeux et pour les environnements d’apprentissage en général (Graesser, Chipman, Frank, & Biedenbach, 2009).

Concevoir un jeu avec juste le bon niveau de défi pour l’ensemble des joueurs est extrêmement difficile. En général, les concepteurs de jeux vidéo résolvent le problème en proposant différents niveaux de difficulté auxquels on accède en fonction de ses performances dans le jeu, ou alors l’activité est structurée de telle sorte à ce que le joueur puisse lui-même accroître ou diminuer le degré de difficulté du jeu en ayant le choix, par exemple, entre différents types de défis (Kirriemuir

& McFarlane, 2004). Dans un jeu pédagogique comme Recycling (Bottino, Ferlino, Ott, & Tavella, 2007), l’enseignant peut choisir, en fonction du niveau de connaissances des apprenants, de faire travailler une des quatre opérations arithmétiques, ou les quatre à la fois, ou encore de définir la valeur des données.

Le niveau de difficulté augmente idéalement à un rythme adapté à chaque joueur au fur à mesure de l’avancement dans le jeu et de l’accroissement du niveau de compétence des joueurs. Pour qu'une activité ait le niveau de difficulté optimal, elle doit comporter des buts clairement fixés afin que le joueur puisse évaluer ses performances en lien avec le défi à relever, et l’issue du jeu doit rester incertaine. Dans le monde des jeux numériques, ce facteur d'incertitude est introduit et maintenu par la présence non seulement de niveaux de difficulté différents mais aussi par de multiples niveaux de buts, des informations cachées et le recours au hasard (Malone & Lepper, 1987). L’incertitude au niveau de l’issue du jeu crée du suspense et contribue à soutenir l’attention des joueurs (Vorderer, Wulff, & Friedrichsen, 1996; Zillman, 1996, cités dans Graesser et al., 2009).

La progression dans un jeu destiné à l’apprentissage doit trouver un bon équilibre entre des défis propres au jeu qui augmentent en difficulté et un contenu pédagogique qui croît également en complexité. Elle doit tout autant soutenir la motivation des joueurs qui acquièrent de nouvelles compétences en jouant, comme dans un jeu vidéo traditionnel, que la progression dans les apprentissages. L’augmentation de la difficulté sur le plan du contenu pédagogique peut passer par des problèmes plus difficiles à résoudre, un nombre d’éléments de réponses disponibles plus important, ou par la diminution de la tolérance du logiciel aux réponses inexactes voire imprécises

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19 (Marne, Huynh-kim-bang, & Labat, 2011). Elle a pour but de faire acquérir de nouvelles connaissances aux joueurs-apprenants en s’adaptant progressivement aux nouvelles compétences et connaissances acquises mais elle est aussi un moyen pour amener l’apprenant à construire des stratégies de plus en plus complexes (Bottino et al., 2007).

Différents éléments permettent aux apprenants de mesurer leur progression dans le jeu comme les scores et les points, les badges, les niveaux de jeu, les tableaux de bord. Ces éléments s’apparentent à une forme de récompense lorsque les joueurs parviennent à progresser dans le jeu et incitent en même temps les joueurs à rejouer pour améliorer le nombre de points obtenus ou pour arriver à avancer plus rapidement dans le jeu. Dans les jeux multi-joueurs, ils contribuent à l’interaction sociale et à la compétition, deux dimensions qui peuvent avoir un effet positif sur l’engagement et l’intérêt des joueurs pour l’activité de jeu (Yu, 2001). Dans un jeu pédagogique, les scores ou points gagnés doivent non seulement servir dans le cadre du jeu mais aussi, si c’est possible, être en lien avec le contenu pédagogique pour qu’ils aient du sens pour les apprenants et avoir ainsi une influence positive sur leur implication dans l’apprentissage visé par le jeu.