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Conception d’Algebra Mystery

8.6. Apprentissage du jeu (sérieux)

Les jeux vidéo complexes à succès intègrent souvent, sous une forme ou une autre, des explications portant sur leur fonctionnement. Plus rares, certains jeux choisissent délibérément d’imposer une démarche exploratoire ou intuitive (ex : Minecraft) où l’apprentissage du jeu se fait de manière collaborative ou en solo, ou encore à travers les forums d’une communauté de joueurs. Les bandes-annonces, la trame de l’histoire, les tutoriels concourent à aider le joueur à se familiariser avec le jeu, ses objectifs et ses règles de base (Becker, 2008). Les tutoriels sont parfois rendus obligatoires, notamment en début du jeu. Dans ce cas-là, ils sont en général courts et se centrent sur les éléments essentiels ; ils permettent aux joueurs d’entrer plus facilement dans le monde du jeu. Un premier niveau peut aussi faire office de tutoriel.

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105 En complément au tutoriel ou à la place de celui-ci, les jeux complexes fournissent souvent des explications au début d’un niveau, à différents moments de la session de jeu, juste avant que le joueur n’en ait besoin, ou encore en relation avec une action donnée. Une aide intégrée et contextualisée a pour avantage de permettre aux joueurs de se lancer directement dans le jeu et d’éviter au joueur de devoir retourner constamment au tutoriel, et donc d’interrompre le flow du jeu en cas d’hésitation quant aux différentes actions à mener.

Un système d’aide est développé avant tout pour faciliter l’atteinte des objectifs du jeu par les joueurs. Il doit être cependant conçu de sorte à ne pas trop réduire l’effort cognitif que doivent fournir les joueurs au risque de ne favoriser aucun apprentissage. Dans certains jeux d’action, les joueurs peuvent arriver au bout du jeu sans avoir véritablement développé de nouvelles compétences et connaissances. C’est le cas notamment lorsque l’environnement de jeu est conçu de manière à faciliter l’avancement du joueur en l’aidant à surmonter les différents obstacles grâce à des zones en surbrillance, des messages d’alerte ou des objets qui informent sur les actions à réaliser (ex : Left for Dead 4, LEGO Indiano Jones 2). Le comportement du joueur se réduit alors à chercher à découvrir des indices et à utiliser les objets en fonction de leurs propriétés et des possibilités d’interaction offerts par ces derniers (affordances) sans construire de nouvelles connaissances et représentations mentales pouvant être, dans un deuxième temps, transférable hors du jeu (Linderoth, 2012).

Néanmoins, dans un jeu sérieux, la compréhension rapide du fonctionnement du jeu, autrement dit des mécanismes de base permettant d’interagir avec le système du jeu, est essentielle pour que sa prise en main ne constitue pas un frein à l’apprentissage du contenu pédagogique. Prévoir un soutien pour que les utilisateurs comprennent comment utiliser le jeu accroît son efficacité du point de vue de l’apprentissage visé en permettant aux apprenants de se concentrer sur le contenu pédagogique plutôt que sur la complexité du jeu (Hays, 2005). Commencer par montrer comment jouer le jeu semble donc essentiel même si la frontière entre mécanique du jeu et contenu pédagogique n’est pas toujours clairement établie ; le soutien pédagogique apporté à la compréhension du fonctionnement du jeu peut aussi servir indirectement de soutien à l’apprentissage du contenu.

Expliquer le fonctionnement du jeu peut passer par un exemple présenté sous forme d’un tutoriel vidéo ou encore en informant le joueur à travers un message d’instruction contextuel sur la manière dont il doit procéder pour réaliser l’action suivante. D’autres éléments de conception peuvent servir de soutien cognitif comme donner la possibilité de visualiser les éléments importants qui vont servir aux actions à venir ou permettre à l’apprenant d’identifier le cas le plus favorable à résoudre en le mettant en évidence par une couleur spécifique (Bottino et al., 2007). Le soutien à l’apprentissage du jeu et du contenu pédagogique passe aussi, comme nous l’avons vu précédemment, par les rétroactions du jeu et par une progressivité dans la difficulté (cf. chapitre 8.4) ainsi que par une aide à la mémorisation et à l’anticipation. Un soutien pour la mémoire consiste par exemple à donner la possibilité au joueur de revoir ses actions passées (R. Clark & Mayer, 2008), tandis qu’une aide à l’anticipation suggère à l’avance aux joueurs la ou les actions à venir tout en les invitant à garder à l’esprit la situation présente et future (Bottino et al., 2007).

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106 Un accès libre et facilité aux outils d’apprentissage que sont les tutoriaux, les directives, les divers indices, fait partie des recommandations d’usage en matière de conception de jeux sérieux (Mitchell

& Savill-Smith, 2004). En donnant aux apprenants le contrôle de l’utilisation de l’aide, le système les invite à y recourir au moment où ils en ressentent le besoin, à identifier ces moments-là et à réguler ainsi d’eux-mêmes leur apprentissage. Il est probable que les apprenants habitués à utiliser des jeux vidéo auront plus facilement le réflexe de recourir aux tutoriaux que les autres apprenants.

Une manière d’encourager les utilisateurs à consulter l’aide mise à leur à disposition est de faire en sorte que le jeu devienne vite ennuyeux et répétitif en les empêchant de vivre de nouvelles expériences de jeu s’ils ignorent les conseils (Becker, 2008)

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Conception d’Algebra Mystery - Conception détaillée

108 9.

Conception détaillée

Algebra Mystery comporte deux parties : l’une que l’on désignera brièvement sous le qualificatif de portes et l’autre sous celui de ficelles. Les portes servent d’introduction au jeu, ce sont les

« portes d’entrée » dans le jeu, tandis que les ficelles constituent le cœur du jeu et l’objectif principal d’apprentissage. Les portes sont un pré-requis à la résolution des problèmes prévus dans la 2ème partie du jeu.

Le storyboard (cf. page suivante) donne une vision schématisée des différentes étapes par lesquelles doit passer le joueur pour arriver au terme du jeu. Quatre parties distinctes émergent : l’entrée dans le jeu, le passage des trois portes, l’arrivée dans le labo et la réception du mail détaillant l’affaire de vol à éclaircir, et enfin les problèmes de ficelles à résoudre. Le jeu suit une progression linéaire : il n’est pas possible de sauter l’une des portes ; de même, les différents problèmes de ficelles doivent être résolus, dans un ordre donné, les uns après les autres. Par contre, la résolution de chaque problème de ficelles laisse une certaine liberté au joueur dans l’ordre d’exécution des différentes étapes de la procédure et dans la manipulation du paquet : il peut commencer à ficeler le paquet avec des données connues ou inconnues et choisir l’ordre de placement des ficelles ; l’écriture de l’équation correspondante au ficelage peut se faire en parallèle à la pose des ficelles ou au terme du ficelage.

Les deux parties du jeu ont des points en commun du point du vue de leur structure : trois obstacles à franchir de part et d’autre (3 équations à résoudre vs 3 problèmes algébriques), une interaction du joueur avec des mécaniques qui fonctionnent selon les principes mathématiques visés par le jeu, des feedbacks immédiats qui renseignent sur la validité des actions du joueur. Par ailleurs, dans les deux volets du jeu, le joueur doit saisir les solutions obtenues dans le système du jeu (code secret pour les portes et dimensions du tableau). Enfin, un score est fourni aussi bien à chaque porte franchie qu’à chaque énigme de ficelles résolue.

Avant de décrire et d’expliquer les caractéristiques les plus importantes du jeu, précisons qu’Algebra Mystery a été développé avec le moteur 3D de jeu vidéo Unity 3D en utilisant le langage C sharp (C#). Le jeu a été conçu par l’auteur de la thèse et développé par un membre d’une des équipes de recherche de TECFA, Nicolas Habonneau. Les versions utilisées pour la thèse sont accessibles en ligne aux adresses suivantes :

http://tecfalabs.unige.ch/algebra_mystery/algebra_mystery_visualiser/ pour la version Visualiser et http://tecfalabs.unige.ch/algebra_mystery/algebra_mystery_verifier/ pour la version Vérifier4.

4 La version la plus récente du jeu, améliorée suite aux expérimentations menées durant le projet de thèse, est consultable à l’adresse : http://tecfalabs.unige.ch/algebra_mystery/

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3.3.1. Storyboard

Porte 1 Portes 2 et 3 Labo et message Problème 1

Entrée dans le jeu

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110 9.2. Introduction

La page d’entrée d’Algebra Mystery plante le décor : le joueur est plongé dans un univers 3D dans lequel il incarne un expert scientifique travaillant dans un environnement hautement sécurisé, représenté par son avatar qui figure au premier plan. L’écran met en scène une galerie faiblement éclairée par des lampes au design techno, aboutissant à une porte de sécurité fermée électroniquement, inaccessible au tout-venant (cf. Figure 5).

Figure 5. Ecran d'accueil d'Algebra Mystery

Le joueur est invité à saisir son prénom et son nom dans les champs prévus à cet effet, puis peut directement commencer le jeu ou prendre connaissance au préalable de sa mission à travers un court texte qui introduit le contexte fictionnel :

Ta mission :

Tu travailles pour la police scientifique à la brigade des vols et c’est toi qui mènes les enquêtes et réalises des expériences au labo.

Mais pour commencer, tu dois réussir à entrer dans ton bureau qui est hautement sécurisé. Pour cela, découvre le code secret de chacune des 4 portes qui en protège l’accès.

Dépêche-toi car ton assistant de terrain a un message de la plus haute importance à te transmettre !!!

Ces quelques lignes s’adressent directement au joueur. Elles ont pour objectif de l’introduire dans l’univers fictionnel du jeu, de l’encourager par la mission qui lui est confiée à s’engager dans les activités ludiques et « sérieuses » du jeu.

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111 Dès que le joueur clique sur le bouton Commencer, son personnage avance en vue à la première personne jusqu’à une console. Une musique instrumentale entraînante accompagne le joueur. A travers tout le jeu, celui-ci se déplace en vision subjective d’un endroit à l’autre, contribuant à rendre l’expérience plus stimulante et motivante (Dickey, 2005), mais sans qu’il n’ait cependant de contrôle direct en continu sur sa navigation. Au moment où le joueur s’approche de la première porte un dialogue s’engage entre lui et Bulby, l’assistant robot. A travers cet échange, le joueur prend connaissance des premiers objectifs du jeu et de l’apprentissage. Pour les joueurs qui n’ont pas pris le temps de lire les informations écrites sous la rubrique Mission, ce dialogue met en place les éléments principaux du contexte fictionnel : Bulby informe le joueur que celui-ci a reçu un message de la police et qu’elle a besoin de lui ; le joueur-détective lui répond qu’il se dépêche, le temps de passer les portes de sécurité et d’en trouver le code grâce à des équations.