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Partie 2 – Fondements théoriques : une approche pluridisciplinaire

1. Interactions verbales

Nous situons explicitement notre réflexion dans le cadre des travaux de Catherine Kerbrat-Orecchioni. Nous commencerons donc en toute logique par présenter sa conception de l’approche interactionnelle, puis nous préciserons les implications méthodologiques de ce choix théorique.

1.1. L’approche interactionnelle : les travaux fondateurs de Catherine Kerbrat-Orecchioni225

La phase de définition proprement dite sera précédée par une tentative de situer ce courant dans une perspective historique.

1.1.1. Un sujet central mais délicat à traiter : l’interaction

En exergue de son article sur la notion d’interaction en linguistique226, Kerbrat-Orecchioni choisit de placer cette citation de Jonathan Swift, datant de 1710 :

« J’ai observé peu de sujets évidents qui aient été aussi rarement, ou du moins, aussi superficiellement analysés que la conversation ; et vraiment, j'en connais peu d'aussi difficiles à traiter comme il le faudrait, ni sur lesquels il y ait autant à dire." (J. Swift, in A. Morellet, De la conversation, 1995, p. 101).

Elle illustre quelques-unes des caractéristiques de l’interaction en tant qu’objet de recherche linguistique. Tout d’abord, ce sujet présente un caractère d’évidence trompeur : en réalité, son accès « facile » masque une réelle difficulté à prendre du recul vis-à-vis de lui. Ensuite, l’interaction a longtemps été délaissée par la linguistique. Enfin, elle présente

225 Kerbrat-Orecchioni C., 2006 (3è éd.), Les interactions verbales – Approche interactionnelle et structure

des conversations, Armand Colin.

226 Kerbrat-Orecchioni C., 1998, « La notion d'interaction en linguistique : origine, apports, bilan », in

des spécificités qui rendent son analyse difficile : il s’agit d’abord de sa dimension empirique, qui implique de travailler sur la base d’enregistrements de données recueillies en milieu naturel afin de procéder à leur description. L’hétérogénéité desdites données, qui implique le choix d’une problématique « transdisciplinaire », rend également l’analyse délicate. Ceci explique le développement, au sein de la mouvance interactionniste, de courants divers (ethnologie, ethnométhodologie, sociologie, psychologie, philosophie, linguistique, etc).

Ces quelques éléments permettent de mieux comprendre le caractère tardif en France du développement de l’approche interactionnelle en linguistique que Kerbrat-Orecchioni associe à une « dénégation de la vocation communicative du langage ». Cette approche ne s’est en effet développée en France qu’à partir des années 1980, suite à une double importation : géographique en provenance des Etats-Unis, et disciplinaire puisque l’analyse de la communication s’est développée d’abord dans le champ de la sociologie et de l’ethnologie.

1.1.2. Bref survol historique : ruptures et filiations dans le champ de la linguistique

L’essor de la linguistique interactionniste en France est analysé comme l’aboutissement d’une évolution de la discipline (Kerbrat-Orecchioni, 2006, p. 9)227. En effet, d’un point de vue historique, la linguistique est issue de la grammaire. Il n’est donc pas étonnant qu’elle se soit dans un premier temps intéressée aux aspects formels de la langue et à la description de la norme : l’oral est ainsi perçu à travers le prisme de l’écrit, et les premières analyses dont il fait l’objet ne prennent en compte ni la dimension interlocutive des échanges ni les usages sociaux du langage, dans des situations de conversations quotidiennes.

Kerbrat-Orecchioni désigne à travers cet essor l’intérêt porté aux unités transphrastiques (grammaire du discours, grammaire textuelle), le développement d’approches pragmatiques qui prennent en compte le contexte de l’énonciation et sa visée communicative (notamment à travers la théorie des actes de langage).

Mais ces dynamiques, qui certes préparent le terrain pour l’interactionnisme, restent encore marquées par une vision « monologale » et « unilatérale » de la communication, qui ne permet pas de rendre compte du phénomène interlocutif. Le véritable développement de l’approche interactionniste ne peut se produire qu’après que la rupture vis-à-vis de cette

227 Kerbrat-Orecchioni C., Les interactions verbales – Approche interactionnelle et structure des

conception monologale, unilatérale et linéaire a été consommée, au profit de l’intégration des paramètres de « détermination mutuelle », d’« influence réciproque », de « collaboration » et de « tissage » dans la relation interlocutive : celle-ci est alors clairement posée comme une relation entre au moins deux interlocuteurs, au cœur de laquelle figure une dimension « dialogale ».

Ce renouvellement « interactif » prend d’abord son essor outre-Atlantique autour des chercheurs de l’Ecole de Palo Alto et du développement des sciences de la communication, et ne s’amorce en France à partir des années 1980. Il déborde évidemment du seul champ linguistique, puisqu’il propose une vision nouvelle du social, qui serait constitué « dans et par un processus continu d’interaction entre les membres de la société » (Bachman, 1993, p. 46). Ainsi, Christian Bachmann228 relie cet essor à l’échec du culturalisme et du fonctionnalisme, en épinglant à la fois le fatalisme sur lequel est susceptible de déboucher le culturalisme s’il se cantonne aux théories du « déficit culturel » et du « handicap social », et les rigidités d’un fonctionnalisme qui ne permettraient pas de rendre compte des fluidités et des processus de régulation mis en œuvre par les acteurs sociaux.

En linguistique, l’interactionnisme va de pair avec l’adoption d’une vision plus dynamique et plus ouverte, du simple fait que la communication ne recouvre pas le seul domaine de la linguistique : elle intègre ainsi les réflexions liées à la dimension relationnelle des interactions (questions identitaires, rapports de place et de pouvoir, etc). Pour résumer cette évolution, l’auteure utilise la formule suivante : l’unité pertinente n’est plus le locuteur et/ou le récepteur, mais le couple qu’ils forment.

Dans ses travaux, Vion229 part de constats identiques. Dès l’introduction de son ouvrage

La communication verbale - Analyse des interactions, il s’interroge en ces termes : peut-on encore définir la communication comme un transfert d’informations ? Peut-on faire de la communication l’expression d’une conscience individuelle ? Peut-on considérer le langage comme le véhicule de significations déjà construites en-dehors de lui ? Il remet donc en cause le bien-fondé d’approches linguistiques qui resteraient centrées sur l’analyse des formes verbales en elles-mêmes et de l’aspect sémantique, sans prise en compte du contexte dans lequel elles s’insèrent (sujets, situations de communication, signaux extralinguistiques).

228 Bachmann Ch., 1993, « Ecole et environnement : actualité de l’interactionnisme », in J.F. Halté (ss la dir.), Inter-actions, Metz, France, Université de Metz, pp. 41-57.

Vion articule ces courants autour de deux problématiques centrales : la première, qualifiée de « théorie du reflet », considère que communiquer revient à transmettre un message au moyen du langage, dont la fonction est de représenter le monde. Pour comprendre le sens porté par ce message, il suffit de maitriser le code utilisé. Certaines recherches remettent en cause cette conception de la langue, qui ne se contente pas de représenter le monde mais contribue largement à sa structuration, et dont il ne faudrait pas omettre de considérer la dimension symbolique. La deuxième problématique qui structure ces approches réductrices tient à la « théorie mentaliste » : à l’opposé de la précédente, elle accorde une place centrale au rôle joué par la (re)construction intellectuelle du réel par les sujets. Telle quelle, cette option mène également à l’impasse pour le chercheur : si la réalité fait l’objet de constructions individuelles, la communication consiste en la rencontre de subjectivités isolées et autonomes.

A l’instar de Kerbrat-Orecchioni, il constate que ce type d’analyse a prévalu en France jusqu’à ce que, à partir des années 60 et 70, soient (ré)introduites les dimensions sociales et culturelles qui incitent au traitement de la situation communicative dans une perspective qui ne soit plus exclusivement centrée sur la langue, en elle-même et pour elle-même, mais sur les sujets. On comprend mieux pourquoi, et ce point est également mis en avant par Kerbrat-Orecchioni, la linguistique que l’on pourrait qualifier de « communicative » et « interactionniste » prend une dimension pluridisciplinaire et s’inscrit dans les sciences humaines. Les travaux de Mikhaïl Bakhtine, George Herbert Mead et Alfred Schütz, et en philosophie de Jürgen Habermas ou Francis Jacques, convergent vers une conception « sociale » de l’individu, qui se construirait à travers les échanges et la communication, non plus définie comme la rencontre de subjectivités autonomes mais comme le lieu de l’inter-subjectivité. Ce nouveau type d’approches est ainsi qualifié par Habermas de « psychologie sociale de l’identité individuelle » (Habermas 1987b). On met en avant l’échange, ses manifestations et ses caractéristiques plus que le contenu sémantique des discours pris isolément.

Cette rapide contextualisation historique doit à présent déboucher sur une clarification de la notion d’interaction sur le plan terminologique.

1.1.3. Préalables, postulats et définitions

Pour poser les contours de la notion d’interaction, il sera nécessaire dans un premier temps d’opérer un certain nombre de préalables théoriques, puis de définir quelques concepts-clés.

1.1.3.1. Quelques préalables théoriques

Nous allons nous attarder sur quelques-unes des approches signalées ci-dessus, centrées sur la dimension sociale et socialisante des interactions.

Un des fondements de notre réflexion est Bakhtine, souvent présenté comme l’un des principaux pionniers de l’interactionnisme : la critique qu’il opère à l’encontre de l’approche structuraliste dans Le Marxisme et la philosophie du langage230 puis dans

Esthétique de la création verbale231 participe d’une conception renouvelée de la langue (et du monde), basée sur la reconnaissance de son caractère dialogique. La (re)construction du sens de l’énoncé passe par la prise en compte de l’allocutaire et de son influence, qui est inévitablement inscrite dans l’énoncé. On retiendra de ses très nombreux écrits la formule suivante, qui illustre tout le poids qu’il accorde aux interactions : « l’interaction verbale constitue la réalité fondamentale de la langue ». (Bakhtine, 1977, p.134).

A contre-courant de « la prédilection moderne pour l’ordre, l’immuable, la symétrie et la prévisibilité », Bakhtine met en avant la transformation, l’ambiguïté, et l’interaction, préférant souligner ce que la constitution du Moi doit à l’Autre232 :

L’argument central de Bakhtine c’est que, de la même façon qu’il nous faut donner du sens au monde-objet qui nous entoure, il nous faut nous envisager nous-mêmes en tant qu’entités cohérentes. (…) Afin de pouvoir nous conceptualiser nous-mêmes en tant que totalités qui avons cohésion et sens, et c’est fondamental dans le processus d’individuation et de compréhension de soi, nous avons besoin d’une perspective supplémentaire et externe. L’autre existe dans une relation d’externalité ou d’« exotopie » par rapport à nous-mêmes, d’une façon qui est transcendante ou qui est « transgrédiente » à notre horizon perceptuel et existentiel. (…) Dès lors nous ne pouvons exister, pour le dire avec une métaphore, qu’en « [brûlant] du feu d’emprunt de l’altérité »233 (Gardiner, 2007, pp. 74-75).

Pour mieux comprendre l’essor de l’approche interactionniste, nous nous référons à nouveau à la synthèse opérée par Vion, parmi laquelle nous sélectionnons plusieurs apports : les travaux dits de l’Ecole de Palo Alto sur la communication, les analyses menées par Mead et sa théorie du sujet, et enfin l’essor du concept d’intersubjectivité.

Les travaux des chercheurs américains associés à l’Ecole dite de Palo Alto, dans les années 1950,au premier rang desquels figure George Bateson, ont permis de poser les bases d’une analyse de la communication qui ne serait plus centrée sur le message mais sur les

230 Bakhtine M., 1977 (éd. originale 1929), Le marxisme et la philosophie du langage, Minuit, Paris.

231 Bakhtine M., 1984, Esthétique de la création verbale, Gallimard, Paris.

232 Gardiner M. E., 2007, « Le défi dialogique de Bakhtine aux sciences sociales » in Bénédicte Vauthier (éd.), Bakhtine, Volochinov et Medvedev dans les contextes européen et russe, Slavica Occitania, 25, pp. 67-87.

233 Bakhtine M., 1984, « L’auteur et le héros dans le processus esthétique » (trad. Aucouturier A.), Esthétique

comportements des acteurs, qu’ils soient verbaux, paraverbaux234 ou non verbaux235. En effet, les comportements communicatifs peuvent et même doivent être interprétés puisqu’ils influent directement sur le déroulement de l’interaction. Ainsi, s’il y a un sens à dégager, celui-ci ne tient plus ou plus seulement aux seules données linguistiques verbales du message, mais se construit à travers l’interaction de plusieurs foyers de significations : cette remarque a entre autre des implications méthodologiques capitales, dont nous avons essayé de tenir compte dans la construction de notre propre objet de recherche.

De son côté, et c’est une deuxième avancée décisive, le psychosociologue G.-H. Mead entreprend de déconstruire la vision unifiée et « substantielle » du sujet : sous l’essor des sciences sociales, la vision du « moi » est bouleversée. Socialisé, éclaté en une multitude de rôles, il devient plutôt le lieu d’une rencontre et d’une synthèse : d’une vision substantielle, on passe à une conception plurielle du sujet. De plus, ce sujet pluriel se construit dans l’altérité, notamment à travers les pratiques communicatives. Nous aurons l’occasion d’y revenir plus loin, mais soulignons déjà à quel point ces deux dimensions, de pluralité et d’altérité, occupent une place de premier plan dans notre recherche. En ce qui concerne plus particulièrement la prise en compte de l’altérité dans la construction du sujet, notons l’intérêt des travaux menés en psychologie dans le domaine de l’éducation cognitive et des apprentissages. Que ce soit par l’intermédiaire de l’enseignant(e) et de son étayage236, ou par les interactions auxquelles il/elle participe avec ses pairs237, la dimension proprement sociale, ou plus exactement socialisée des acquisitions de l’élève est primordiale en contexte scolaire. Ces travaux ont aussi nourri notre questionnement de départ pour construire notre problématique définitive, centrée sur l’analyse des interactions de classe et sur les acquisitions qu’elles pourraient permettre sur le plan de la construction de compétences citoyennes.

Enfin, notre rapide survol de la genèse de l’approche interactionniste serait incomplet si nous omettions d’évoquer, à la suite de Vion, la phénoménologie et les avancées permises par A. Schütz. Celui-ci pose que le réel, loin d’être un univers objectif et autonome, résulte d’une construction et surtout souligne le caractère intersubjectif de cette construction. Cette position fait écho à l’émergence d’un sujet « social » et illustre une nouvelle fois l’essor dans les sciences sociales de ce que nous serions tentée de nommer la « dynamique

234 Les comportements para verbaux font référence à l’intonation, à l’accentuation, au rythme et au débit vocaux etc.

235 Les comportements non verbaux désignent les postures, les mimiques, la gestuelle, etc.

236 Voir les travaux de Jérôme Bruner.

altéritaire », qui représente selon nous le fil rouge des travaux présentés ci-dessus comme précurseurs dans le développement de l’approche interactionnelle. C’est cette dynamique qui va nous intéresser, pour construire la citoyenneté dans la classe.

Nous pouvons maintenant nous demander comment définir de façon exacte l’interaction, ou plutôt l’approche interactionniste et les concepts sur lesquelles elle s’appuie.

1.1.3.2. Postulats et définitions

L’approche interactionniste repose sur quelques postulats, que Kerbrat-Orecchioni rappelle de la façon suivante238 :

- la parole est une activité sociale, qui implique la participation de plusieurs individus ; l’énoncé est virtuellement dialogal et résulte d’une construction collective ;

- tout énoncé est adressé, tout acte de parole implique une interlocution ; la parole est par essence interlocutive ;

- tout au long d’un échange, les participants exercent les uns sur les autres des influences réciproques (notamment à travers des activités phatiques et régulatrices) ; « parler, c'est échanger, et c'est changer en échangeant. » (C. Kerbrat-Orecchioni, 1998, p. 55).

Ainsi, la communication ne repose plus sur une base unilatérale mais bilatérale : le couple émetteur/récepteur prend tout son sens, puisque la prise en compte du récepteur a des incidences sur le discours de l’émetteur.

Ces bases de l’approche interactionnelle une fois posées, il reste à établir la définition de quelques-uns de ses concepts clés. Nous nous arrêterons ainsi sur l’interlocution, l’interaction et la compétence. Nous nous réfèrerons une nouvelle fois aux travaux de Kerbrat-Orecchioni, mais aussi au Guide terminologique pour l’analyse des discours de Nuchèze et Colletta239.

Dans un premier temps, il est utile de distinguer des concepts proches comme le l’interlocution et l’interaction.

Par rapport à la définition du dialogue, que nous avons posée au chapitre précédent, l’interlocution l’englobe et le dépasse : elle peut en effet faire référence à un discours mettant en jeu plus de deux locuteurs, qui se parlent alternativement. L’interaction réfère à une construction collective, plus précisément définie comme

« le lieu d’une activité collective de production de sens, activité qui implique la mise en œuvre de négociations explicites ou implicites, qui peuvent aboutir, ou échouer (c’est le malentendu) » (Kerbrat-Orecchioni, 2006).

238 Kerbrat-Orecchioni C., op.cit. et Kerbrat-Orecchioni C., art.cit.

239 Nuchèze (de) V. & Colletta J.-M., 2002, Guide terminologique pour l’analyse des discours – Lexique des

Il est également utile d’observer le glissement de sens qui s’opère entre

« (la désignation) d’un certain type de processus (jeu d'actions et de réactions), puis par métonymie, un certain type d'objet caractérisé par la présence massive de ce processus : on dira de telle ou telle conversation que c'est une interaction (verbale), le terme désignant alors toute forme de discours produit collectivement, par l'action ordonnée et coordonnée de plusieurs « interactants ». (Kerbrat-Orecchioni, 1998, p. 55).

Le Guide terminologique pour l’analyse des discours240 nous invite à replacer la notion d’interaction dans un champ plus vaste et à prendre conscience de l’étendue de ses significations selon le courant qui s’en saisit. Une première distinction intervient entre l’interaction sociale, objet de recherche en sociologie, en tant que

« forme particulière d’action réciproque dont les moyens de signification sont d’ordre actionnel, en situation sociale (et qui) renvoie à la notion de but et de décision dans la résolution de problèmes »241,

et l’interaction verbale, qui fait référence, dans le domaine linguistique, à une

« forme particulière d’action réciproque, reposant sur des moyens de signification d’ordre langagier (qui) renvoie à la notion de conversation comme structure complexe organisée. »242.

Quand bien même l’objet considéré dans notre travail est l’interaction verbale, elle ne saurait être cantonnée au seul champ de recherche linguistique sur le plan disciplinaire. Par sa nature transdisciplinaire, elle figure au cœur de courants de recherche multiples243, ce qui implique de préciser le type d’approche retenu et le regard sur l’interaction que nous privilégions. Parmi les approches présentées, nous nous situons du côté de celles qui placent au cœur de l’analyse les finalités de l’interaction, considérée comme

« le lieu de rencontre entre deux ou plusieurs interlocuteurs qui, dans les échanges verbaux et non verbaux, agissent les uns sur les autres dans le but de s’influencer et de se transformer »244.

Enfin, l’interaction met en jeu de la part des locuteurs un certain nombre de compétences : nous conclurons cette phase de clarification terminologique par une mise au point concernant ce concept.

Dans la mesure où l’interaction intervient dans un « cadre cognitif culturellement marqué », elle engage de la part des interactants un certain type de compétence. En se référant aux travaux de Dell Hymes, Kerbrat-Orecchioni insiste sur la nécessité de sortir de la conception chomskyenne de la compétence, considérée comme exclusivement

240 Nuchèze (de) V., id., pp. 87-90.

241 id., p.88.

242 ibid.

243 Les auteurs du Guide font référence, outre la linguistique, à l’ethnométhodologie, l’analyse conversationnelle, l’interactionnisme symbolique, la sociologie de la vie quotidienne, l’ethnographie de la communication, la sociolinguistique variationniste, la sémiologie, la philosophie et la psychologie.

linguistique, et qui pose le langage comme une structure universelle et homogène. En effet, la maitrise du code linguistique ne suffit pas à elle seule à garantir le bon déroulement des échanges. Seule une conception élargie de la compétence, considérée comme « communicative » au sens large, permet de rendre compte de l’importance de la maitrise du matériel paraverbal et non verbal, de la prise en compte du contexte, des règles propres à la gestion des conversations, ou encore de la dimension rituelle des échanges. Dans la mesure où nous adhérons à cette conception « élargie » de la compétence, il convient d’insister plus particulièrement sur deux éléments qui ont des implications directes sur nos