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INTERACTIONS MILIEUX HUMIDES / MILIEUX MARINS ET LITTORAU

Plusieurs types d’habitats se situent à l’interface entre milieux humides et milieux marins (vasières, mangroves, marais estuariens et côtiers, etc.). L’effet du contact entre les eaux douces continentales et les eaux salées océaniques y est particulièrement marqué et a abouti à la formation de milieux saumâtres. Outre ces zones d’interface, les interactions entre milieux humides et milieux marins recouvrent des problématiques de transferts de pollutions, les polluants provenant des cours d'eau et des eaux de ruissellement pouvant être transportés jusqu'aux milieux marins. Des travaux récents font ainsi état du fait qu’environ 80 % des pollutions marines sont d'origines terrestres et anthropiques (Colas, 2011).

Figure 14 – Schéma non exhaustif des interactions entre milieux humides et milieux marins et littoraux

Flux de matières

Les différents polluants d’origine agricole et urbaine transférés vers les milieux humides (cf. paragraphes consacrés aux interactions « milieux humides / écosystèmes agricoles » et « milieux humides / écosystèmes urbains », par voie de transferts également se retrouver in fine dans les milieux marins et littoraux. Les conséquences de ces transferts de polluants peuvent être diverses :

o Les matières en suspension peuvent étouffer des écosystèmes de grand intérêt. Les macro-

déchets peuvent être ingérés et tuer les mammifères marins comme les tortues ou les oiseaux.

o Les micropolluants peuvent perturber la physiologie des espèces et se concentrer dans les sédiments et le long des chaînes trophiques, jusqu’à l’Homme.

o Les nutriments peuvent provoquer la prolifération de macro- algues et de phytoplancton opportunistes (Colas, 2011). Les marées vertes se produisent toujours dans des secteurs enclavés du linéaire côtier où tend à régner une conjonction d’apports excessifs en sels nutritifs (zones d’exutoires des rivières), de faibles profondeurs (favorables à la croissance des algues) et de conditions d’hydrodynamisme favorables à la rétention de ces sels nutritifs et des algues produites (renouvellement lent de la masse d’eau côtière, courants de marée et houle accumulant les algues sous faibles profondeurs) (CEVA, 2009).

o Des problématiques de contamination peuvent également survenir en sens inverse, des milieux marins vers les milieux

Algues vertes (Bretagne, 2009) © Arnaud Bouissou - Terra

humides, en zone côtières. Des intrusions salines peuvent, en effet, venir altérer la qualité de l’eau stockée dans des aquifères proches du littoral, avec des conséquences potentiellement importantes d’un point de vue sanitaire. Ces mêmes intrusions salines peuvent endommager gravement certains types de zones humides et rendre non cultivables des terres agricoles si celles-ci deviennent alors irriguées par des aquifères chargés en sel (Longuepee, 2007).

Interfaces, habitats, espèces

De nombreux sous-types d’écosystèmes sont à l’interface entre milieux humides et milieux marins et littoraux, notamment :

o Les vasières sont propices au développement du microphytobenthos riche en diatomées*, permettant d'entretenir un réseau trophique dont la productivité est une des plus fortes à l'échelle planétaire. En effet, ce phytoplancton est très utile pour l'ostréiculture et la mytiliculture car il permet notamment la reproduction et la croissance de moules, d'huîtres et également de certains poissons. Les vasières sont également des lieux de repos et de nourrissage pour de nombreux oiseaux limicoles, consommateurs de petits invertébrés vivant dans la vase (Faurie, 2012).

o Les marais estuariens et côtiers, très productifs, hébergent une grande diversité d’espèces d’oiseaux nicheurs qui ont besoin de ressources alimentaires suffisantes et accessibles, mais le sel peut avoir une influence négative : le nombre de colonies de hérons vivant dans les deltas* et le succès de leur reproduction augmentent avec la proportion de milieux d’eau douce à proximité (Barnaud, 2007).

o Les mangroves, milieux typiques d’Outre-mer (cf. Encadré 2), reçoivent une quantité importante de matière organique allochtone terrestre dépendant des apports continentaux du bassin versant (Molnar, 2011). De ce fait, les mangroves sont caractérisées par une grande variabilité des conditions physico-chimiques due à l'alternance des phases d'émersion et d'immersion pendant les marées et aux apports d'eau douce par les eaux de rivières et de ruissellement. À titre d’exemple, la salinité est fortement liée aux apports d'eau douce et il existe des stratifications verticales consécutives à d'importantes arrivées d'eau douce (Thollot, 1992). Les rivières adjacentes alimentent cet écosystème en sédiments terrigènes appelés alluvions pour les mangroves alluvionnaires ou en particules terrigènes appelées colluvions pour les mangroves dites colluvionnaires (Joseph, 2009).

Encadré 2 – Focus sur les mangroves (Binet et al., 2016)

Ecosystèmes complexes couvrant entre deux tiers et trois quarts des littoraux tropicaux entre les latitudes 32°N et 39°S (Roussel et al., 2010), les mangroves s’inscrivent à l’interface entre milieux marins, écosystèmes forestiers et milieux humides. Au sein de l’EFESE, leur traitement détaillé sera réalisé dans les groupes de travail consacrés aux milieux marins et aux écosystèmes forestiers.

De nombreux éléments compilés au sein de l’article Les bénéfices de la protection des mangroves de l’outre-mer

français par le Conservatoire du littoral : évaluation économique à l’horizon 2040 (Binet et al., 2016) permettent de rendre compte de l’importance et du fonctionnement des mangroves. Un certain nombre de ces éléments sont repris ci- dessous.

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« Les palétuviers qui peuplent les mangroves se développent dans la zone intertidale de balancement des marées. La France, grâce à ses départements, régions et collectivités d’outre-mer (Guyane, Nouvelle- Calédonie, Guadeloupe, Martinique, Mayotte, Iles Eparses, Wallis et Futuna, Polynésie française, Saint-Martin et Saint-Barthélemy) concentre plus de 100 000 ha de mangroves, dont environ 68 % pour

la Guyane seule. » (Roussel et al., 2010)

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Guyane

La Guyane possède 300 km de côtes, couvertes à 80 % par des mangroves qui s’étendent sur environ 70 000 hectares

(Fromard et al., 2004). Les mangroves côtières guyanaises ont la particularité d’être mouvantes sous l’action des

courants littoraux issus de l’Amazone qui déplacent les sédiments sur lesquels elles reposent (Baltzer et al., 2004 ;

Fromard et al., 1998). L’espèce de palétuviers Avicennia est dominante avec des peuplements organisés en bandes

parallèles au trait de côte regroupant des individus de même âge et taille. Les Rhizophora constituent une strate en sous-bois au sein des Avicennia, et plus rarement des peuplements dominants dans les mangroves d’estuaire bénéficiant d’apports importants en eau douce. Les Laguncularia ne sont présentes que dans les chenaux qui drainent les vasières* à marée basse, et dans les peuplements jeunes où Avicennia n’est pas encore dominante. Les mangroves de Guyane sont donc peu riches en biodiversité végétale, avec 5 espèces seulement appartenant à 3 familles. Elles abritent en revanche une faune exceptionnelle, notamment pour les vers, mollusques, crustacés, poissons, oiseaux et

reptiles, et constituent des paysages à haute valeur patrimoniale (Artigas et al., 2003 ; Roussel et al., 2010).

Guadeloupe et Saint-Martin

Les estimations des surfaces de mangroves sur l’archipel de la Guadeloupe varient entre 2 325 et 3 983 ha, les données

les plus récentes indiquant plutôt 2 950 ha (FAO, 2005 ; Spalding et al., 1997). Saint-Martin en possède 26 ha (Pascal,

2011). Les peuplements de mangroves guadeloupéennes s’organisent en quatre grandes ceintures de végétation : une ceinture côtière étroite formée presque uniquement de Rhizophora, une ceinture arbustive dominée par des formes naines de Rhizophora et quelques individus d’Avicennia, une ceinture forestière interne plurispécifique dominée par Rhizophora avec Avicennia et Laguncularia présents mais minoritaires, et une ceinture distale non dominée par Rhizophora (Imbert et al., 1988). Globalement, la présence de 6 espèces de palétuviers de 4 familles différentes est attestée.

Martinique

Les mangroves de Martinique couvriraient entre 1 800 et 2 100 ha (Brossard et al., 1991 ; Gayot and Laval, 2006),

principalement dans la baie de Fort-de-France (1 000 à 1 200 ha) et la baie du Galion à Trinité. Deux ensembles de mangroves peuvent être distingués. Les mangroves sur sédiments argileux présentent une structure similaire aux mangroves de la Guadeloupe : une ceinture interne monospécifique à Rhizophora, une ceinture intermédiaire à peuplements mélangés (Avicennia, Laguncularia et Rhizophora) et une ceinture externe à Avicennia souvent réduite. Les mangroves sur sédiments argilo-sableux sont localisées essentiellement dans le Sud et sur la côte atlantique sous forme de massifs dispersés non homogènes, dont les arrières mangroves se confondent parfois avec la forêt (Gayot and Laval, 2006). Les espèces de palétuviers sont les mêmes qu’en Guadeloupe (6 espèces de 4 familles).

Mayotte

Mayotte compte 735 ha de mangroves réparties sur 50 à 120 sites zones selon les études les plus récentes (Laulan et

al., 2006 ; Rolland et al., 2005). Les mangroves de Mayotte sont de deux types : les mangroves d’estuaire ou de « fond

de baie », et les mangroves littorales ou de « front de mer ». Globalement, les peuplements de palétuviers présentent une zonation parallèle à la côte. Le front de mangroves est essentiellement composé de Sonneratia et parfois d’Avicennia. La zone centrale, inondée deux fois par jour pour les marées, est surtout colonisée par Rhizophora, Bruguiera et Ceriops. La zone interne est dominée par Avicennia et l’arrière mangrove est très hétérogène. Les mangroves de Mayotte sont plus riches que celles de Guyane, Guadeloupe et de Martinique, avec au moins 7 espèces

de 5 familles différentes (Roussel et al., 2010). »

De nombreuses espèces de poissons migrateurs transitent entre eaux douces et eaux salées afin d’accomplir leur cycle biologique. Parmi ces espèces dites « amphihalines », on retrouve les espèces dites « thalassotoques » qui grandissent en rivière et se reproduisent en mer (anguille européenne, mulet porc) et les espèces dites « potamotoques » qui grandissent en mer et se reproduisent en rivière (saumon atlantique, aloses, lamproies).

Devant accomplir sa ponte en rivière, le saumon atlantique (Salmo salar) met, selon la longueur du cours d’eau, l’importance des obstacles et les niveaux d’eau, de quelques semaines à plus d’un an pour remonter jusqu’aux zones de frayères (Imbert, 2013). La vitesse de migration est également fortement dépendante des conditions de température et des conditions hydrauliques. Une migration sera, par exemple, fortement réduite puis stoppée lorsque la température est supérieure à 20°C. Le retard de la migration peut avoir un impact surla survie des poissons ou sur l’accès aux meilleures zones de reproduction (Martin, 2011).