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Chapitre 2 – Théories d’apprentissage des langues secondes

5. Interaction en milieu guidé

Il s’agit dans cette sous-partie de présenter quelles sont les situations d’enregistrement des corpus malaisien et corpus anglais122. Les apprenants se trouvent dans une situation institutionnelle puisqu’ils sont en situation de préparation à l’examen du IGCSE et se trouvent lors de l’enregistrement dans une classe de langue, dans l’école, pour une préparation à la partie orale de l’examen. Le mot d’ordre est pour eux d’obtenir la meilleure

120 Voir Chapitre 4 pour une comparaison plus détaillée des similitudes et différences entre les langues.

121 Voir Chapitre 5, l’analyse du questionnaire permet de visualiser les opinions diverses des apprenants sur les

langues étudiées. Le mandarin et l’anglais sont parfois présentés comme des lingua franca, à la portée internationale, plus importante que le français.

122 Dans le Chapitre 3 sera détaillé l’enseignement en classe de langue au lycée et dans le Chapitre 6 les

101 note et d’offrir à leur jury la meilleure performance.

Il s’agit donc d’un apprentissage en milieu guidé, dans un milieu exolingue où la classe de langue est le seul lieu d’acquisition de la langue. Ce milieu guidé peut être défini de la façon suivante :

« Ce système didactique tripolaire composé des trois sous-systèmes interdépendants que sont le professeur, le savoir et les élèves, spécifiques à l’enseignement-apprentissage des langues étrangères. » (Gruson, 2006, p. 10)

Le cadre institutionnel offre peu de marge de manœuvre à l’apprenant et formalise les échanges en français.

« La relation fondamentale qui distingue une classe de langue d’autres milieux d’acquisition est celle que De Pietro, Matthey et Py (1989) qualifient de « contrat didactique » : une ou plusieurs personnes ont la responsabilité de rendre possible chez d’autres personnes des processus d’apprentissage de la L2. Les deux parties sont averties de ce type de rapport, dans la mesure où elles l’ont défini au préalable, même de manière plus ou moins tacite : c’est pourquoi on parle de contrat. » (Palotti, 2002, p. 173)

Si le contrat didactique, tel que le définit Palotti (2002) s’applique à la classe de langue, il est possible d’avancer qu’un contrat d’examen existe aussi. Dans le cadre de l’évaluation en classe de langue, ce contrat implique que la performance régisse les règles de l’interaction : c’est-à-dire que le besoin de réussir, de performer et de répondre aux questions serait également une composante de ce contrat. Le besoin de se conformer à la tâche est certainement plus fort lors d’un examen que d’une classe (sauf dans le cas de contrôle continu, par exemple). Cette obligation de la performance régira ainsi nos deux corpus.

102 - Utiliser au maximum la langue cible, c'est-à-dire le français et en effet très peu de

code-switching ou mixing sont utilisés.

- Les autres langues ne sont pas utilisées même dans le cadre de production métalangagière bien que le médium d’enseignement dans l’école et dans la classe de français soit l’anglais.

- Les trames des scénarii sont très fixes et il est difficile de s’éloigner, car les actes de langage sont définis et listés. Les apprenants ont préparé le monologue et connaissent la teneur de l’entretien guidé.

- L’apprenant contrôle sa production afin de produire des énoncés particulièrement conformes à ce qui est attendu de lui.

- L’examen crée une situation de stress qui ajoute de la tension à l’échange, car l’apprenant se doit de répondre de façon conforme. L’effet peut être négatif sur la performance, si trop de pression est en jeu123.

Mais l’imminence de l’examen comme but de l’élément « savoir » dans l’entité tripolaire de la classe de langue influe également, en amont, sur le contrat didactique qui est soumis à la préparation de l’examen. Ainsi, le matériel de classe est orienté à cette fin, le professeur prépare sciemment les apprenants à l’examen et eux-mêmes perçoivent l’examen comme une fin en soi.

Ainsi, la situation est très formelle et les règles de l’examen doivent être respectées. Les entretiens étant particulièrement guidés, la spontanéité a peu de place. Le métalangage n’est pas requis, car les situations sont préparées en amont. L’apprenant en situation d’examen connaît parfaitement le déroulement des épreuves – pour les bons élèves ! – et la LM,

123 De Angelis (2007, p. 39) cite Hamers et Blanc (1989) pour ce qui est de l’influence négative du stress sur la

production en langue étrangère. De Angelis (2007, p.39) cite également Dewaele (2001) pour présenter les différences qui existent dans les interactions formelles et informelles : les discours présentaient moins de code mixing dans les interactions formelles que dans les interactions formelles.

Hamers, J. F. and Blanc, M. H. A. (1989) Bilinguality and Bilingualism. Cambridge : Cambridge University Press.

Dewaele, J.-M. (2001) Activation or inhibition? The interaction of L1, L2 and L3 on the language mode continuum. In J. Cenoz, B. Hufeisen and U. Jessner (eds) Crosslinguistic Influence in Third Language

103 comme l’avait noté Trevisiol (2006, p. 17) n’apparaît plus comme une soupape de sécurité, mais comme l’erreur à éviter. L’utilisation de métalangague doit être évitée en théorie, car il est synonyme de non-compréhension de la situation et les apprenants souhaitent montrer le meilleur d’eux-mêmes.

Le milieu guidé est un milieu exolingue – la classe – où les apprenants et le professeur n’ont pas la même langue commune mais également dans un pays où la langue commune n’est pas la langue enseignée. Cette situation a pour effet de fragiliser les échanges en classe et de les rendre tendus en termes de négociation communicative :

« On peut considérer que la communication exolingue a lieu dans les conditions d’une bifocalisation : focalisation centrale de l’attention sur l’objet thématique de la communication ; focalisation périphérique sur l’éventuelle apparition de problèmes dans la réalisation de la coordination des activités de communication. » (Bange, 1992, p. 3).

Bange fait état de la difficulté liée à ces échanges et de la mise en péril de la communication en classe de langue. Les échanges sont soumis à des incompréhensions et des interprétations hasardeuses. La co-construction du sens ne s’appuie donc pas que sur le verbal, puisque les connaissances des apprenants ne sont souvent pas suffisantes. Le non- verbal et le paraverbal jouent également un rôle important dans la co-construction du sens. D’autre part, le co-texte et contexte de chaque énonciation apporte un éclairage sur la construction du sens pour chacun des participants et peut aider à la compréhension de l’énoncé. Dans le cadre de l’épreuve du IGCSE présentée dans le corpus, ce co-texte est le support de l’examen qui permet de donner une trame et d’orienter la compréhension de chaque production par rapport à un contexte donné (les épreuves sont présentées en Annexes 13, 14 et 15). Chaque échange en milieu exolingue procède ainsi d’un cadre ou « trame » qui régit les interactions et de la volonté de chacun de se faire comprendre.

A cela, s’ajoute également la dimension de l’interaction fictive en classe de langue qui fait écho au contrat didactique. La double énonciation ou énonciation fictive, quand l’apprenant

104 assume en cours un rôle qui n’est pas le sien afin de simuler des situations irréelles (Trévise, 1979, pp. 44, 45), se superpose au milieu conventionnel de la classe de langue, à son contrat didactique où les interactions sont régies par la place de l’enseignant, par celle de l’apprenant et par la nécessité de transmettre et d’acquérir un savoir. Les questions simulées du professeur, les réponses inventées de l’apprenant, la création de situations d’interaction, les jeux de rôle deviennent en classe de langue autant de moments où une double énonciation se met en place au sein des interactions et où s’ajoutent aux rôles professeurs / apprenants des rôles divers dont le but est la production de sens. Cette double énonciation sera particulièrement présente lors de l’examen où les épreuves de jeux de rôle – même extrêmement guidées – mettent l’apprenant dans la situation d’une interaction totalement fictive, superposée au rôle qu’il doit tenir lors de l’examen. Nous pourrions dans ce cas presque évoquer une triple énonciation.

Dans cet enseignement exolingue, notamment en Malaisie et plus particulièrement dans les écoles internationales, l’anglais s’impose comme le médium de communication. Si l’anglais est une langue germanique, les similarités entre l’anglais et le français restent fortes : « plus de 3000 mots transparents », (Forlot, 2009, p. 29), un système de temps s’exprimant à travers le verbe, un alphabet commun, etc. La place de l’anglais dans l’étude est donc très forte, même si les autres langues – malais et mandarin, et autres dialectes chinois – ne sont pas à négliger.

6. Conclusion

L’apprentissage d’une langue se fait selon plusieurs paramètres qui interagissent les uns avec les autres. Nous n’avons pas dans l’idée de présenter dans cette étude l’un des paramètres comme étant prédominant par rapport aux autres. Toutefois, il apparaît important de lister les influences principales et paramètres qui participent à la création de l’interlangue et sur lesquels nous allons baser nos hypothèses :

- L’interlangue est influencée par différents mécanismes d’apprentissage. A savoir, à la fois l’influence translinguistique – les langues connues par l’apprenant – oriente la

105 qualité de l’interlangue, de façon positive ou négative, mais aussi les chemins acquisitionnels qui prédestinent l’apprenant à privilégier certaines formes par rapport à d’autres.

- Les relations réelles ou fantasmées (psychotypologie) entre la langue maternelle et langues cibles permettent à l’apprenant de s’identifier dans la langue nouvellement apprise ou non et d’envisager son apprentissage.

- L’enseignement de la langue : le choix d’une approche pédagogique et d’un manuel oriente la production et la compréhension de l’apprenant vers une vision de la langue, parfois simplifiée ou généralisée. Le choix d’une approche met également en lumière certains éléments de la langue au détriment d’autres éléments.

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