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Chapitre 3 – Enseignement en école internationale

4. Enseignement aux adolescents

Avant de présenter plus en détail notre corpus, il apparaît important de préciser plus en détail ce qu’est la classe de langue, puisqu’il s’agit d’une situation d’enseignement guidé en milieu exolingue. De plus, étant donné que nous nous attachons à décrire des interactions orales, il apparaît important de rappeler la spécificité des échanges au sein de la classe de langue et de présenter les particularités de l’enseignement aux adolescents et jeunes adultes, c’est la raison pour laquelle nous évoquerons les problématiques d’âge d’acquisition.

a) La classe de langue

La classe de langue est un milieu fermé où l’apprentissage est défini comme guidé par un formateur. Au sein de cet espace, les rôles des participants sont préalablement définis avec, pour chacun des objectifs spécifiques (d’apprentissage ou d’enseignement), des règles particulières qui régissent la communication. C’est ce que nous verrons dans cette sous- partie.

Des rôles prédéfinis

La classe de langue est un milieu institutionnel où les interactions sont régies par des lois bien spécifiques et où les acteurs ont des rôles bien précis. Il s’agit de s’arrêter quelques instants sur la pratique de la langue en classe de langue dans une école internationale afin de mieux cadrer le schéma d’apprentissage. De plus, il faut souligner que les apprenants de l’étude n’ont de lien avec le français qu’au sein de la classe de langue, sauf pour Sabrina C. qui a appris le français à l’Alliance Française pendant quelques mois et pour Nicole dont la

131 langue seconde est le français puisque son père est suisse.

Cicurel (2005, p. 3) rappelle les statuts des participants au sein de la classe : - l’apprenant utilisant l’interlangue de façon libre et expérimentale

- l’apprenant en situation d’apprentissage et ainsi autorisé à l’expérimentation linguistique - l’enseignant comme médiateur des interactions et des tours de parole

- le contrat de fiction pour les échanges ayant lieu au cours de simulations et de jeux de rôle - la dimension métalinguistique

- l’échange tourné vers l’amélioration de la compétence et autour du soi.

Si ces considérations paraissent basiques ou triviales, il apparaît important de noter que c’est le cadre d’apprentissage de nos apprenants. Seule différence, l’échange qui a lieu lors des enregistrements est l’aboutissement de la classe de langue, c'est-à-dire l’examen oral qui sanctionne la formation en français à l’école au IGCSE. Les seules remarques à faire concernant notre corpus sont :

- Le rôle de l’interlangue est limité aux exercices de pratique. En classe, l’anglais reste la langue d’enseignement et les échanges métalinguistiques passent en grande majorité par le biais de l’anglais.

- Les simulations et jeux de rôle sont principalement liés à l’examen final et les thématiques doivent suivre le déroulé du IGCSE.

Les apprenants se situent dans une situation d’apprentissage – pour la classe de langue – et de performance – pour l’examen – où l’on attend d’eux qu’ils produisent, de façon conforme à la langue et à l’examen.

Spécificité des interactions en classe de langue

Une autre caractéristique de la classe de langue concerne la polyphonie énonciative (Cicurel, 1996, p. 77). Les apprenants et le formateur assument les uns après les autres plusieurs rôles (celui d’enseignante et d’apprenant à la base) qui se superposent à d’autres. L’apprenant prétend être un client dans un jeu de rôle à la boulangerie par exemple, dans le cas de la recherche du sens d’un mot, quand l’enseignant feint de ne pas connaître les réponses par

132 exemple. Lors de jeux de rôle ou de création d’univers fictif, l’apprenant doit produire les énoncés adéquats mais conserve son statut d’apprenant et peut interrompre la conversation et demander le sens d’un mot. Ces échanges polyphoniques sont souvent marqués par un changement de langue, notamment avec la langue médium d’enseignement (Trévisiol, 2006, p. 6). Ainsi le code-switching en classe de langue peut également être signe de polyphonie énonciative, en passant à la langue médium d’enseignement, l’apprenant sort du jeu de rôle et réintègre son statut d’étudiant.

Au sein de la classe de langue, des stratégies de communication sont, comme dans une conversation en milieu « libre » utilisées. Toutefois, certaines stratégies apparaissent de façon plus présente afin de faciliter, de fluidifier les échanges qui sont souvent déséquilibrés : l’apprenant ayant une connaissance moins détaillée de la langue cible que le professeur. Ces stratégies pallient le manque de maîtrise de la langue.

Ces stratégies sont multiples. Bange (1992, p. 5)141 les définit comme étant des stratégies d’évitement qui permettent à l’apprenant d’éviter et de compenser le manque de vocabulaire, de connaissance en morphologie et syntaxe afin de maintenir ouvert le canal de la communication. Bange définit ces stratégies de la façon suivante :

« Les stratégies négatives d’évitement mises à part, ces stratégies de résolution des problèmes de communication se manifestent le plus souvent sous forme d’activités verbales et / ou paraverbales qui interrompent momentanément la poursuite du but de la communication pour écarter un obstacle, réparer une panne qui s’opposait à la poursuite de ce but. » (Bange, 1992, p. 5).

Bange distingue plusieurs types de stratégies142 :

141 Bange s’inspire de Faerch et Kasper (Faerch, Claus et Kasper, Gabriele, 1983. Strategies in interlanguage communication. New York, Longman) et applique les stratégies de la communication à la classe de langue. 142 Ces stratégies communicatives sont très liées à la notion de « face ». La notion de face (cité dans Bange,

1992 : GOFFMAN, Erving, 1974. Interaction Ritual: Essays on Face to Face Behavior, New York, Doubleday Anchor, 1967 ; traduction française par A. Kihm, Les Rites d'interaction, Paris, Éditions de Minuit). La face représente l’image sociale de l’individu communiquant et l’individu protège sa face sociale lors de ses interactions avec autrui afin de préserver son intégrité et ses aspirations à une reconnaissance sociale. Dans la classe de langue où les interactions sont souvent déséquilibrées, la face de l’apprenant est perpétuellement menacée.

133 - Stratégies de réduction où l’apprenant réduit le discours, simplifie ou bien arrête

volontairement la conversation.

- Stratégies d’évitement où l’apprenant paraphrase son sujet, évite certaines tournures ou thématiques afin de ne pas se mettre en danger.

- Stratégies de substitution où l’apprenant remplace certains mots ou expressions par d’autres, mieux maîtrisés.

- Stratégies de réalisation où l’apprenant reformule et persiste dans l’explicitation de ce qu’il souhaite exprimer afin d’arriver au but de son intervention.

Les stratégies sont multiples et peuvent parfois se chevaucher pour permettre plusieurs lectures et interprétations. Dans le corpus, ces stratégies jouent un rôle important, étant donné que l’examen se déroule à l’oral.

b) Période critique

La « période critique » est la période qui définit communément le moment où l’être humain est le plus capable d’acquérir un savoir de façon naturelle et celle-ci se situe à différents âges selon les chercheurs (Singleton, 2008, p. 2).

La pluralité des approches et des théories, nous fait penser que si la période critique existe, elle est influencée par d’autres facteurs : la motivation, l’exposition à la langue, le besoin de s’exprimer dans cette langue, etc. En effet, pour Singleton « Plus on examine « l’Hypothèse de la Période Critique » à la lumière des études de ces dernières années et des réinterprétations d’études antérieures, plus elle a l’air de s’effriter. » (Singleton, 2008, 2008, p.6). Les adolescents qui apprennent une langue étrangère à l’école n’ont ni le temps, ni le besoin de la parler particulièrement. L’exposition est minime, les étudiants de notre étude même si leurs âges les plaçaient dans une période critique, le temps d’exposition et les impératifs de maîtriser la langue seraient trop minimes pour motiver un apprentissage actif tendant vers un niveau d’acquisition courant. Les facteurs qui font que certains réussissent ou non peuvent dépendre de la motivation. Mais cette dernière notion reste très vaste. Est- ce la motivation de s’exprimer, d’avoir de bonnes notes, de faire plaisir aux parents ? Certes les adolescents ont une plus grande facilité – en apparence – pour apprendre les langues

134 étrangères, mais cela réside également dans le fait qu’ils ont à l’école la possibilité de les apprendre.

c) L’enseignement en milieu guidé au lycée

Si la période existe bien, en dépit des différentes considérations d’âge, pour nous l’adolescence fait figure à part. Comme le décrit de façon très pertinente, Jean-Pierre Cuq : « la prime adolescence, à laquelle l’institution décidait jusqu’il y a peu de faire débuter de tels apprentissages, est sans doute une période moins favorable parce que l’enfant subit de profondes transformations physiques et qu’il doit s’adapter à une organisation scolaire très différente et beaucoup moins sécurisante : une confrontation supplémentaire à l’inconnu lui est d’autant plus difficile, surtout du point de vue émotionnel. » (Cuq, 2002, p. 316). Le lycée, qui est le milieu scolaire habituel de l’adolescence, représente un cadre très différent des institutions précédentes, tant en termes d’organisation, de logistique, mais aussi de choix des matières à étudier. Les apprenants se retrouvent dans un milieu plus compétitif, où l’organisation est plus autonome et ils choisissent des matières orientées vers leur avenir professionnel.

Ainsi la passion et l’envie d’apprendre une langue n’est pas toujours ce qui dicte aux apprenants le choix du français, du mandarin ou du malais à l’école. Les apprenants sont plus autonomes dans leur apprentissage et développent un esprit plus critique quant aux matières enseignées, en fonction de leur intérêt dans leur carrière par exemple. La notion de besoin ou non d’apprendre une langue est donc également un facteur important (comme nous le verrons plus tard dans l’analyse des questionnaires).