• Aucun résultat trouvé

ÉTAT DE LA QUESTION

II. ÉTUDES SUR LES MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION ROMAINS EN FRANCEROMAINS EN FRANCE

4) Intérêts pour les matériaux de construction romains

2003a), l’aqueduc de Rungis (Coutelas 2003a), le mausolée de Faverolles (Coutelas 2003a), le sanctuaire de Ribemont-sur-Ancre (Coutelas 2003b), l’agglomération de Reims-Durocortorum (Fronteau 2011), les thermes de Chassenon-Cassinomagus (Coutelas 2012b, 2012d), ou encore l’aqueduc de Meaux-Lantinum (Couturier, Bauchet et Fronteau 2013). La reconnaissance et la description des structures associées permettent ainsi de recenser les diff érentes mentions eff ectuées sur les fours à chaux dans le Nord-Est de la Gaule (Fig. 30), même s’il est rarement indiqué leurs liens potentiels avec la production primaire de ce matériau pour la construction ou avec la récupération de pierres à bâtir calcaires. Toutefois, la comparaison avec les formations géologiques où les sites sont implantés permet de déduire certains sites de récupération des matériaux de constructions. C’est le cas notamment dans le Morvan, se caractérisant par l’absence de ressources calcaires, où les fours à chaux sont destinés aux démantèlements des édifi ces ruinés. La localisation des divers sites de production dans le Nord-Est de la France met en avant une hétérogénéité dans la reconnaissance des structures (Fig. 31). En eff et, une forte concentration des données dans la partie sud de cette région est observée, quel que soit le contexte géologique.

4) Intérêts pour les matériaux de construction romains

À travers la littérature associée à chacun de ces matériaux, dont l’inventaire (Fig. 23 et 26 et 29) nous a permis de dégager les grands axes d’étude, nous pouvons constater que l’intérêt porté par les archéologues et les chercheurs a été pour le moins variable. Souvent, seul un aspect du matériau est analysé, à travers le prisme d’un élément qui lui est particulier. Il en découle une multiplicité des analyses, qui peuvent avoir leurs terminologies et leurs méthodologies propres. Pendant très longtemps, en France, les analyses des matériaux de construction romains sont restées très ponctuelles, voire sporadiques, à l’initiative de quelques chercheurs. Ce n’est qu’à partir des années 1970 pour le mortier de chaux et des années 1980 pour la pierre à bâtir ainsi que les terres cuites architecturales que la recherche s’est considérablement développée autour de plusieurs axes bien défi nis et que nous avons explicités précédemment de manière plus précise. Il s’agit principalement de développements autour de la recherche fondamentale (archéométrie, analyses pétrographiques, etc.) et de l’exploitation des données archéologiques (inventaires, analyses des traces, typo-chronologie, etc.). Ces moments ont été essentiels pour le développement des démarches méthodologiques appliquées pour les analyses, sous l’impulsion de plusieurs chercheurs, et ont permis l’intégration pleine et entière de ces matériaux dans le discours archéologique.

Les diff érents volumes de la Carte Archéologique de la Gaule sont révélateurs de l’intérêt limité qui a été porté aux matériaux de construction romains. En eff et, les ressources naturelles exploitées par l’Homme, d’où est extraite la matière première nécessaire à la production des

éléments du bâti, sont traitées dans un chapitre à part qui développe les thématiques défi nies comme appartenant au « cadre naturel » d’un département (e.g. Lejeune et alii 2004 pour la Marne). L’inventaire des diff érentes ressources disponibles restitue un sous-sol et un paysage pour le département, presque sous la forme d’un décor, plaçant ainsi l’environnement comme un élément statique en déconnexion des activités humaines (au sens où l’exploitation se pratique dans un substrat immuable).

Par ailleurs, pour ce qui concerne le pré-inventaire, présenté dans ces volumes par communes, certains points sont appelés à être discutés quand les matériaux de construction sont mentionnés. Ainsi, pour les constructions en dur, il est souvent précisé que les maçonneries (élévations et fondations) sont édifi ées en pierres sans pour autant indiquer la nature du liant, ni même s’il est présent ou non. Il est donc diffi cile d’apprécier à partir de ces informations l’emploi du mortier de chaux, ou de tout autre liant, sans revenir aux données brutes du terrain.

De même, le fait que la tuile (tegula et imbrex) conforte une attribution chronologique à la période gallo-romaine en l’absence d’autres catégories de mobiliers est très largement contestable. En eff et, les opérations archéologiques récentes ont montré que les tuiles apparaissent en Gaule interne bien avant la conquête romaine. Les exemples des sites de la « rue du Souvenir » à Lyon (Desbat 2003), de la « Croix du Buis » à Arnac-la-Poste (Toledo I Mur 2002) et de Sennecé-lès-Mâcon (Barthèlemy et alii 2009) sont particulièrement représentatifs de l’emploi de matériaux de construction romains en contexte laténien. De plus, la production de tegulae et d’imbrices est bien attestée au haut Moyen-Âge, comme le montre l’atelier mis au jour à Saran (Loiret), où ces éléments de couverture accompagnent des antéfi xes, des tegulae mammatae, des tuyaux (tubulures ?), des briques, des modillons, etc. (Jesset 2014).

L’intérêt porté à ces matériaux de construction répond ainsi à diff érentes problématiques soulevées par les études menées ces dernières décennies.

Ainsi, les questions économiques correspondent à l’un des axes de recherche les plus représentés dans la littérature. La diff usion des matériaux est un point traité important, qui met en relief les voies de circulation et les réseaux commerciaux liés à la construction. Pour la pierre à bâtir, l’apport des connaissances géologiques et la caractérisation de l’extraction de la matière dans les centres carriers ont permis de mettre en avant l’ « attraction » des chantiers de construction sur les ressources lithiques de leur environnement. De même, la détermination des constituants des mortiers de chaux, et les analyses chimiques, font fortement appel à la reconnaissance des sources ayant pu fournir le calcaire et les sables employés. Si la caractérisation pétrographique des matériaux de construction en terre cuite est moins fréquente, d’autres méthodes ont été développées pour discuter de leur diff usion et de leur circulation dans certaines régions, notamment à travers l’inventaire des diverses marques et estampilles qui peuvent y être apposées.

Par ailleurs, l’aspect technique de la production de ces matériaux de construction est un volet de la recherche particulièrement développé. En eff et, les diverses étapes des chaînes opératoires

sont détaillées le plus précisément possible pour comprendre les vecteurs qui infl uencent le plus fortement la mise en forme et la mise en œuvre des produits fi nis. Les stratégies appliquées à l’extraction de la pierre sont explicitées et trouvent souvent leurs réponses dans la nature et les modes de dépôts des formations lithiques. Par ailleurs, l’extraction et la mise en forme des matériaux sont mieux comprises grâce à la caractérisation des outils employés. Si ces derniers peuvent être accessibles par l’expérimentation et les études ethnographiques (Bessac 1987), ce sont souvent les seules traces laissées qui fournissent un argumentaire raisonné. Pour les terres cuites architecturales, la recherche de modules et de critères typo-chronologiques passe par la mise en évidence des diff érentes étapes de leur production, du moulage à la cuisson qui amorce un retrait de l’argile (Charlier 2011). Les diverses marques rencontrées peuvent aussi permettre de discuter de l’organisation et de la gestion des ateliers de production. Enfi n, les nombreuses analyses pétrographiques et chimiques sur le mortier de chaux ont aussi pour vocation de caractériser les mélanges eff ectués, leur qualité et leur pérennité. Les structures permettent également de défi nir les diff érentes étapes qui permettent la production de cette matière et la logistique nécessaire pour son stockage et sa protection avant sa mise en œuvre (Coutelas 2009).

Du traitement de ce dernier aspect découle, le plus souvent, la restitution architecturale des édifi ces concernés. En eff et, la caractérisation de la forme des matériaux ou de la nature pétrographiques des ressources exploitées met en évidence les logiques qui régissent l’emploi de ces éléments dans la construction. Ces considérations dirigent les réfl exions vers les problématiques de l’architecture pour comprendre l’état d’un bâtiment avant sa ruine. Les propriétés techniques des roches, la présence d’un liant dans les maçonneries et la mise en œuvre des terres cuites architecturales permettent ainsi de discuter de la hauteur des élévations, de la pente des toits, de la position d’une colonnade, etc. Nous pouvons mentionner à ce sujet les hypothèses avancées pour la restitution de l’édifi ce à plan basilical de l’oppidum de Bibracte en Bourgogne (Szabó, Timár et Szabó 2007) ou encore celle du sanctuaire de Chasseron dans le Jura vaudois (Luginbühl, Cramatte et Hoznour 2013).

Plus rarement, les conditions socio-économiques peuvent être évoquées pour les lieux d’extraction ou les ateliers de production, tant à travers l’onomastique, pour les estampilles ou les marques laissées sur les fronts de taille, que par le biais des graffi ti qui peuvent détailler des comptes (Charlier 1999 ; Monthel 2002). Ces éléments permettent ainsi de réfl échir aux acteurs responsables de cette production et sur le statut juridique des artisans tuiliers.

À l’image de ce qui est connu pour les roches décoratives (e.g. Brunet-Gaston et alii 2006), l’aspect esthétique est parfois traité en raison des jeux de couleur dans la construction (teintes naturelles ou d’altération de la roche, présence d’engobe sur les tuiles, etc.).

Ces voies d’interprétations habituelles, économique, technique, architecturale, esthétique, etc., participent pleinement au discours archéologique pour discerner les vecteurs qui infl uencent les modes de construction romains. Toutefois, ces matériaux ne sont jamais évoqués dans

ces études en tant que marqueurs culturels participant aux phénomènes d’apparition et de diff usion de traits nouveaux lors des contacts établis entre les Gaulois et le monde romain. Nous nuancerons toutefois ce propos avec la tenue de deux colloques récents à Toulouse et à Tübingen qui développent particulièrement ce paradigme, dont l’un n’est pas encore publié (Lipps 2017 ; Guichard et Vaginay à paraître).