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ANALYSE MULTISCALAIRE DES MODES DE CONSTRUCTION

II. EMPLOI ET PRODUCTION DE MATÉRIAUX À L’ÉCHELLE DE SITES DE RÉFÉRENCEDE SITES DE RÉFÉRENCE

3. Autun-Augustodunum, une continuité des savoir-faire acquis

Amorcer l’étude des matériaux de construction lithiques et en terre cuite est un pré-requis si nous voulons comprendre la diversité des modes de construction entre l’oppidum de Bibracte et la ville d’Autun-Augustodunum. L’utilisation de protocoles d’études identiques est nécessaire pour permettre des comparaisons signifi catives et mettre en évidence la dialectique qui se développe entre ces deux sites fortement liés, notamment lors des occupations contemporaines. La connaissance des contextes les plus précoces de la capitale et la caractérisation des matériaux mis en œuvre alors montrent la pérennité des savoir-faire et permettent de réfl échir aux sources d’approvisionnement. Cependant, ces occupations datées de la fondation d’Autun restent encore rarement abordées par l’archéologie (Labaune et Kasprzyk 2015).

L’application du protocole d’études défi ni à Bibracte (Delencre et Garcia 2012) pour les terres cuites architecturales a permis sa validation par l’épreuve du terrain dans des contextes archéologiques diff érents puisque la connaissance sur la ville d’Augustodunum est principalement acquise lors d’opérations archéologiques préventives. La défi nition du référentiel de pâtes, par

l’analyse pétrographique macro- et microscopique, met en évidence des similitudes avec les matériaux de construction en terre cuite mis en œuvre à Bibracte. En eff et, la reconnaissance des mêmes types de pâtes montre qu’Autun est approvisionné par des ateliers qui sont les mêmes qui fournissent l’oppidum en matériaux ou qui, tout au moins, exploitent les mêmes ressources naturelles. Ces dernières semblent dans tous les cas être locales et ont permis la production de terres cuites architecturales depuis la fondation de la ville jusqu’aux derniers temps de l’époque gallo-romaine.

Si défi nir les sources d’approvisionnement des matériaux de construction lithiques a été une étape nécessaire à mettre en œuvre lors de cette étude, un biais important a été révélé très rapidement en raison de l’absence d’échantillonnage dans les premiers contextes d’occupations d’Autun. De ce fait, si la comparaison avec l’oppidum de Bibracte reste pertinente, les matériaux employés ne peuvent être strictement confrontés. Seuls les vestiges encore en élévations permettent d’obtenir des informations sur cette période liée à la fondation de la ville. C’est le cas des deux portes, la Porte d’Arroux et la Porte Saint-André, qui restent toutefois dans un contexte particulier, celui d’une fortifi cation, qui n’est pas représentatif du cadre domestique, par exemple. Ainsi, l’identifi cation des faciès et la localisation des affl eurements ont été rendus possibles par la connaissance de la géologie régionale. La comparaison avec Bibracte montre par ailleurs la pérennité de certaines ressources lithiques qui approvisionnent les deux sites en matériaux de construction. L’analyse des fonctions architecturales et des natures pétrographiques permet de défi nir des tendances dans cet approvisionnement avec des choix, très similaires avec ceux reconnus à Bibracte, qui infl uencent fortement l’emploi de la pierre. Les aspects économiques, techniques et architecturaux, symboliques et culturels, les habitudes d’exploitation ont ainsi pu être évoqués.

Dès la fondation d’Autun-Augutodunum, des similitudes avec l’oppidum de Bibracte sont très présentes dans les modes de constructions. Les premières habitations sont en terre et bois, tandis que la couverture emploie la tuile de terre cuite. Ainsi, le mode de conception de ces édifi ces n’a pas totalement été abandonné, malgré l’apparition des premiers bâtiments de pierres liées au mortier de chaux à Bibracte autour du milieu du Ier siècle avant J.-C. Ces derniers constituent une partie de l’architecture domestique quand le rempart est édifi é à partir de ressources lithiques nombreuses, variées et ordonnées. Qu’il s’agisse des terres cuites architecturales ou des matériaux de construction lithiques, nous avons pu constater que les sources d’approvisionnement sont, pour cette époque, identiques entre Bibracte et Augustodunum. Si les fouilles archéologiques mettent en évidence une pétrifi cation très avancée de la capitale seulement à partir de l’époque fl avienne, l’emploi de la pierre reste très similaire. Le gros œuvre, et principalement les maçonneries, fait appel très majoritairement à des ressources locales. Par ailleurs, les besoins architecturaux de pierres aux fonctions très spécifi ques demandent une grande diversité de faciès dont les affl eurements exploités peuvent être localisés à plusieurs dizaines de kilomètres du site. Ces bâtiments mettent aussi en œuvre

un grand nombre de matériaux de construction en terre cuite : tuiles de couverture, antéfi xes, briques de divers formats, éléments liés à des hypocaustes, etc.

S’il est diffi cile de déterminer les commanditaires et les acteurs de la fondation d’une nouvelle ville, et a fortiori d’une nouvelle capitale, à partir des matériaux de construction, ceux-ci semblent toutefois exploiter de manière cohérente les ressources de l’environnement régional. Ces acteurs sont liés, s’ils ne sont pas identiques, à ceux qui opèrent sur l’oppidum de Bibracte et qui sont à l’origine des nouveaux modes architecturaux mis en place très précocement. Ce point ressort particulièrement par la pérennité des sources d’approvisionnement, qui fait écho à la continuité des savoir-faire employés. Dans un premier temps, nous pouvons penser à un démantèlement de Bibracte au profi t des nouvelles constructions à Autun-Augustodunum pour expliquer cette reconnaissance des mêmes types de pâtes pour les terres cuites architecturales et des mêmes ressources lithiques. En eff et, certains matériaux semblent avoir été assez précieux pour la construction comme le Calcaire oolitique de Fontaines, identifi é pour les bases et les chapiteaux de colonne. La provenance de ces matériaux et leur mise en œuvre en font donc des objets de récupération dignes d’intérêt. Leur réutilisation à Autun permet de minimiser les coûts, d’avoir des éléments de qualité pour la construction et est symboliquement importante en pouvant témoigner d’un certain attachement envers l’oppidum. C’est le cas des briquettes d’opus spicatum découvertes en contexte de comblement sur le site du 17B rue Carion et qui sont identiques aux matériaux employés dans l’état 4 de PC1. Par ailleurs, la domus de PC1 dans son dernier état présente aussi des traces de récupérations des matériaux (Paunier et Luginbühl 2004, p. 126). Le mobilier associé à cette phase de la domus reste peu abondant, même s’il concerne principalement l’architecture. Ceci donne un argument en faveur d’une récupération méthodique et d’un nettoyage des pièces, contemporains ou postérieurs à l’abandon du bâtiment (Martini et Hamon 2015, p. 266).Toutefois, l’observation des mêmes types de pâtes et des mêmes natures pétrographiques jusqu’au IVème siècle après J.-C. permet d’y voir une continuité des productions et des exploitations dont la mise en place s’est eff ectuée vers le milieu du Ier

siècle après J.-C.

L’exploitation du schiste bitumineux est un bon exemple de ce lien mis en évidence entre Bibracte et Autun. En eff et, la présence importante de cette roche pour la décoration (cadres moulurés, cadres ornés, plinthes, corniches, tesselles de mosaïque, etc.) des bâtiments d’Augustodunum (Rebourg 1996) prend appui sur une même utilisation du schiste à Bibracte. La chronologie est ici un point important, notamment au vu des indices d’occupations laténiennes dans le quartier de la Genetoye. La question des vecteurs d’implantation de la capitale antique se pose au regard de cette exploitation locale au bassin autunois. Si cette hypothèse est tentante, l’archéologie ne permet cependant pas de la confi rmer dans la mesure où aucun élément en schiste bitumineux n’a été découvert à Bibracte dans des contextes antérieurs à l’époque augustéenne. De fait, l’édifi ce à plan basilical de la Pâture du Couvent, pourtant susceptible d’accueillir ce type de décor, ne présente aucun fragment en place pouvant témoigner de l’utilisation de cette

roche. Cependant, cette matière peut avoir été exploitée plus anciennement comme l’attestent les bracelets hallstattiens ou laténiens découverts à Montcombroux dans l’Allier (Rebourg 1996, p. 111). Les questions posées par l’exploitation et par l’emploi du schiste bitumineux sur l’oppidum de Bibracte sont des axes de recherches à développer dans l’avenir pour affi ner notre compréhension des deux sites et pour mettre en évidence l’impact des ressources lithiques sur la construction d’une ville au niveau architectural et artisanal.

La succession d’Autun-Augustodunum à l’oppidum de Bibracte en tant que chef-lieu de cité n’est donc pas seulement vraie pour la question du statut de la ville, mais se repère aussi dans les savoir-faire acquis pour la construction. Si la nouvelle capitale est pleinement romaine dans sa conception, les acteurs semblent être les mêmes entre les deux sites. Autun-Augustodunum se révèle donc être l’accomplissement des liens tissés par les Éduens avec Rome et la romanité amorcés pour les constructions de Bibracte.

3) Des matériaux produits par l’armée romaine : les tuiles estampillées sur le