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Instrumentation de la corruption et du PIB

1.3 Effet de la corruption sur les parts de dépense sectorielle dans le budget :

1.3.2 Instrumentation de la corruption et du PIB

Comme nous l’avons mentionné plus haut, l’analyse de l’impact de la corruption sur la structure du budget peut se heurter à un problème d’endogénéité, qui peut être dû à trois facteurs.

L’endogénéité peut tout d’abord provenir d’une erreur de mesure due au fait que le phé-

21Krueger (1990) montre que c’est le cas en présence d’un gouvernement défaillant.

22Ici, les résidus sont hétéroscédastiques si plus le niveau de corruption est élevé, plus les variations entre

les parts de dépense allouée à un secteur dans deux pays différents sont importantes.

23La matrice de corrélation des résidus présentée dans le tableau 1.9 en annexe confirme cette hypothèse :

les décisions relatives à l’affectation des dépenses à l’un ou l’autre des secteurs dépendent, outre le niveau de corruption, de facteurs communs – essentiellement institutionnels.

nomène observé (Corruption∗), tel qu’il est décrit par les données, n’est pas le niveau réel

de corruption (Corruption). Cette variable est en effet un agrégat de données quantitatives et qualitatives. La corruption réelle est alors fonction de la variable observée et d’un terme d’erreur : Corruptionit= Corruption∗it+ ǫit.

Le biais d’endogénéité peut également être dû à l’omission de variables explicatives corrélées avec le niveau de corruption. Il se peut, par exemple, que les décisions d’affectation du budget de l’État et le niveau de corruption dépendent également des cycles politiques, qui ne sont pas pris en compte dans notre modèle. De façon plus générale, le problème majeur de cette étude est que des caractéristiques inobservables peuvent favoriser d’une part la corruption, d’autre part les dépenses de prestige. Le modèle est alors sous-spécifié et conduit à mener avec précaution les analyses ceteris paribus et les interprétations en termes de causalité.

Enfin, nous l’avons évoqué plus haut, le biais d’endogénéité peut s’expliquer par un biais de simultanéité, autrement dit une causalité inverse entre niveau de corruption et structure du budget.

De la même façon, le PIB PPA constant par tête, bien qu’il soit retardé d’une année, est certainement affecté par la structure des dépenses publiques de l’année précédente, qui a également une influence sur la structure actuelle des dépenses mais n’est pas prise en compte dans le système estimé. Cette variable a donc toutes les chances d’être également endogène.

Les biais d’endogénéité qui peuvent affecter la corruption et le PIB par tête impliquent que, dans chacune des neuf équations, ces deux variables sont corrélées avec le terme d’er- reur. Dans ce cas, l’estimation par moindres carrés ordinaires des coefficients qui leur sont associés produit des estimateurs biaisés et non convergents. Pour obtenir un estimateur sans biais et convergent de l’effet de la corruption et de celui du PIB, il est nécessaire d’instrumenter ces variables.

Pour instrumenter la corruption et le PIB par tête, nous utilisons ici la valeur absolue de la latitude du pays (latitude) – qui indique la distance à l’équateur – comme instrument externe, les variables exogènes du modèle étant utilisées comme instruments internes.

Cette variable constitue une proxy des dotations géographiques. Elle a précédemment été utilisée comme instrument pour la qualité des institutions par Hall et Jones (1999) et Easterly et Levine (2003). Le motif économique qui justifie l’utilisation d’un tel instrument réside dans le fait que les caractéristiques géographiques d’un pays influençaient la for- mation d’institutions durables (Acemoglu et al., 2001) qui elles-mêmes affectent l’étendue actuelle de la corruption. Dans des environnements hospitaliers, les colonisateurs européens ont été incités à développer des colonies d’implantation et ont mis en place des institutions permettant de protéger la propriété privée et de contrôler le pouvoir de l’État (ce fut le cas de l’Inde par exemple). À l’inverse, dans des environnements plus « hostiles », la stratégie de colonisation a consisté davantage à extraire les richesses du pays colonisé (cas du Brésil, du Congo, de la Côte d’Ivoire), en mettant en place des institutions qui renforçaient le pouvoir des élites et les protégeaient (Engerman et Sokoloff, 1997). Or, l’influence de ces institutions mises en place par les Européens a perduré après les indépendances.

L’utilisation de la latitude comme instrument pour le revenu par tête s’appuie sur les travaux de Sachs et Warner (1997), Sequeira (2003) et Rodrik et al. (2004), qui montrent qu’il existe une corrélation positive et significative entre la distance à l’équateur et le PIB par habitant24. Cet instrument fait cependant l’objet de nombreuses critiques. Ainsi, dans

les travaux de Acemoglu et al. (2002b) les dotations géographiques, et en particulier la distance à l’équateur, ne semblent pas avoir d’influence particulière sur le niveau de richesse actuel des pays. Ces auteurs invalident donc l’hypothèse selon laquelle le développement économique aurait été favorisé par la proximité avec l’équateur vers 1500 puis, au contraire, dans les zones tempérées avec l’arrivée de technologies « appropriées ». Nous mettons ici en évidence une corrélation significative entre PIB par tête et distance à l’équateur, ce qui fait de cette dernière variable un instrument envisageable.

Par ailleurs, cette variable a peu de chances d’être corrélée avec la structure du budget. En effet, dans des pays où les conditions géographiques sont défavorables à l’agriculture, le gouvernement pourrait chercher à compenser ce handicap en investissant massivement dans

24La pluviométrie aurait pu constituer un instrument intéressant pour le revenu par tête, introduit par

Miguel et al. (2004) pour instrumenter le taux de croissance. Mais il n’est fortement corrélé à ce dernier que dans les pays d’Afrique et n’est donc pas adapté pour une analyse globale.

le secteur agricole ou, au contraire, à privilégier le potentiel industriel (c’est notamment le cas dans l’Afrique post-coloniale). Or, ces deux secteurs étant regroupés dans la catégorie « autres activités économiques », ces effets s’annulent. On peut donc penser que l’impact de la latitude sur l’allocation sectorielle des dépenses passe quasiment uniquement par un effet indirect à travers les deux variables instrumentées : le niveau de corruption et le PIB par tête.

Nous avons également cherché à instrumenter la corruption par le taux de mortalité des colons et par l’indice de fractionnement ethno-linguistique. Le premier, introduit par Acemoglu et al. (2001), fournit un bon indicateur du choix d’implantation des colons, qui se sont plutôt établis dans des zones à faible taux de mortalité et y ont développé des ins- titutions plus favorables au commerce et à la croissance que dans les colonies d’extraction. Cependant, ces variables étaient trop peu corrélées à la corruption pour pouvoir les retenir comme instruments.

Nous menons différents tests pour évaluer la validité et la pertinence des instruments. Ces tests sont rapportés en bas de tableau. La relation d’exclusion implique qu’un « bon instrument » n’affecte la variable expliquée qu’à travers son effet sur la variable explicative endogène. L’absence d’un effet direct des instruments sur la part des dépenses publiques est confirmée par le test de suridentification de Sargan25. Il permet en effet de tester la

condition d’orthogonalité selon laquelle l’instrument ne doit pas être corrélé avec d’autres variables explicatives de Y qui auraient été omises : E(Z′

u) = 0, où Z désigne la variable instrumentale et u le terme d’erreur. Si cette condition n’est pas respectée, les instruments ne sont pas valides.

La statistique de Fisher de la première étape d’instrumentation des variables explica- tives endogènes permet de conclure sur la qualité de la prédiction des régresseurs par les instruments. Staiger et Stock (1997) montrent que si la valeur de la F statistique est supé- rieure à 10, les instruments ne sont pas faibles, le modèle est bien identifié, donc l’inférence

25Notons que pour obtenir le test de Sargan et les résultats des régressions de première étape, ainsi que

le test de Durbin-Wu-Hausman, nous estimons chacune des neuf équations du système séparément par la méthode des doubles moindres carrés.

robuste.

Enfin, nous rapportons le test du χ2 de Durbin-Wu-Hausman (DWH) qui est un test

d’endogénéité équivalent au test de Hausman. L’hypothèse nulle est qu’une estimation par moindres carrés ordinaires de la même équation fournit des estimateurs consistants. Si l’hypothèse nulle est rejetée, l’endogénéité des régresseurs conduit, sans instrumentation, à des estimations biaisées.