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3.5 Tests de robustesse

3.5.3 Y a-t-il un biais de sélection ?

Dans notre échantillon, 41% des entreprises ne répondent pas à la question sur la fré- quence de la corruption législative et 36% sur la fréquence de la corruption administrative. La figure 3.5 en annexe représente les taux de non-réponse par pays. Si la non-réponse n’est pas aléatoire et si elle est corrélée à la fréquence de la corruption, alors l’inférence basée sur des estimations classiques par probit ordonné est biaisée : le biais de sélection serait dû à la restriction de l’analyse à un échantillon non choisi au hasard.

Dans notre cas, l’équation de sélection est de la forme :

y∗ 1i= x ′ 1iβ1+ u1i (3.2) y1i = 1 si y ∗ 1i > 0 ; y1i = 0 sinon (3.3)

de sorte que y2i est observé si et seulement si y1i= 1. L’équation d’intérêt est :

y∗ 2i= y

∗∗

y∗∗ 2i = x ′ 2iβ2+ u2i (3.5) y2i= 1 si y ∗ 2i≤ µ1 y2i= 2 si µ1 < y ∗ 2i ≤ µ2 ... y2i= 6 si µ5 < y ∗ 2i. (3.6)

À partir des équations (3.4) et (3.5), nous obtenons :

E(y∗

2i|x1i, y1i = 1) = x′2iβ2+ E(u2i|x1i, y1i= 1). (3.7)

Il y a un biais de sélection si les termes d’erreur u1i et u2i sont corrélés, c’est-à-dire si

E(u2i|x1i, y1i= 1) 6= 0. Dans ce cas, les estimations classiques par probit ordonné donnent

des estimateurs inconsistants.

Plusieurs méthodes peuvent être utilisées pour résoudre ce problème. Les modèles tobit ne sont pas appropriés pour deux raisons : ils s’appliquent à des données continues et ils nécessitent que tous les déterminants de la non-réponse soient identiques à ceux de la fréquence de corruption. Les modèles de sélection de Heckman exigent que certains facteurs de non-réponse soient spécifiques à l’équation de sélection mais ils s’appliquent également à des variables expliquées continues dans l’équation d’intérêt. Ici nous utilisons donc un modèle probit ordonné censuré qui convient aux variables endogènes polytomiques ordonnées dans l’équation d’intérêt et qui permet que certaines variables explicatives soient différentes dans les deux équations.

Nous incluons un terme de correction pour E(u2i|x1i, y1i = 1), comme le suggère He-

ckman (1979), afin de prendre en compte un potentiel biais de sélection. Nous supposons que

E(u2i|x1i, y1i = 1) = γ[y1i− E(y1i|xi)]. (3.8)

L’équation (3.5) devient donc :

y∗∗ 2i = x ′ 2iβ2+ γ[y1i− φ(x ′ 1iβb1)] + η2. (3.9)

Nous procédons en deux temps, les résultats sont présentés dans le tableau 3.9. Pre- mièrement, nous effectuons une régression probit de l’équation de sélection qui permet de mettre en évidence les principaux facteurs de réponse aux questions sur la corruption légis- lative (première colonne) et sur la corruption administrative (troisième colonne). À partir de cette régression, nous construisons la variable Selection = y1i− φ(x′1iβb1) = cu1i. Ensuite,

nous estimons l’équation d’intérêt par probit ordonné : nous régressons la fréquence de la corruption législative (colonne 2) et la corruption administrative (colonne 4) sur les facteurs pertinents retenus dans la section 3.4 et augmentés de la variable Selection.

Dans les colonnes Réponse CE et Réponse CA, nous rapportons les résultats des estima- tions probit des facteurs de réponse. Les spécifications finales sont retenues selon la même procédure que celle décrite pour notre modèle principal (voir section 3.4). Les colonnes 1.13.S et 2.12.S correspondent aux régressions de la fréquence de corruption, respective- ment législative et administrative, augmentées du terme de correction pour le biais de sélection.

Le terme de correction Selection inclus parmi les régresseurs des deux équations d’inté- rêt (1.13.S) et (2.12.S) a une z-statistique très faible dans les deux régressions, corruption législative et administrative. Ceci implique qu’il n’y a pas de caractéristiques non obser- vables significatives qui déterminent à la fois la probabilité de réponse (P (y1i = 1)) et la

fréquence attendue de la corruption (E(y∗

2i|x1i)) : le biais de sélection n’est pas significatif.

Comme test de robustesse pour l’existence d’un biais de sélection, nous calculons le ratio de vraisemblance basé sur l’hypothèse nulle que le vecteur paramètre du modèle satisfait la contrainte de sélection. Le ratio de vraisemblance est égal à 15.24 avec une p-value associée inférieure à 5.10−3. Par conséquent, l’estimation par probit ordonné à la Heckman peut

être considérée comme équivalente à la combinaison d’un probit pour la réponse et d’un probit ordonné pour le résultat, c’est-à-dire la fréquence de la corruption.

La probabilité de répondre à la question sur la fréquence de corruption législative décroît de façon significative avec le respect des règles fiscales et l’âge de l’entreprise. Les entre- prises établies au Maroc et celles qui ne travaillent pas dans l’industrie agroalimentaire sont plus susceptibles de répondre à cette question. De la même manière, les entreprises

Tab. 3.9 – Biais de sélection : Estimations par probit ordonné à la Heckman

Modèle Réponse CE 1.13.S Réponse CA 2.12.S

Variables Corruption Corruption

explicatives législative administrative

F raude.10−1 0.37a (0.09) F raude2 .10−3 -0.30b (0.13) Compet -0.70a -0.58a (0.18) (0.20) DroitsP rop -0.34c (0.18) Regl -0.46b (0.20) Capital.10−9 -0.33b -0.07a (0.15) (0.02) P DG 0.45b (0.18) N bEmp.10−2 -0.15b (0.06) Annee.10−3 0.28a 0.32a (0.10) (0.04) CapEtr.10−2 0.65b (0.26) T unisie -0.48c -0.55a (0.26) (0.12) M aroc 0.54a (0.12) AssurF in.101 -0.83a -0.80a (0.02) (0.02) Hotel.101 -0.10b (0.04) T ransport -0.89c (0.52) IndConstru -0.76a 0.77a (0.23) (0.25) IndAgroal -0.43b (0.18) IndElec -0.39b (0.20) Selection 1.10 0.22 (0.98) (0.81) Observations 534 212 508 201 Log-vraisemblance -346.20 -231.62 -310.20 -263.74

Méthode probit oprobit probit oprobit

Notes : Les écarts type sont entre parenthèses : la significativité des coefficients notésan’est

pas rejetée au seuil de 1%, celle des coefficients marquésbne l’est pas à 5% etcà 10%.

L’hétéroscédasticité des résidus est corrigée par la méthode de White.

Les colonnes Réponse CE et Réponse CA rapportent les estimations par probit des facteurs de réponse, les deux autres les estimations des spécifications finales incluant la variable Selection.

plus anciennes sont plus susceptibles de s’autocensurer quant à leur pratique de la corrup- tion administrative, ainsi que les entreprises tunisiennes et les entreprises ayant une part importante de capital national (privé ou public) par rapport au capital étranger. Enfin, la probabilité d’autocensure sur la corruption administrative est plus élevée pour les en- treprises dans les secteurs du bâtiment et de l’électricité. En revanche, la taille des firmes (leur capital ou le nombre de leurs employés) ne permet pas de discriminer les entreprises les plus réticentes à répondre à ces questions sur la corruption. Cependant, comme nous l’avons mentionné, l’autocensure n’a pas d’influence significative sur les deux formes de corruption. La significativité des facteurs les plus pertinents pour les spécifications finales des deux formes de corruption n’est pas affectée par l’introduction du terme de correction Selection.