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A La création et l’évolution de la Cour

La Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, élaborée au sein du Conseil de l’Europe a été signée à Rome le 4 novembre 1950. Elle consacre d’une part, des droits et libertés civils et politiques et d’autre part met en place un dispositif visant à garantir le respect de ces droits et libertés par les États contractants. Veiller à l’application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et établir quels sont les États qui ne la respectent pas est, en effet, le domaine réservé de la Cour européenne des droits de l’homme (Evans et Morgan, 1998). Ce mécanisme prévu par les instances européennes offre, une fois les voies de recours internes épuisées, la possibilité de saisir une véritable juridiction qui peut prononcer à l’égard d’un État une condamnation avec force obligatoire. La Convention instaure donc un contrôle supranational des actes et des organes étatiques, le plus souvent sur l’initiative d’individus érigés alors en véritables sujets de droit international. Il s’agit d’un mécanisme de contrôle juridictionnel qui s’intéresse à des cas individuels.

A l’origine, le mécanisme de contrôle se composait de trois institutions : la Commission européenne des droits de l’homme (instituée en 1954), la Cour européenne des

droits de l’homme (mise en place en 1959) et le Comité des ministres du Conseil de l’Europe (composée des ministres des affaires étrangères des États membres). Les particuliers ne pouvaient saisir directement la Cour mais se voyaient octroyés la faculté de saisir la Commission. La Commission était alors chargée de l’examen préliminaire des requêtes, de statuer sur leur recevabilité et de transmettre au Conseil des ministres un rapport formulant un avis sur le fond de l’affaire. Seuls la Commission et les États pouvaient saisir la Cour pour qu’elle rende une décision. Dans les cas où la cour n’était pas saisie (sa compétence n’étant que facultative), le Comité des ministres décidait s’il y avait, ou non, violation de la Convention.

Depuis l’entrée en vigueur de la Convention, 13 protocoles ont été adoptés afin notamment d’ajouter des droits, permettre à la Cour de rendre des avis consultatifs, d’organiser les institutions et surtout de restructurer les mécanismes de contrôle. Le nombre croissant d’affaires soumises et l’adhésion de nouveaux États rendaient de plus en plus difficile ce fonctionnement procédural long et complexe et appelaient une réforme du système. Le protocole numéro 11 eut alors pour but de simplifier la structure et de raccourcir les délais en remplaçant les anciennes Cour et Commission par une Cour unique et permanente. De plus, depuis l’entrée en vigueur de ce protocole, le 1er novembre 1998, la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes individuelles est devenue obligatoire (art.34 de la Convention révisée). Si l’engagement des États à accepter la compétence de la Cour et de la Commission à être saisies directement par des particuliers était jusqu’alors facultatif; désormais le recours individuel est une clause obligatoire et existe donc de plein droit.

Depuis cette évolution, la charge de travail de la Cour a connu une augmentation significative. Le nombre de requêtes enregistrées est passé de 5979 en 1998 à 13858 en 2001, soit une hausse de 130% environ (CEDH, 2003).

B La composition de la Cour

Entrée en vigueur le 3 septembre 1953, la Convention est aujourd’hui ratifiée par les 46 États membres du Conseil de l’Europe. La Cour se compose d’un nombre de juge égal à celui des États contractants (art.20), soit au 1er janvier 2006, 45, le siège de Monaco étant vacant. Les juges sont élus pour 6 ans par l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Ils siègent à titre individuel et ne représentent aucun État. Il n’existe d'ailleurs aucune restriction quant au nombre de juges possédant la même nationalité. Les juges ne peuvent exercer aucune activité incompatible avec leur devoir d’indépendance et d’impartialité et ils doivent démontrer la disponibilité requise par une activité exercée à temps plein18.

La Cour élit un président ainsi que deux vice-présidents et deux présidents de section qui président les quatre sections qui composent la Cour. Cette division structurelle de la Cour est de nature organisationnelle et non pas thématique comme le mentionne Dominique19, juge à la CEDH :

La cour n’est pas spécialisée, il n’y a pas de sections spécialisées. C'est impossible parce qu’une affaire pose toujours beaucoup de questions en même temps. Une affaire de détention peut poser en même temps une question de droit administratif, savoir s’il y a des recours, une question de droit civil, le détenu ne peut pas voir ses enfants. Donc non, il y a pas du tout une division par thème…

La composition de chaque section doit représenter de la façon la plus équilibrée possible les femmes et les hommes, les différentes régions géographiques ainsi que les différents systèmes juridiques des pays membres. Malgré les défis que cela pouvait représenter, le mélange ne semble pas poser de problèmes majeurs.

18 Article 21 de la CSDH.

19 Nous avons attribué aux personnes interviewées des noms fictifs afin de respecter l’anonymat et la confidentialité à laquelle nous nous sommes engagée.

Ça se passe bien, ça se passe très bien parce que bon…les systèmes juridiques sont différents et pas différents que ça quand même, soyons clairs. Au point de vue technique… c'est pas tellement différent et puis, je dirais nous, notre problème ici c'est pas de faire du droit grec ou bulgare ou anglais. Notre grammaire commune c’est la Convention donc c’est ça que l’on examine tous (Dominique, juge à la CEDH).

Au sein de chaque section, des chambres de sept juges sont constituées selon un système de rotation. Le juge élu au titre de l’État concerné siège toujours de plein droit qu’il soit ou non membre de la section (art. 27). Dix-sept juges composent la Grande Chambre de la Cour.

C Le fonctionnement de la Cour : recevabilité et procédure

La Cour européenne présente la possibilité à tout État contractant ou tout particulier qui s’estime victime d’une violation de la Convention par un État contractant de présenter une requête. La Cour exige que les requérants aient épuisé toutes les voies de recours internes, ceci afin de permettre aux États de régler eux même les violations commises dans le respect du principe de subsidiarité. Les requérants individuels peuvent soumettrent eux même leur requêtes mais l’assistance d’un avocat sera requise par la suite et facilitée par un système d’assistance judiciaire. La procédure est contradictoire et publique. Les mémoires et les documents déposés sont également publics et les audiences, quand elles ont lieu, sont accessibles au public.

Pour chaque requête, une section de la Cour est désignée et un rapporteur procède à un premier examen afin de décider si la requête sera transférée à un comité de trois membres ou une chambre. La chambre examine ensuite les requêtes directement attribuées ainsi que les requêtes déclarées irrecevables par un comité. La procédure est généralement écrite mais la chambre peut parfois décider la tenue d’une audience publique. S’il s’agit d’une question grave relative à l’interprétation de la Convention, la chambre peut se dessaisir en faveur de la Grande Chambre. La chambre désignée se prononce sur la

recevabilité et sur le fond des requêtes par des décisions motivées et publiques. Les chambres statuent à la majorité et tout juge impliqué peut joindre à l'arrêt une déclaration de dissentiment ou l’exposé de son opinion séparée. Un arrêt devient définitif et contraignant pour l’État défendeur concerné après l’expiration d’un délai de trois mois20. Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe est responsable de la surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour. Il est chargé de vérifier si les États jugés coupables de violation de la Convention ont pris les mesures requises pour se conformer aux arrêts de la Cour.

2 La jurisprudence de la Cour européenne et les droits des personnes