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Influence des paramètres de la formulation de la suspension

IV.4 Influence de la concentration des MSN dans la suspension

La quantité relative entre les deux constituants du vecteur chargé ainsi que les conditions de dispersion de la suspension ont été étudiés précédemment. D’autres paramètres, également liés à la suspension initiale, peuvent avoir une influence sur la charge en ibuprofène. On peut notamment penser à la concentration des nanoparticules de silice et d’ibuprofène.

L’influence de la concentration du produit à valoriser est un paramètre souvent étudié dans la littérature lors de l’étude du procédé d’atomisation (Iskandar et al. 2001, Lyonnard et al. 2002, Tonon et al. 2008, Gallo et al. 2011). Tout en gardant constante la quantité relative de la charge par rapport au vecteur, c’est-à-dire à RIbu:Si fixé, et pour un volume total fixé de suspension à atomiser, il est possible de faire varier la quantité finale de poudre que l’on souhaite récupérer en modifiant la concentration des différents constituants (silice et ibuprofène) dans la suspension initiale. Différents essais ont été réalisés en faisant varier la concentration en MSN entre 5 et 15 g.L-1. Pour chaque condition, la concentration initiale en ibuprofène a été adaptée de sorte à maintenir un ratio constant RIbu:Si=35:65.

Les valeurs de rendement de récupération de la poudre restent du même ordre de grandeur (autour de 70 %) pour les différentes concentrations de silice étudiées, même s’il est légèrement plus important quand la concentration en particules est plus élevée (76 % pour [Si] = 15 g.L-1). Visuellement, on a pu bien évidemment constater lors des essais que la quantité de poudre collectée sur l’électrode est d’autant plus importante que la concentration initiale en MSN est élevée. On peut supposer que si l’on continuait d’augmenter la concentration en particules (pour un même volume de suspension), le rendement ne continuerait pas forcément d’augmenter. En effet, à partir d’une certaine quantité de poudre, la totalité de l’électrode de collecte se retrouverait couverte en produit, et l’effet électrostatique entre les deux électrodes se dissiperait à cause de l’épaisseur de cette couche sur l’électrode de collecte. Par ailleurs, pour un même volume de suspension atomisée, on a observé que le temps total de manipulation était plus important quand la concentration en particules était plus

142 élevée (dans la gamme considérée). Lorsqu’elle est plus concentrée, la suspension semble avoir plus de difficultés à traverser la buse d’atomisation, ce qui diminue le débit de suspension atomisée. Cela peut s’expliquer par un potentiel colmatage de la membrane de pulvérisation par les particules de la suspension, ou une augmentation de la viscosité, lorsque la teneur en MSN et en ibuprofène augmente.

IV.4.1

Morphologie et composition des agglomérats

A la suite de ces expériences, les poudres récupérées ont été analysées par Microscopie Electronique à Balayage. Les clichés obtenus (présentés sur la Figure IV.23) mettent en évidence des différences nettes de morphologie des agglomérats obtenus :

- La morphologie est plus homogène quand la concentration en silice augmente. Pour une concentration de 5 g.L-1, les agglomérats sont plus ou moins sphériques, possédant certaines fois une morphologie de sphères creuses (non pleines et parfois légèrement creusées en leur centre). Les agglomérats formés sont plus sphériques à 10 et 15 g.L-1.

- La taille des agglomérats augmente aussi avec la concentration en silice. A une concentration de 5 ou 10 g.L-1, les agglomérats ont un diamètre plus faible et présentent une dispersité en taille assez importante. Au contraire, à forte concentration, les agglomérats sont plus gros ; leur taille pouvant dépasser assez largement la quinzaine de µm.

- Enfin, la densité en particules des agglomérats varie elle aussi avec la concentration en silice. Quand la concentration est faible ([Si] = 5 g.L-1), les agglomérats ne semblent pas très denses en particules et on peut voir sur les clichés quelques sphères creuses. Quand la concentration vaut 10 g.L-1, la densité de l’agglomérat semble bien plus importante et on n’observe pas d’agglomérats évidés au centre. Les nanoparticules sont très proches les unes des autres. A plus forte concentration, (15 g.L-1), la densité des agglomérats semble plus forte encore, les agglomérats semblent même presque lisses sur leur surface tellement les particules sont serrées.

Figure IV.23 : Clichés MEB d'agglomérats de particules atomisées à différentes concentrations en MSN (les MSN viennent du Lot02)

143 On retrouve la présence de particules plus grosses et plus denses à concentration initiale de produit plus importante dans la littérature lors de la synthèse de particules par atomisation (Iskandar et al. 2001, Tonon et al. 2008). Afin de justifier l’influence de la concentration en solide sur les propriétés des agglomérats obtenus dans le cas de l’atomisation d’une suspension, on peut s’appuyer sur les travaux de Lyonnard et al. 2002 qui ont étudié, entre autres, l’influence de la concentration en nanoparticules sur la poudre obtenue par atomisation. Rappelons que dans un procédé d’atomisation, la suspension est atomisée sous la forme d’un spray dont la taille des gouttes est liée à la dimension des orifices de la buse d’atomisation (ce point sera abordé de manière plus précise dans le Chapitre V). On fait ici l’hypothèse que l’augmentation de la viscosité et la modification de la tension de surface liées à l’augmentation de la concentration en particules et en ibuprofène dans la suspension ont un effet moindre sur le comportement des gouttes que la taille des orifices de la membrane de pulvérisation. Ainsi, comme illustré sur la Figure IV.24, on considère donc que les gouttes sont de même taille quelle que soit la concentration en MSN et en ibuprofène. Par contre, la composition de la goutte diffère : quand la concentration augmente, la quantité de particules dans une goutte est plus importante. Le solvant s’évapore ensuite dans la colonne de l’atomiseur grâce au gaz chaud et les MSN s’agglomèrent entre elles au sein de la goutte, menant à des agglomérats plus denses et plus gros quand la concentration en MSN est plus importante.

Figure IV.24 : Schéma du séchage d’une goutte de suspension atomisée en fonction des concentrations initiales en MSN

Les analyses MEB ont permis d’observer l’effet de la concentration en silice sur la morphologie et la densité des agglomérats de MSN, mais ne permettent de tirer aucune conclusion concernant la présence, la localisation, et l’état physique de l’ibuprofène.

Une analyse globale de la poudre par DRX a été faite en premier lieu pour chercher la présence éventuelle de cristaux. Les courbes présentées sur la Figure IV.25, toutes similaires, possèdent un pic

144 à 22 ° lié au porte échantillon en aluminium, et un amas diffus vers 25 °. A part cela, aucun pic intense n’est détecté pour les échantillons atomisés et on retrouve un diffractogramme dont l’allure est assez proche de celle qui caractérise les MSN initiales (MSN Lot02 sur la figure). On peut supposer que l’intensité du signal, légèrement plus importante pour une concentration en MSN de 5 et 10 g.L-1, peut être due à la quantité de poudre dans le porte-échantillon, probablement plus importante et tassée. L’absence de pic prouve par ailleurs l’absence d’ibuprofène cristallin. Cette molécule se trouve donc forcément dans un autre état et nous allons chercher à la localiser avec des techniques à plus faible échelle.

Figure IV.25 : Courbes DRX de MSN et de poudre atomisée à différentes concentrations en MSN (qui viennent du Lot02)

IV.4.2

Remplissage du réseau poreux

Les résultats des mesures réalisées par adsorption d’azote (associée aux théories BET et BJH) sur les poudres atomisées avec différentes concentrations initiales en silice sont rassemblées dans le Tableau IV.9. Comme pour les autres poudres atomisées analysées précédemment dans ce chapitre, on observe une franche diminution de la surface spécifique et du volume poreux par rapport aux valeurs obtenues pour les MSN initiales avant atomisation. En effet, on passe d’une surface spécifique de plusieurs centaines de m2.g-1 pour les particules non chargées à moins de 100 m2.g-1 pour les poudres atomisées. Si l’on compare par ailleurs les poudres atomisées entre elles, on peut voir que la surface et le volume des pores sont plus faibles lorsque la concentration en silice dans la suspension initiale l’est également. Tout en suivant cette tendance, on constate néanmoins que les propriétés de surface sont proches pour des concentrations de 10 et 15 g.L-1 (S

spé d’environ 80 m2.g-1, Vporeux autour de 0,08 cm3.g-1). Pour ces deux concentrations les plus élevées, on relève aussi un diamètre de pores, issus de la théorie BJH, qui vaut 2,4 nm.

Tableau IV.9 : Propriétés de surface obtenues par adsorption d'azote de MSN seules et de particules chargées atomisées à différentes concentrations de MSN (les MSN viennent du Lot02)

Label expérience Concentration des MSN Sspé (m².g-1) Vporeux (cm3.g-1) dpores (nm)

MSN MSN Lot02 921 0,847 3,0 Référence 5 g.L-1 23 0,045 - [Si]1 10 g.L-1 75 0,077 2,4 [Si]2 15 g.L-1 85 0,084 2,4 0 200 400 600

5

10

15

20

25

30

35

40

45

50

In te n sité (n b d e co u p s) 2θ (°) MSN Lot02 [Si] = 5 g/L [Si] = 10 g/L [Si] = 15 g/L

145 Cette dernière observation est liée au graphe présenté sur la Figure IV.26, représentant la distribution de taille des pores. La poudre atomisée à une faible concentration en MSN ne possède aucun volume adsorbé qui pourrait correspondre à la porosité des particules. En revanche, on peut voir un volume adsorbé à un diamètre de pores de 2,4 nm pour la poudre atomisée avec 10 et 15 g.L-1 de MSN. Cette dimension, bien que plus faible que celle observée pour les particules initiales, semble indiquer que le réseau n’est pas bouché ou rempli dans sa totalité quand on augmente la concentration en MSN. Les autres propriétés obtenues en adsorption d’azote (Sspé et Vporeux) sont en accord avec cette hypothèse.

En complément, l’analyse SAXS permet de comparer directement la quantité de principe actif présent dans le réseau pour les différentes poudres étudiées. Cependant, on n’observe pas de tendance nette en fonction de la concentration en silice. En effet, l’intensité des pics de diffusion est la plus faible pour [Si] = 15 g.L-1 et la plus importante pour [Si] = 10 g.L-1. Si l’on interprète ceci comme nous l’avons fait précédemment, on pourrait donc supposer que la poudre atomisée à une concentration en MSN de 15 g.L-1 est la plus chargée en ibuprofène. Cependant, ces interprétations ne sont pas cohérentes avec les résultats observés en adsorption d’azote. La distribution de taille des pores suggère en effet que des molécules d’azote peuvent encore s’insérer dans le réseau de MSN pour [Si] = 10 et 15 g.L-1. C’est- à-dire que les pores sont potentiellement plus accessibles que pour la poudre atomisée à partir d’une suspension de concentration égale à 5 g.L-1en MSN.

Figure IV.26 : Distributions de taille de pores (obtenue par adsorption d'azote, à gauche) et courbes SAXS (à droite) de MSN et de poudre atomisée à différentes concentrations en MSN (les MSN viennent du Lot02)

Il a été vérifié que ces valeurs aux tendances contraires au premier abord ne relevaient pas d’erreurs de mesure avec l’une ou l’autre des deux techniques de caractérisation. Une hypothèse pour expliquer l’évolution des valeurs peut néanmoins être proposée. Dans le Chapitre III, nous avons proposé un mécanisme en deux étapes qui peut expliquer comment les molécules d’ibuprofène s’insèrent dans les MSN durant l’atomisation. Nous avons notamment indiqué qu’une partie de ces molécules se trouvait probablement à l’extrémité des pores, ce qui les obstrue (et donc ne permet pas d’identifier la présence des mésopores lors d’analyse de surface). Un maximum en adsorption d’azote correspondant à la présence de pores non pleins pour les suspensions préparées avec 10 et 15 g.L-1 nous permet de supposer que les molécules d’ibuprofène sont organisées différemment. La première possibilité est qu’une petite partie de ces molécules se trouvent en dehors du réseau. Cependant, puisque la DRX n’a pas révélé la présence de cristaux, si de l’ibuprofène est hors du réseau, il devrait donc se trouver dans un état autre que cristallin. Au regard des interprétations effectuées à l’aide du MEB, il est possible d’envisager la présence d’ibuprofène au sein de l’agglomérat (porosité

146 interparticulaire), qui jouerait alors un rôle de liant quand la concentration initiale en MSN augmente ; ce qui pourrait aussi aider à obtenir des agglomérats mieux consolidés. Ceci pourrait être lié à une question d’encombrement stérique au sein de la goutte : en augmentant la concentration en MSN, on augmente la probabilité de retrouver des molécules d’ibuprofène entre les particules dans cette goutte. Durant le séchage de celle-ci, ces molécules n’ont pas le temps de diffuser dans les pores, et se retrouveraient alors au sein de l’agglomérat mais en dehors des MSN. La seconde possibilité est que l’ibuprofène se soit densifié (avec un passage d’ibuprofène pseudo-liquide à un état proche de l’amorphe) dans les pores. Mais comme d’après les résultats SAXS la quantité d’ibuprofène chargé semble proche pour les différentes concentrations, cette densification pourrait n’avoir lieu que dans une partie des pores, le reste des pores contenant alors moins de molécules.

Une campagne d’atomisation sur une plus grande plage de concentrations (tout en évitant de boucher la buse d’atomisation) pourrait être judicieuse pour confirmer l’une ou l’autre des hypothèses avancées, en complément de l’utilisation d’autres techniques d’analyse comme la RMN du solide, qui permettraient d’obtenir des informations complémentaires sur l’état physique du principe actif.