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Influence des paramètres de la formulation de la suspension

IV.5 Influence de la composition du solvant

Jusqu’à maintenant, notre attention s’est portée uniquement sur la phase solide (nanoparticules de silice mésoporeuse et ibuprofène). Cependant, le solvant joue également un rôle important dans le procédé d’atomisation. Le solvant qui a été utilisé jusqu’ici est l’éthanol car c’est un produit organique compatible avec une utilisation thérapeutique, et qui permet de dissoudre l’ibuprofène dans une gamme de concentration bien plus large que dans l’eau. Il faut cependant garder en tête que l’éthanol est un solvant inflammable qui peut tout de même présenter des risques lors de sa manipulation. Une autre possibilité consiste, par exemple, à utiliser un solvant mixte : éthanol-eau. Différents essais ont été réalisés en faisant varier la composition de l’éthanol dans la gamme suivante : du solvant éthanol pur à un solvant mixte 25 % éthanol / 75 % eau. Ces essais ont été réalisés avec une température de gaz sécheur de 70 °C qui, à la pression de 35 mbar, est au-delà de la température de vaporisation d’un composé mixte éthanol/eau quelle que soit sa composition (voir Chapitre II pour le diagramme binaire eau/éthanol). Il n’y a pas de tendance claire pouvant être dégagée pour le rendement de récupération de la poudre pour les différentes expériences réalisées, mais on peut tout de même souligner une valeur assez faible pour un solvant 50 % éthanol / 50 % eau (environ 43 %, par rapport à un rendement voisin de 60 % pour les autres atomisations). De plus, la dispersion de la suspension initiale est sensiblement plus difficile à réaliser dès la présence d’un peu d’eau dans le solvant. He et al. 2007 ont notamment montré la difficulté à garder un mélange ibuprofène/eau/éthanol homogène, et ont souligné l’importance d’agiter constamment le mélange afin de ne pas avoir une séparation de phase claire. En particulier, dans le cas où on a seulement 25 % d’éthanol, on peut voir d’après le Tableau IV.10 que la concentration d’ibuprofène dans la suspension (2,69 g.L-1) est très supérieure à la valeur correspondante de la solubilité du principe actif dans un tel solvant (0,68 g.L-1). Cela a entraîné, durant l’expérience, la formation d’une suspension diphasique avec l’apparition de mousse. Une grande partie du volume de cette suspension n’a pas pu être atomisé pour cette raison.

147 Tableau IV.10 : Comparaison de la solubilité de l’ibuprofène dans les différents solvants et de la quantité d’ibuprofène utilisée lors de l’atomisation (les valeurs de solubilités sont tirées de Manrique et Martínez 2007 ; pour 75 % EtOH, on a

pris la solubilité à 70 % EtOH ; pour 25 % EtOH, on a pris la solubilité à 20 % EtOH)

Label Expérience Ref S1 S2 S3

Composition Solvant 100 % EtOH 75 % EtOH / 25 % Eau 50 % EtOH / 50 % Eau 25 % EtOH / 75 % Eau Solubilité de l’ibuprofène dans le solvant 528 g.L -1 362 g.L-1 3,9 g.L-1 0,68 g.L-1 Concentration en ibuprofène dans la suspension 2,69 g.L -1

Par ailleurs, lors des essais d’atomisation réalisés avec l’éthanol pur, une petite quantité de poudre sèche vient adhérer sur les surfaces autour de la buse d’atomisation. Au contraire, nous n’avons pas observé de poudre autour de la buse lors des expériences réalisées en présence d’eau dans le solvant. Cette dernière observation a déjà été relevée dans la littérature lorsqu’une modification du solvant est effectuée. Les auteurs justifient la présence ou l’absence de poudre autour de la buse d’atomisation entre autres par la nature physico-chimique du solvant, sans forcément donner plus de détails (Schmid et al. 2011). On peut notamment citer la tension de surface, la viscosité, la conductivité ou encore la permittivité du solvant qui peuvent influer sur la présence de poudre sur la buse (Ghazanfari et al. 2007).

IV.5.1

Morphologie et composition des agglomérats

La poudre récupérée sur l’électrode de collecte a été caractérisée par Microscopie Electronique à Balayage (Figure IV.27). La morphologie des agglomérats varie grandement selon la composition du solvant. Comme nous l’avons vu jusqu’ici, une atomisation réalisée à l’éthanol pur produit des agglomérats de MSN de forme relativement sphérique, allant du µm à la dizaine de µm. Il arrive également d’observer quelques rares agglomérats en forme de « donut », (non montrés sur les images choisies ici). Cette dernière morphologie se retrouve bien plus souvent lorsque le solvant est mixte. Elle est même prédominante pour les suspensions réalisées avec 75 % et 50 % d’éthanol. La partie centrale des agglomérats est encore plus évidée lorsque le pourcentage d’éthanol est abaissé à 50 %, ce qui conduit à l’obtention d’agglomérats en forme de couronne quasi parfaite. On constate aussi sur le cliché à x3,5k, réalisé à cette composition de solvant, que la poudre peut contenir des agglomérats bien plus gros (plusieurs dizaines de µm), qui semblent eux-mêmes composés de plusieurs agglomérats. Enfin, la poudre récoltée lors de l’essai à 25 % d’éthanol semble posséder légèrement moins de ces agglomérats en forme de couronne.

148 Figure IV.27 : Clichés MEB d'agglomérats de particules atomisées à différentes compositions de solvant (les MSN

viennent du Lot03)

La forme des agglomérats est due à la manière dont sèche le solvant dans la colonne d’atomisation. La suspension est nébulisée, et ce sont des gouttes de quelques dizaines de µm qui sont séchées à l’aide du gaz sécheur à haute température. Cependant, le mélange ibuprofène/eau/éthanol n’est pas parfaitement stable (He et al. 2007), et il est possible que les gouttes soient composées de plusieurs phases localement. Il a déjà été observé que la morphologie d’une poudre atomisée pouvait différer lors de l’atomisation avec un solvant pur et un solvant mixte (Zhou et al. 2001). On peut formuler des hypothèses pour l’obtention d’agglomérats en forme de sphères creuses :

1) Les gouttes de suspension atomisées peuvent être composées d’eau et d’éthanol, pouvant contenir plusieurs phases localement ; dans ces phases, l’ibuprofène est bien plus soluble dans l’éthanol.

2) Les MSN semblent majoritairement se trouver en surface de la goutte, grâce à la force thermophorétique générée par le gradient de température présent (Iskandar et al. 2003). 3) Durant le séchage, les molécules d’ibuprofène s’insèrent dans les pores des MSN comme cela a été décrit dans le Chapitre III ; ce phénomène pourrait provoquer la présence d’éthanol en surface de la goutte, et donc le piégeage d’eau à l’intérieur de la goutte. 4) Le solvant éventuellement piégé à l’intérieur des particules n’arriverait pas à s’évacuer

dans un premier temps et cela augmenterait la pression à l’intérieur de la goutte. Cette augmentation de pression finirait par provoquer une rupture brutale de la goutte, et ainsi l’évaporation du solvant placé au centre (Charlesworth et Marshall 1960).

5) On obtiendrait ainsi un agglomérat de MSN chargées, qui possède une forme de sphère creuse en son centre, suite aux différentes étapes de séchage des particules.

Une étude plus approfondie sur la cinétique d’évaporation des gouttes de solvant mixte et de séchage des MSN au cœur de ces gouttes serait nécessaire pour éventuellement conforter ces différentes hypothèses, et pourrait aussi bien mieux faire le lien entre les propriétés du solvant, les propriétés des particules et de l’ibuprofène dans ce solvant, et la morphologie des agglomérats formés.

En outre, l’utilisation de la DRX a pu montrer que la nature du solvant ne modifie pas l’allure des diffractogrammes. En effet, on peut voir sur la Figure IV.28 l’absence de pics cristallins (sauf celui du porte-échantillon en aluminium) quelle que soit la composition du solvant. On peut donc en conclure que l’ibuprofène n’est jamais sous forme cristalline dans les poudres atomisées lorsque l’on fait varier ce paramètre. Une nouvelle fois, les valeurs légèrement plus importantes d’intensité pour les poudres atomisées à 100 % et 75 % d’éthanol peuvent être dues à la quantité de poudre analysée en DRX.

149 Figure IV.28 : Courbes DRX de MSN et de poudre atomisée dans différents solvants (les MSN viennent du Lot03)

IV.5.2

Remplissage du réseau poreux

La question qui se pose maintenant est de savoir si l’encapsulation en principe actif est différente selon la composition du solvant. Pour cela, les résultats d’analyses de surface par adsorption d’azote effectuées sur les poudres atomisées sont rassemblés dans le Tableau IV.11. L’utilisation de solvants composés d’au moins 50 % d’éthanol donne une surface spécifique de moins de 50 m2.g-1 et un volume poreux proche de 0,05 cm3.g-1. En revanche, lorsque l’eau compose majoritairement le solvant (Expérience S3), les propriétés obtenues sont beaucoup plus proches de celles des MSN initiales (MSN Lot03 ici). On peut notamment relever une valeur de diamètre de pores d’environ 2,5 nm, avec un volume adsorbé encore jamais observé pour des MSN atomisées avec de l’ibuprofène à ce ratio RIbu:Si=35:65 (voir Figure IV.29). Pour les trois autres compositions de solvant (de 50 à 100% d’éthanol), la distribution de taille de pores ne permet pas de relever un diamètre qui pourrait correspondre à la porosité des MSN.

Tableau IV.11 : Propriétés de surface obtenues par adsorption d'azote de MSN seules et de particules chargées atomisées à différentes compositions de solvant (les MSN viennent du Lot03)

Label expérience Composition Solvant Sspé (m².g-1) Vporeux (cm3.g-1) dpores (nm)

MSN MSN (Lot03) 835 0,729 2,9

Référence 100 % EtOH 23 0,045 -

S1 75 % EtOH / 25 % Eau 45 0,056 -

S2 50 % EtOH / 50 % Eau 38 0,051 -

S3 25 % EtOH / 75 % Eau 766 0,556 2,5

De la même manière, on peut observer sur les analyses SAXS un écart très important au niveau de l’intensité diffusée entre les propriétés du réseau poreux pour la poudre obtenue avec la suspension à 25 % d’éthanol et les trois autres correspondant aux suspensions à 50, 75 ou 100 %. En effet, le premier pic de diffraction lié au réseau mésoporeux est largement plus intense pour la suspension atomisée avec un solvant composé à 25 % d’EtOH. Le premier pic des trois autres courbes est quasiment de même intensité. Ainsi, on ne semble pas détecter de grandes différences quant à la charge en ibuprofène pour les solvants à 100 %, 75 % et 50 % d’éthanol.

0 200 400 600

5

10

15

20

25

30

35

40

45

50

In te n sité (n b d e co u p s) 2θ (°) MSN Lot03 100 % EtOH 75 % EtOH 50 % EtOH 25 % EtOH

150 Figure IV.29 : Distributions de taille de pores (obtenue par Adsorption d'azote) et courbes SAXS de MSN (Lot01) et de

poudre atomisée à différentes compositions de solvants (les MSN viennent du Lot03)

Lorsque la suspension initiale ne contient que 25 % d’éthanol, la quantité d’ibuprofène chargée dans les pores est donc très faible comparativement aux trois essais réalisés avec une proportion plus grande en éthanol. L’ibuprofène étant faiblement hydrosoluble, sa concentration est trop importante pour que la molécule puisse se dissoudre dans ce solvant majoritairement aqueux ; cela a pu se traduire par la cristallisation de molécules d’ibuprofène au niveau de la suspension, donc avant même l’atomisation. Cela a donc considérablement réduit la quantité de molécules insérées dans les mésopores. En revanche, la charge d’ibuprofène dans les particules semble similaire pour les trois autres compositions de solvant car les analyses du réseau mésoporeux montrent un remplissage des pores quasi-identique. L’étape d’évaporation (pendant laquelle les particules s’organisent et les agglomérats se forment) diffère selon la composition du solvant, car la différence la plus notable observée sur les propriétés de la poudre obtenue est finalement la morphologie des agglomérats de MSN chargées.

IV.6 Conclusion

Ce chapitre avait pour objet d’étudier l’influence de plusieurs paramètres liés à la formulation initiale de la suspension sur les propriétés finales de la poudre atomisée. Avec l’utilisation de nombreuses techniques de caractérisation et en s’appuyant sur les résultats de la littérature, on a pu formuler les conclusions suivantes :

- Le type de dispersion de la suspension initiale pendant le procédé d’atomisation (par agitation magnétique ou avec des ultrasons pulsés) n’a pas grandement modifié la qualité de la charge en ibuprofène des MSN, mais l’impact s’est fait à plus grande échelle. Non seulement les agglomérats sont bien moins homogènes en termes de taille et de forme et sont plus souvent déstructurés lorsque l’on utilise des US pulsés, mais on a aussi observé une chute importante du rendement de récupération de la poudre, qui est très volatile et s’agglomère difficilement.

- Le temps de mise en contact avant atomisation, n’a quant à lui pas modifié le rendement, mais des agglomérats plus gros sont formés quand ce temps d’imprégnation augmente. La quantité d’ibuprofène chargé dans le réseau semble similaire, mais sa localisation au sein des pores paraît différente. L’effet de ce paramètre mériterait d’être approfondi.

151 - Le ratio massique entre les différentes espèces en suspension, RIbu:Si, s’avère être un

paramètre clef, impactant les propriétés de la poudre aux différentes échelles. On peut notamment retenir que les MSN sont chargées de manière similaire jusqu’à RIbu:Si=35:65, mais

qu’au-delà de ce ratio, de l’ibuprofène se trouve également hors particules, dans un état cristallin. Cela n’a cependant pas empêché de continuer à améliorer le taux de remplissage des pores, qui s’effectue avec la densification de l’ibuprofène dans le réseau poreux, passant d’un état pseudo-liquide à un état amorphe à partir de RIbu:Si=40:60.

- La concentration en MSN semble jouer sur la morphologie des agglomérats, avec des agglomérats plus denses en particules quand la concentration initiale était plus importante. La quantité de molécules présentes dans les pores ne semble pas varier, mais son organisation paraît légèrement différente et mériterait d’être approfondie.

- Enfin, la composition du solvant a été étudiée avec l’utilisation d’un solvant mixte éthanol/eau. Tant que l’ibuprofène est bien dissout dans le solvant, la qualité de la charge dans les MSN ne semble pas dégradée. L’impact s’est révélé cependant plus important sur la morphologie des agglomérats de poudre obtenue.

Dans le chapitre suivant nous allons cette fois focaliser notre attention sur l’étude de l’influence des paramètres du procédé d’atomisation lui-même, sur l’encapsulation d’ibuprofène et les propriétés de la poudre obtenue.

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Influence des paramètres