• Aucun résultat trouvé

Les Indications Géographiques, outils pour structurer les stratégies terroirles stratégies terroir

Chapitre 2.2. Apports et limites des études sur le terroir et les Indications Géographiquesles Indications Géographiques

2.2.2. Les Indications Géographiques, outils pour structurer les stratégies terroirles stratégies terroir

En Europe méditerranéenne, les Indications Géographiques (IGP, AOP, AOC, rassemblées sous le terme générique « IG ») ont été et continuent d'être les principaux outils utilisés pour structurer les stratégies de développement basées sur le terroir.

• Présentation des Indications Géographiques européennes

Les IG sont des outils qui signalent, garantissent, et valorisent l’origine et la typicité des produits sur les marchés. Elles opèrent via un cahier des charges qui définit la zone de production, les critères de qualité des produits, la manière de les produire et les procédures de contrôle. En Europe, l'Appellation d'Origine Protégée (AOP) et l'Indication Géographique Protégée (IGP) sont les 2 formes de protection de l'origine des produits. Selon l'Institut National de l'Origine et de la Qualité5 (INAO, 2015), l'AOP

5 L'INAO est l'établissement public chargé de la mise en œuvre de la politique française relative aux signes officiels d'identification de l'origine et de la qualité des produits agricoles et agroalimentaires.

Chapitre 2.2. Apports et limites des études sur le terroir et les Indications Géographiques

32

désigne « un produit dont les principales étapes de production sont réalisées selon un savoir-faire

reconnu dans une même aire géographique, qui donne ses caractéristiques au produit ». L'IGP

identifie quant à elle « un produit agricole, brut ou transformé, dont la qualité, la réputation ou

d’autres caractéristiques sont liées à son origine géographique ». Pour l'INAO, ces 2 signes de qualité

sont fondés sur une seule et même notion : le terroir, entendu comme un « espace délimité dans lequel

une communauté humaine construit au cours de son histoire un savoir-faire collectif de production, le terroir est fondé sur un système d’interactions entre un milieu physique et biologique, et un ensemble de facteurs humains ».

Trois principes sous-tendent la construction et le fonctionnement de l'IGP et de l'AOP. Ces 2 appellations d'origine doivent : (i) faire l'objet d'une démarche collective et volontaire émanant d’un groupement de producteurs ; (ii) définir des conditions de production strictes et validées par l’État ; (iii) inclure des contrôles réguliers réalisés par des organismes indépendants agréés par l’État. Après ces points communs, viennent des différences. De fait, l'AOP et l'IGP ne relèvent pas exactement de la même philosophie (Bérard & Marchenay, 1999). Tandis que la première impose un lien fort entre la zone de production et les caractéristiques du produit, la seconde insiste surtout sur la réputation du produit, et n’impose pas une zone unique pour les opérations de production. Par le biais de cette gamme de dénominations d'origine, la politique européenne de la qualité cherche à instrumenter les stratégies basées sur le terroir en codifiant les démarches de différenciation (Valceschini & Mazé, 2000).

Si elles ont émergé en France et en Italie au début du vingtième siècle, les IG sont loin d'être restées un phénomène latin : de nombreux auteurs s'accordent sur le fait que le retour à l'origine est un phénomène global qui transforme le système alimentaire mondial (Encadré 3).

• Les Indications Géographiques structurent les stratégies terroir par le biais de

plusieurs mécanismes

Quel rôle jouent les IG dans les trajectoires de différenciations basées sur le terroir ? La littérature décrit plusieurs mécanismes à travers lesquels les IG permettent aux acteurs des territoires de protéger et valoriser des modèles productifs originaux et des qualités singulières.

En premier lieu, les IG amènent les acteurs à construire collectivement une norme locale (de Sainte Marie & Bérard, 2005). Nous l'avons montré plus haut, la qualité spécifique des produits de terroir repose sur une combinaison complexe de facteurs naturels et humains. Les IG sont d'abord utilisées pour qualifier la typicité des produits, ainsi que le système qui la fait émerger. Lors de la construction des IG, les acteurs sont amenés à expliciter ces liens, à les codifier, de manière à valoriser le produit en lien avec les ressources du territoire. C'est la fonction principale du cahier des charges, document qui définit le produit, les manières de produire, et l'aire géographique de production.

Deuxième mécanisme de structuration des stratégies terroir, les IG amènent les acteurs à stabiliser la qualité spécifique des produits ainsi que le modèle productif. A travers leur cahier des charges et leur dispositif de contrôle, les IG régulent la variation interne qui existe à l'intérieur du terroir (variabilité des pratiques, codification du type). Le cadre de régulation de l'IG passe aussi par la proscription de certaines pratiques importées de l'extérieur. Par exemple, les producteurs fermiers de l'AOC « Camembert de Normandie » ont convaincu l'INAO de refuser la demande de Lactalis et Isigny-Sainte-Mère de proscrire l'usage du lait cru dans le cahier des charges (Roux & Rémy, 2010).

33

Encadré 3. Le retour à l'origine : un phénomène global qui transforme le système alimentaire mondial Si elles ont émergé en France et en Italie au début du vingtième siècle, les IG sont loin d'être restées un phénomène latin. On peut distinguer 4 phases dans le développement des IG. Entre le début du XXème siècle et les années 1970, se développe en France un régime juridique de protection des appellations d'origine, principalement dédié au secteur vinicole. Le premier cadre juridique de protection de l’origine émerge en France en 1905, dans le contexte de crise du phylloxéra et de multiplication des fraudes et usurpations à l’encontre de certains produits. Mais le véritable fondement des IG modernes n'émerge que 3 décennies plus tard, par le décret-loi de 1935, qui institut une catégorie d'appellations d’origine dites « contrôlées » applicable aux vins et aux eaux-de-vie, et un Comité qui deviendra l’Institut National des Appellations d’Origine (INAO) dès 1947. Dans les années 1980, les IG non viticoles se multiplient en France dans un contexte d'engouement des consommateurs pour les produits de terroir. Pour Davallon et al. (1997) et Delfosse (2013), l'essor des IG pendant cette période est à mettre en parallèle avec la patrimonialisation de la campagne et sa mise en tourisme. Leur développement est aussi stimulé par la loi de décentralisation agricole qui encourage l'utilisation du terroir comme ressource pour le développement local (Delfosse, 2011, p. 30). Mais jusqu'à la fin des années 1980, la politique de qualité de la France reste une annexe de la politique de régulation des marchés, et vise essentiellement à compenser les désavantages économiques de certaines régions défavorisées (Valceschini & Mazé, 2000).Dans les années 1990, le modèle français des AOC est étendu à l'Europe entière par le biais du règlement du 14 juillet 1992 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine. Cette extension européenne du principe de qualité liée à l'origine est poussée par la France, dans un contexte de saturation des marchés et au moment où est inauguré le marché unique européen (Valceschini & Mazé, 2000). Les pouvoirs publics français cherchent à en tirer un avantage concurrentiel national (Ruffieux & Valceschini, 1996), tout en protégeant les productions françaises d'éventuels risques de détournement du nom par des pays tiers (Bérard & Marchenay, 1999).

Depuis les années 2000, on assiste à une véritable internationalisation du phénomène (Allaire et al., 2011). Cette internationalisation des IG est permise par la signature en 1994 de l'accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC) dans le cadre de la création de l'Organisation Mondiale du Commerce. Avant cet accord, la protection de l'origine géographique à l'international passait essentiellement par des traités bilatéraux ou régionaux, qui s'étaient multipliés depuis les années 1960 en raison de l'échec des tentatives pour aboutir à un grand traité international dans le cadre de l'Arrangement de Lisbonne ou de l'OMPI (Sylvander et al., 2006). Pour plusieurs analystes (voir par exemple Bérard & Marchenay, 1999), l'accord ADPIC comporte des faiblesses importantes, dans la mesure où seuls les vins et spiritueux bénéficient d’une réelle protection. Cet accord reflète en réalité un compromis entre 2 visions de la qualité : d'un côté, les pays du Nouveau Monde (Etats Unis, Canada), qui à l'instar de la Grande-Bretagne et des Pays-Bas durant les négociations à l'échelle européenne, jugent le modèle des AOC illégitime (instrument de protectionnisme) et néfaste (obstacle à l'innovation) (Valceschini & Mazé, 2000). D'un autre côté, l'Union européenne qui met en avant quatre justifications (Sylvander et al., 2006) : l'organisation de la concurrence, la maîtrise des marchés agricoles, le développement local, et la conservation des ressources (patrimoine naturel et culturel).

Quoi qu'il en soit, la validation du principe de protection de l'origine à l’échelle internationale ouvre la voie à une multiplication des IG, que se soit dans l'arc méditerranéen (Ilbert, 2005), dans les pays émergents (Bowen, 2010a; Marie-Vivien, 2012), dans les pays en développement (Sautier et al., 2011, Belmin, 2010a; 2010b), dans les Balkans (Esteve et al., 2011), ou même dans les pays du Nouveau Monde (Chazoule & Lambert, 2011, 2011). Pour Lagrange et Valceschini (2007a), l'internationalisation des IG emprunte 2 voies. La première correspond à la construction de dispositifs nationaux de régulation relatifs à la protection des produits d'origine (législation, organismes nationaux chargés de gérer la qualité...). La seconde se manifeste par les nombreux différents de nature juridique qui sont traités dans les instances en charge de la libéralisation des échanges internationaux (Codex Alimentarius et OMC), et qui aboutissent à la protection de nouveaux produits. Le foisonnement des IG au niveau mondial est également soutenu par des mouvements sociopolitiques comme SlowFood, par des réseaux de chercheurs comme SynerGI (Sylvander & Allaire, 2008) ou Terroir et Culture (Berard, 2011), ou encore par des plateformes multi-acteurs comme QualiREG en Océan Indien (Gloanec & Porphyre, 2012). Depuis la fin des années 2000, les bailleurs internationaux ont inclu les IG dans leur stratégie d'aide au développement, à l'image de l'Agence Française pour le Développement (Joguet, 2010) ou l'Organisation pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO) (Vandecandelaere et al., 2009). La FAO mène, depuis la fin des années 2000, un programme de développement basé sur le terroir et les IG, avec 2 volets : l'appui à la construction des dispositifs nationaux encadrant les IG, et l'accompagnement des démarches de qualification de l'origine. A partir des résultats du projet SynerGI, la FAO a développé un guide méthodologique d'appui à la construction des IG, qui propose un « cercle vertueux de qualité » composé de 4 étapes : l'identification des ressources locales, la qualification du produit en tant qu’IG, la rémunération au travers de la gestion du système IG, et enfin la reproduction des ressources locales.

En 2016, ce retour à l'origine ne peut plus être considéré comme une anecdote franco-italienne. Il s'agit au contraire d'un phénomène global de transformation de l'agriculture, d’une « logique productiviste » à une « logique de qualité » (Allaire & Sylvander, 1997). Des économistes comme Gilles Allaire (2002) ou encore Lagrange & Valceschini (2007a), décrivent l'émergence d'une véritable « économie de la qualité », qui aurait démarré dans les années 1980 sous l'impulsion des crises sectorielles. Elle correspond à une réorientation des stratégies des acteurs et des politiques publiques des secteurs vers les territoires, au passage d'un modèle « fordiste » à un modèle « post-fordiste » (Allaire, 2002). Pour Bernard Pecqueur (2006; 2009), ce « tournant territorial de l'économie globale» correspond à une évolution naturelle du capitalisme, qui concrétise une adaptation des structures productives aux effets de la globalisation.

Chapitre 2.2. Apports et limites des études sur le terroir et les Indications Géographiques

34

Troisième mécanisme, les IG stimulent une meilleure coordination du réseau d'acteurs. La production collective de normes communes amène les acteurs à faire converger leurs stratégies individuelles, et à définir une stratégie collective, ce qui renforce naturellement les possibilités de collaboration (Allaire & Sylvander, 1997, cité par Fournier, 2008). Au cours de la négociation du cahier des charges, les acteurs recherchent un compromis autour de la définition du produit, des pratiques et des ressources. Ils construisent un projet à la fois technique, économique et social (Casabianca & de Sainte Marie, 1997) qui les amène à articuler leurs visions et leurs attentes, à réaliser des apprentissages collectifs. Une fois cette étape réalisée, les règles et les repères communs fondés sur un sentiment d'appartenance territoriale conditionnent les coordinations économiques entre acteurs (Muchnik & de Sainte Marie, 2010, p. 37). Enfin, en instituant un syndicat de défense, les IG peuvent offrir un cadre pérenne pour les actions collectives à une échelle territoriale (Fournier, 2008). Ce cadre d'action collective peut être mobilisé pour requalifier le produit lorsque le contexte change, ou pour traiter de nouveaux problèmes. Dans beaucoup de filières, le cadre organisationnel de l'IG est mobilisé pour agir sur la qualité (rendement plafond pour réguler la qualité en vigne), sur les volumes (délimitation aire de production, rendement plafond pour réguler la qualité en vigne), et les prix (ajustement conjoncturel de l'offre) (Allaire, 2011).

Quatrième mécanisme, les IG sont utilisées dans l'élaboration de stratégies commerciales. Elles ont d'abord un rôle défensif dans la mesure où elles empêchent que les produits soient imités. L'IG protège juridiquement l'usage du nom d'un lieu pour les produits réputés qui en sont originaires. C'est d'ailleurs la vocation initiale de l'appellation d'origine. Au début du XXème siècle, ce sont des conflits pour l'usage du nom des grands vignobles qui ont motivé la construction des premières IG viticoles (Allaire, 2011). Encore aujourd'hui, la lutte contre les fraudes reste le principal moteur de la l'internationalisation des IG (Lagrange & Valceschini, 2007a). Mais l'IG n'est pas uniquement un outil défensif : elle protège également les marchés en les organisant. L'IG est un outil de segmentation du marché, qui identifie le caractère non substituable des produits (Casabianca, 2009). De fait, la plupart des IG sont construites de manière à valoriser la singularité d'un produit de terroir. Elles rendent explicite la différence qu'un produit d'origine entretient avec son équivalent standard, de manière à ce que cette différence soit rémunérée. Empiriquement, on observe que la mise en place d'une IG s'accompagne presque toujours d'une hausse du prix du produit. L'IG peut donc être utilisée pour positionner le produit sur de nouveaux marchés (Vandecandelaere et al., 2009). Benkahla et al. (2005) ajoutent que les IG facilitent l'accès à la grande distribution et la construction de marchés de niche. Enfin, les IG protègent les ressources territoriales en suscitant des mécanismes de renouvellement. La construction d'une IG amène les acteurs à identifier, à qualifier, et enfin à rémunérer les ressources qui confèrent la typicité aux produits (Vandecandelaere et al., 2009). Le cahier des charges des IG contient en effet des règles relatives à la gestion des races animales, variétés végétales, parcours montagneux, et autres ressources locales mobilisées dans les procédés productifs. Il inclut aussi une codification des savoir-faire locaux mobilisés, ce qui évite une banalisation de ces savoir-faire, et favorise leur transmission inter-générationnelle (Casabianca, 2009). L'IG agit ainsi comme outil de gouvernance territoriale, ayant pour effet d'encourager une meilleure gestion des ressources territoriales, qu'elles soient matérielles ou immatérielles. Les travaux de Maby (2002) et de Barjolle et

al. (2000) montrent que les IG jouent aussi un rôle dans la protection des paysages culturels.

• Les Indications Géographiques provoquent des changements systémiques

Jusqu'à aujourd'hui, les spécialistes des IG n'ont pas explicitement posé la question des changements systémiques provoqués par les IG. Pourtant, leurs recherches suggèrent que les IG ont des impacts qui dépassent de loin la simple application du cahier des charges. Pour s'en convaincre, il suffit de considérer la manière dont ces dernières peuvent modifier en profondeur le fonctionnement du marché. Dominique Barjolle (2006) nous en donne un bel exemple, en montrant, à partir de l'étude de 7 filières fromagères françaises ou suisses, que les AOC ont contribué à un accroissement de la valeur

35

économique des produits, et à sa redistribution à tous les échelons de la filière (producteurs de lait, fromagers, affineurs).

Au-delà de la structure du marché, c'est aussi d'effets systémiques qu’il s'agit lorsque les Organismes de Défense et de Gestion (ODG) des IG entreprennent des actions en faveur du développement durable (Ollagnon & Touzard, 2007), ou bien lorsqu'une IG provoque la reconfiguration du réseau d'acteurs autour d'une race caprine en Argentine (Perez Centeno et al., 2007), le renforcement du dispositif organisationnel autour d'un café indonésien (Fournier, 2008), ou encore un processus d'apprentissage collectif dans des filières fromagères en Amérique latine (Boucher et al., 2010). Il y a aussi reconfigurations systémiques quand des IG sont mobilisées dans la stratégie de petites et moyennes entreprises (Boucher, 2007; Belletti et al., 2014; Fort & Couderc, 2001), quand il y a débordement de l'image du produit sous IG vers d'autres produits (Bérard et al., 2005), ou vers le territoire tout entier (Mollard & Pecqueur, 2007). Bref, chacun affirme sans le dire explicitement que l'IG peut être motrice de changements systémiques. Cette idée est exprimée plus explicitement lorsque Fournier (2008) décrit l'IG comme un outil de renforcement des Syals, ou lorsque Mollard (2001) affirme que l'IG peut participer à construire une rente de qualité territoriale.

• Les Indications Géographiques : un levier de transition vers la durabilité à

l'échelle locale ?

A l'heure où l'on questionne les leviers de transition agroécologique, le terroir et les IG sous-tendent une voie prometteuse de transition des systèmes agroalimentaires. Dans le rapport duALIne, résultat d'une prospective INRA-CIRAD sur les tendances mondiales d'évolution des systèmes alimentaires, Catherine Esnouf et ses collègues (2011) présentent les systèmes alimentaires dits « de terroir » comme l'une des 4 familles de systèmes alimentaires « alternatifs », au côté des circuits cours, de l'agriculture biologique, et du commerce équitable, avant de conclure que les IG représentent des prototypes de systèmes alimentaires plus durables : « Les IG peuvent être vues comme des alternatives

à un mode de production agro-industriel, tourné vers l'intensification et la standardisation, et de ce fait comme éléments susceptibles de renforcer la durabilité des systèmes de production, en permettant un développement territorial respectueux des ressources naturelles et ayant un impact social positif ».

De telles conclusions vont dans le sens des recommandations finales de l'IAASTD (2008), une expertise mondiale initiée par la Banque Mondiale et plusieurs agences des Nations Unies, et incluant 57 gouvernements. Le rapport de synthèse insiste en effet sur l'idée que : « pour accompagner des

agricultures durables, les politiques et les connaissances, sciences et technologies agricoles doivent revaloriser les savoirs traditionnels ». Les conclusions présentées dans ces rapports globaux

s'appuient sur de très nombreux travaux, qui ont montré que les IG peuvent avoir des impacts importants sur le fonctionnement des systèmes agroalimentaires. Bien que l'on observe une diversité de situations à travers l'espace et à travers le temps (Allaire & Sylvander, 1997), la littérature s'accorde sur le fait que les IG sont susceptibles de contribuer à une transition des systèmes agroalimentaires en suscitant 5 processus :

Ø La résistance à l'uniformisation de la qualité et des techniques. En Europe, les filières d'appellation d'origine relèvent d'un même cadre juridique et d'une même vision de la qualité spécifique, mais elles ne constituent pas pour autant un ensemble homogène. Elles donnent au contraire naissance une grande diversité de modèles technico-économiques, marqués par différentes stratégies d'entreprises, formes organisationnelles, et structures de gouvernance (Perrier-Cornet & Sylvander, 2000). Cette diversité de modèles permet le maintien d'une pluralité de saveurs originales, qui sont autant de niches de résistance à l'uniformisation. Pour Vandecandelaere et ses collègues (2009), chaque produit sous IG est unique, car sa qualité reflète une association entre des ressources naturelles locales (climat, sol, espèces locales) et des ressources culturelles situées (traditions, savoir-faire) dans un territoire donné, établissant ainsi des liens spécifiques entre le produit, les acteurs locaux et le territoire. Ainsi, les IG contribuent à protéger l'identité des produits au travers du maintien de leur typicité

Chapitre 2.2. Apports et limites des études sur le terroir et les Indications Géographiques

36

(Casabianca et al., 2005). Avec l'internationalisation des IG, les cadres juridiques sont eux-mêmes amenés à diverger. A la diversité des situations locales, s’ajoute la diversité des réglementations et de leur interprétation, ce qui concourt à l'apparition d'une multitude de « Mondes productifs » (Allaire & Sylvander, 1997).

Ø L'ancrage territorial des systèmes productifs. Plusieurs études de cas ont en effet montré la capacité des IG à « ancrer » l'activité au territoire, évitant par le même coup la délocalisation des activités agricoles et agroalimentaires. La littérature fournit des exemples marquants dans les filières laitières (voir par exemple Barjolle & Thévenod-Mottet, 2004, pour le fromage Abondance, ou encore Frayssignes, 2001 pour le Roquefort) et dans les filières viandes (Lambert-Derkimba et al., 2011). Pour Muchnik et al. (2007), l'ancrage territorial des activités agroalimentaires correspond à un processus de construction de liens physiques et cognitifs entre des acteurs et leur territoire. Les IG sont alors décrites comme des outils permettant le renforcement et l'institutionnalisation de ces liens.

Ø Le développement rural dans les zones fragiles. Les économistes s'accordent sur l'idée que les IG contribuent à la dynamisation de l'espace rural, en particulier dans les zones marginalisées par le modèle agro-industriel. Pour Barjolle (2006), dans un contexte de globalisation des