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Pour comprendre les mécanismes de construction/déconstruction de la qualité, la prise en compte de l'échelle du territoire est insuffisante. Il faut aller jusqu'à l'échelle de la parcelle, et analyser les pratiques agricoles et leurs effets sur la qualité. Dans cette partie, nous présentons le cadre d’analyse offert par l'agronomie système. Celui-ci permet d'aborder l'effet des pratiques agricoles sur les peuplements cultivés, et de comprendre la cohérence des pratiques en relation avec le fonctionnement de 3 niveaux : le champ cultivé, l'exploitation agricole, et le territoire.

2.3.1. Construction des pratiques à 3 niveaux

• Limites des approches classiques en agronomie de la qualité

Dès les années 1980, dans le contexte de dégradation générale de la qualité des aliments, l'agronomie a développé un champ de recherche nouveau sur la qualité des produits agricoles. Cependant, la grande majorité des travaux ont abordé la question de la qualité en privilégiant une approche réductionniste. Ainsi, le gros des recherches « encapsule » la connaissance scientifique dans des disciplines très pointues (physiologie, génétique…), et isole des objets d'étude de plus en plus restreints (feuille, fruit, génome…). Pour Raymond Gras et ses collègues (1989), ce grand découpage des connaissances limite la capacité des agronomes à agir sur le réel : la synthèse des connaissances parcellaires ne permet ni d'appréhender les interactions et les rétroactions, ni de prévoir les propriétés émergentes lors du passage à un niveau supérieur de complexité. De plus, les connaissances produites deviennent trop détaillées pour être utilisables. Le pire, c'est que ce morcellement rend difficile l'identification des lacunes de connaissance.

• Les pratiques agricoles au cœur de l’agronomie système

A partir des années 1970, tandis que la majorité des travaux abordaient la question de la production agricole et de la qualité en « saucissonnant » le problème en autant de particules de savoir qu'il était possible, certains agronomes ont appris à développer des approches systémiques6. En France, l'agronomie système a été impulsée par Michel Sebillotte, qui dans un article fondateur (1974), postulait que pour accompagner les évolutions de l’agriculture, il fallait d’abord comprendre ce qui se passe dans les champs des agriculteurs : « Il n’y a pas d’agronomie sans ce souci de confrontation au

réel, à ce qui se passe dans les conditions du milieu cultural, celui de l’agriculture ». La parcelle

cultivée et les pratiques des agriculteurs sont alors devenues les objets centraux d'une nouvelle agronomie, plus systémique et plus en phase avec la question du développement. Très proche de la notion de fait technique (Gras et al., 1989), le concept de pratique renvoie aux manières concrètes d’agir des agriculteurs (Milleville, 1987; Sebillotte, 1987; Landais & Deffontaines, 1988). Pour les pionniers de l'agronomie système, construire des connaissances pour l'action passe inévitablement par l'étude des pratiques agricoles, car ces dernières constituent une « charnière » entre le milieu physique et le milieu socio-économique (Gras et al., 1989). Leur étude permet de prendre en compte à la fois les effets des interventions techniques sur les cultures, et les conditions de leur choix effectif par

6 Dans la postface de l'ouvrage « Sociologie des grandes cultures », Jean-Marc Meynard (2014) explique en quoi l’émergence de cette agronomie systémique, centrée sur la réalité agricole, a été une révolution dans le monde agronomique. En France, cette révolution est portée dès les années 1970 par l'équipe de Michel Sebillotte à l’INA-Paris-Grignon, puis relayée par des chercheurs de l’INRA (départements d’Agronomie et Systèmes agraires et Développement). A l'international, des recherches similaires se développent au même moment, avec partout la même volonté de comprendre la diversité des pratiques et sa relation avec la production. Partout dans le monde, des groupes de recherche émergent, et se structurent autour de concepts ou de courants fédérateurs : Itinéraire technique (Sebillotte, 1974; 1978) et système de culture (Sebillotte, 1990) chez les français, cropping system (Zandstra et al., 1981), farming system research (Norman, 1978; Dent et Mc Gregor, 1994), ou encore land use management (Stomph et al., 1994; Van Ittersum et al., 1998) chez les anglo-saxons.

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l'agriculteur. Elles amènent l'agronome à porter un double regard sur le champ cultivé, en abordant conjointement la dimension biotechnique de son fonctionnement, et les logiques d'action qui déterminent son évolution (Meynard et al., 2001). Cette entrée par le fait technique et l’approche systémique qui en découle offre plusieurs atouts :

- D'une part, elle permet de diagnostiquer l'effet des pratiques sur l'état des cultures en évitant les écueils du réductionnisme. La parcelle cultivée étant analysée comme un système complexe (approche cristallisée dans les concepts d'itinéraire technique et de système de

culture, présentés plus loin), l'agronome est amené à observer les interactions entre techniques,

milieu, et état des cultures, ainsi que les propriétés émergentes qui en résultent.

- D'autre part, elle permet d'évaluer finement la cohérence des pratiques des agriculteurs, en évitant de dissocier les techniques du contexte dans lequel celles-ci sont mises en œuvre (Teissier, 1979). Cela amène l'agronome à sortir d'une perception erronée selon laquelle la diversité des pratiques serait le fait d'erreurs techniques ou de méconnaissance de ce que recommande la recherche (Meynard, 2014).

- Enfin, l'analyse des pratiques permet d'élaborer des solutions adaptées aux objectifs et aux contraintes des agriculteurs.

• Construction des pratiques à 3 niveaux

Les travaux en agronomie système se déploient en explorant des échelles de complexité de plus en plus importante. Ainsi, les travaux initiés par Sebillotte et son équipe au niveau de la parcelle (Sebillotte, 1974; 1978; Meynard & Sebillotte, 1989) sont bientôt élargis au niveau de l'exploitation agricole (Capillon, 1985; Gras et al., 1989), puis au niveau du territoire (Papy, 2001; Benoit et al., 2012; Le Gal et al., 2004; Le Bail, 2008). Malgré la grande diversité des travaux, l'assise théorique et méthodologique reste la même, plaçant, quel que soit le niveau d'étude, les pratiques des agriculteurs au centre de l'analyse.

Progressivement, se renforce alors l'idée de systèmes emboités qui structurent les pratiques. Il apparait de plus en plus clairement qu'il n'y a pas de niveau d'étude privilégié pour comprendre les pratiques agricoles. Au contraire, les pratiques émergent de processus opérant à plusieurs échelles spatiales et organisationnelles, qu'il est nécessaire de combiner pour appréhender le fait technique et concevoir de nouveaux systèmes (Le Bail, 2008). Dès 1987, Milleville postulait que s'intéresser aux pratiques agricoles oblige à prendre en considération plusieurs niveaux d’espace, de temps, et d’organisation : ce qui se passe à un niveau donné dépend du fonctionnement de niveaux plus englobant, et retentit de la même façon sur les niveaux d’ordre inférieur. Le concept de pratique exprime alors la traduction concrète des processus de décision pris à différents niveaux d’organisation (Le Gal, 2012). On ne peut donc pas évaluer les pratiques des agriculteurs ni faire de préconisations pertinentes sans connaître l'ensemble du système qui les fait émerger, et les différentes échelles auxquelles les interactions se produisent. L'agronomie système se structure comme une discipline non pas d'assemblage, mais d'intégration (Doré et al., 2006). Dans les paragraphes qui suivent, nous présentons un état de l'art sur les 3 principales échelles de construction des pratiques identifiables dans la littérature : la parcelle, l'exploitation agricole, et le territoire.

• Construction des pratiques à l'échelle de la parcelle

En France, l'analyse des pratiques agricoles se structure d'abord à l'échelle de la parcelle cultivée, autour des concepts fédérateurs d'itinéraire technique (Sebillotte, 1974; 1978) et de système de culture (Sebillotte, 1990). L'itinéraire technique est « une combinaison logique et ordonnée des techniques qui

permettent de contrôler le milieu et d'en tirer une production donnée ». La notion de système de

culture désigne quant à elle « l'ensemble des modalités techniques mises en œuvre sur des parcelles

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ordre de succession, et par les itinéraires techniques appliqués à chacune de ces cultures ». Les 2

concepts s'articulent et se complètent. Tandis que l'itinéraire technique se focalise sur l'échelle de la parcelle et sur le pas de temps d'un seul cycle de production (une année en culture pérenne, ou une culture en succession), le système de culture s'étend à l'ensemble de la rotation sur un ensemble de parcelles conduites sous une même logique.

Pris ensembles, ces concepts ont 2 vocations complémentaires. La première est de rendre compte de la complexité des processus biophysiques en jeu dans l'élaboration du rendement ou de la qualité. De ce point de vue, les concepts d'itinéraire technique et de système de culture nous parlent du système sol-plante-environnement-pratiques agricoles. Dans le paragraphe 2.3.2, nous montrerons que l'agronomie système permet de développer une vision globale de la construction de la qualité à l'échelle de la parcelle. La seconde vocation de ces 2 concepts - et c'est celle qui nous intéressera maintenant – est de traduire le processus de décision des agriculteurs, ou dit autrement leur logique d'action (Sebillotte & Soler, 1990). Dans cette perspective, les concepts d'itinéraire technique et de

système de culture nous parlent de l'espace de contraintes et d'objectifs dans lequel l'agriculteur agit au

quotidien. Ils intègrent l'idée que les pratiques agricoles se construisent dans un champ d'interaction - la parcelle cultivée – où se rencontrent le physique (structure du sol, topographie, précipitations, rayonnement incident), le biologique (peuplement végétal cultivé, ravageurs, parasites, auxiliaires, adventices), et l'humain (l'agriculteur, ses objectifs de production, et l'ensemble de ses moyens, outils, et produits). Nos 2 concepts invitent l'agronome à s'intéresser aux liens qui existent entre les actes techniques (Meynard et al., 2001). Les modalités techniques résultent de décisions qui sont fortement liées en elles : les décisions techniques sont prises par l'agriculteur dans un cadre unique rassemblant ses objectifs, ses contraintes, et ses ressources. Dans ses décisions, l'agriculteur tient également compte des effets observés des pratiques antérieures, et des effets supposés des pratiques ultérieures. Meynard (2014) conclut qu'avant de prétendre modifier les pratiques, il faut comprendre cette « logique », en analysant les interférences multiples entre l’humain, le technique et l’écologique.

• Construction des pratiques à l'échelle de l'exploitation

Dès la fin des années 1970, l'approche systémique a été mobilisée pour analyser la construction des pratiques à l'échelle de l'exploitation agricole. Michel Sebillotte (2006) résume parfaitement les raisons qui ont conduit à s'intéresser à la construction des pratiques par l’agriculteur : « L'agronome a

pour ambition de voir les connaissances qu'il produit utilisées par l'agriculteur. Or, il constate rapidement que celui-ci ne raisonne pas comme lui, qu'il a sa propre rationalité. Cette différence de rationalité s'impose comme une interrogation théorique (…). L'agriculteur cultivant sa parcelle est devenu le deuxième objet de recherche scientifique de l'agronome ». Ainsi, la compréhension du

fonctionnement technique de l'exploitation apparaît comme un préalable à la diffusion d'innovations techniques (Capillon, 1993).

Après la parcelle cultivée, c'est donc à l'exploitation agricole d'être analysée comme un système complexe (Osty, 1978). Il s'agit en particulier de comprendre comment se fait l’arbitrage des ressources (terre, capital, travail) dans une exploitation agricole, et comment cela influence les systèmes de culture (Meynard, 2014). Et à l'instar du niveau « parcelle », l'étude systémique du niveau « exploitation » mobilise différents cadres méthodologiques, parmi lesquels le modèle d’action, l'approche globale de l'exploitation et la typologie régionale.

- Le modèle d'action des agriculteurs a été proposé par Sebillotte & Soler (1990) dans le but de concevoir des systèmes d'aide à la décision (Cerf & Magne, 2007). Les processus de décision des agriculteurs sont analysés comme émanant d'objectifs généraux, d'un programme prévisionnel associé à des objectifs intermédiaires, et enfin d'un corps de règles de décision. Ce modèle d’action a été mobilisé par Aubry et al. (1998) pour analyser le changement

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d’échelle de la décision technique, de la parcelle à la sole de blé de l’exploitation, ou par Papy

et al. (1990) pour analyser l’influence de l’organisation du travail sur l’implantation des

cultures dans une exploitation agricole.

- L'approche globale de l'exploitation (Capillon, 1986; 1988; Capillon & Manichon, 1988; Brossier, 1987) consiste à dégager la cohérence générale de l'exploitation agricole afin de mieux comprendre les pratiques et leurs moteurs, ou dit autrement, la façon dont le producteur alloue ses ressources en vue de produire des biens et des services (Brossier, 1987). L'exploitation agricole est considérée comme un système qui fonctionne et évolue sous l'influence de l'agriculteur. Capillon (1993), Hémidy et al. (1993) et Gras et al. (1989, p. 44) proposent d’analyser la cohérence du processus de décision de l'agriculteur vis-à-vis d'un ensemble d'objectifs et de contraintes structurés à 3 niveaux : un niveau global (fonctions que l'agriculteur assigne à son exploitation, niveau de vie souhaité, conditions de travail), un niveau stratégique (orientations à moyen terme, choix des spéculations et du niveau d'emploi des facteurs de production), et un niveau tactique. Ce dernier niveau concerne le pilotage quotidien des activités, la mise en œuvre pragmatique d'une stratégie générale, en s’adaptant à l'état des cultures et aux contingences de l’environnement naturel et économique. Capillon (1988) et Marshall et al. (1994) insistent également sur l'importance des liens famille-exploitation dans le processus de décision de l'agriculteur. Le Gal (2012), souligne que la gestion de l’exploitation correspond à des processus de coordination internes et externes. Les coordinations externes renvoient au fonctionnement de la filière dont l'exploitation représente un maillon. Les coordinations internes articulent une dimension décisionnelle (orientations stratégiques, planification et pilotage) et une dimension fonctionnelle (fonctions en appui à la planification et au pilotage du système de production).

- La typologie régionale d’exploitations agricoles (Capillon & Manichon, 1979; Capillon & Sebillotte, 1980; Capillon, 1985; 1993) vise à comprendre la diversité des exploitations agricoles d'une région afin de se départir d’une conception uniformisante du changement technique (Milleville, 1987). L'élaboration de typologies consiste à créer des groupes d'exploitations assez semblables entre elles pour présenter des caractéristiques communes de fonctionnement, et se comporter de manière homogène vis-à-vis des conduites techniques.

• Construction des pratiques à l'échelle du bassin de collecte / territoire

De l’agriculteur considéré d’abord comme seul décideur, les agronomes ont progressivement élargi leur appréhension des « déterminants » des systèmes de culture à d’autres échelles, en nouant des collaborations avec les sciences humaines et sociales (Meynard, 2014).

On distingue 2 polarités dans les travaux des agronomes du territoire, suivant que leur regard porte plutôt sur les ressources ou sur les acteurs. Dans une première catégorie de travaux, le territoire est regardé comme un « paysage cultivé », c'est-à-dire un système où co-évoluent les pratiques agricoles, la structure du paysage, et les ressources naturelles (Benoit et al., 2012). Les pratiques agricoles et leur configuration spatiale sont à la fois les moteurs et les produits du fonctionnement de ce paysage cultivé. De ce point de vue, le territoire est une échelle spatiale où les pratiques agricoles agrégées font émerger de nouveaux processus agronomiques ou écologiques, processus qui influencent en retour les pratiques. Les réseaux de haies, la qualité de l'eau, la dynamique de ruissellement… sont autant d'éléments qui émergent à une échelle spatiale donnée à partir des pratiques agricoles agrégées, et qui influencent en retour chaque agriculteur, en induisant des services (ou des dis-services) écosystémiques. Les agronomes sont donc amenés à élargir leur échelle d'étude afin de prendre en compte des processus qui n'émergent qu'à l'échelle du territoire : régulations écologiques fournies par les réseaux de haies et les linéaires enherbés (Merot et al., 1999; Thenail & Codet, 2003), construction de la qualité de l'eau à l'échelle du bassin versant (Benoit & Papy, 1997), localisation des parcelles et

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dynamique de ruissellement (Joannon, 2004; Caneill & Capillon, 1990), intégration des conséquences des pratiques à un niveau micro régional (Martin et al., 2004). Ces recherches débouchent sur des modèles permettant une meilleure gestion de l'eau d'irrigation à l'échelle du territoire (Leenhardt et al., 2004), ou encore une limitation du ruissellement (Ludwig et al., 2004). Elles permettent aussi d'identifier des marges de manœuvre pour les agriculteurs (Papy et al., 1996).

Dans une seconde catégorie de travaux, le territoire est regardé en tant qu'échelle spatiale où se structure le réseau d'acteurs qui influence les pratiques agricoles et la qualité. Ce que Caron (2005) appelle « l'agronomie du fait technique à l’échelle territoriale » se fonde sur la possibilité de « rendre

compréhensibles les pratiques agricoles en explicitant les interdépendances entre les systèmes de culture pratiqués et l’aménagement des territoires » (Papy, 2001, cité par Caron, 2005). Cette

agronomie territoriale des pratiques s'attaque à plusieurs objets d'étude : la circulation de l’information technique (Cerf & Meynard, 2006; Meynard et al., 2014), les coordinations dans les bassins de collecte des entreprises de stockage et de transformation (Le Bail, 2005; Le Gal et al., 2011), la gestion de la production au sein de périmètres irrigués (Le Gal & Papy, 1998; Le Gal et al., 2007). Ces recherches débouchent sur de nombreuses perspectives opérationnelles pour les acteurs. Certains de ces travaux ont permis d'identifier des freins à la diversification des cultures au niveau des entreprises de collecte, stockage et mise en marché (Meynard et al., 2014). D'autres sont allés jusqu'à concevoir des outils et des modèles pour améliorer la gestion de la production et de la collecte à l'échelle du bassin d'approvisionnement d'une usine, et pour mieux valoriser la diversité spatiale de la qualité (Le Gal et al., 2004; Le Gal, 2006; Le Bail, 2005). Enfin, certains chercheurs ont proposé des méthodes intégrées pour la conception de systèmes innovants basés sur l'utilisation d'une combinaison de leviers aux échelles des parcelles, des exploitations et du territoire (Le Bail, 2012; Meynard et al., 2016; Le Gal et al., 2011).

Plusieurs efforts de théorisation visent à structurer l’approche systémique de l'agriculture dans son territoire. Parmi les nombreux cadres d'analyse qui rendent compte de la construction des pratiques à l'échelle du territoire, celui de système local d'approvisionnement (Le Bail, 2005) nous semble particulièrement abouti, et nous sera utile dans l'analyse du cas d'étude. Nous y reviendrons dans le chapitre 4.1.

2.3.2. Influence des systèmes de culture sur la qualité

• Conceptualisation des mécanismes de construction de la qualité à la parcelle

A travers les concepts d'itinéraire technique et de système de culture, l'agronomie système ne se contente pas d'éclairer le fait technique. Elle développe en parallèle une approche globale de la construction du rendement et de la qualité à l'échelle de la parcelle. En effet, ces 2 notions permettent une analyse systémique des processus biophysiques en jeu dans l'élaboration la production. Parmi les nombreux apports que ces concepts véhiculent, nous retiendrons 2 idées qui nous seront utiles par la suite.

La première est que l’élaboration de la production (rendement, qualité) résulte d’interactions complexes entre le peuplement végétal, le sol, le climat, et les pratiques agricoles (Sebillotte, 1974, 1978; 1995). Le rendement et la qualité d’une production s’établissent en plusieurs étapes, dépendantes de la succession des stades de développement de la plante. Le concept de « composantes » du rendement, concrétise cette décomposition du processus complexe qui aboutit à une qualité ou à un rendement donné. Dans la pratique, l’analyse par composantes consiste à diviser le cycle phénologique de la plante en plusieurs phases, chaque phase correspondant à des processus bien différenciés et partiellement indépendants. La valeur d’une composante du rendement dépend des

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composantes antérieurement formées et des facteurs et conditions du milieu pendant sa phase de formation (Meynard & Sebillotte, 1982). On peut interpréter les différences inter-parcellaires des valeurs prises par une composante du rendement comme résultant de différences dans les facteurs et conditions du milieu pendant sa phase de formation : les composantes sont ainsi très utiles pour diagnostiquer les causes de variation du rendement. Le principe de l’analyse par composante a été étendu par Le Bail & Meynard (2003) à l’analyse de la qualité de l’orge de brasserie.

Le deuxième enseignement est que l'agronome ne doit pas isoler les techniques, mais au contraire les analyser conjointement. Il y a en effet beaucoup d’interactions entre techniques, et par conséquent, leurs effets ne sont pas additifs (Meynard et al., 2001). D'une part, plusieurs techniques agissent sur les mêmes facteurs biotiques et abiotiques. Dans un verger par exemple, la fertilisation azotée et l'irrigation influent toutes deux la disponibilité des éléments minéraux du sol. Symétriquement, une même technique joue sur plusieurs caractéristiques du milieu. Par exemple, la gestion de l'enherbement influence à la fois les températures du sol et la minéralisation de l'azote. Cette complexité a au moins 2 conséquences opérationnelles (Doré et al., 2006) : la première est que le résultat d'une technique n'est jamais certain, et qu'un changement technique peut avoir des conséquences non prévues sur le fonctionnement du champ cultivé ; la seconde est que la meilleure manière d'atteindre un objectif de production n'est pas de modifier un acte technique isolément des