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I.2. De nouvelles sources de données pour les chercheurs

I.2.2. Quels questionnements sont possibles à partir de ces nouvelles données?

I.2.2.2. Des indicateurs d’activité urbaine

Les capteurs urbains nous apportent une information considérable sur le fonctionnement urbain. Ils permettent, par exemple, d’appréhender les «densités diurnes» (Mille, 2000) au sein de la ville. En effet, des capteurs comme les téléphones portables peuvent être utilisés comme des indicateurs de présence dans la ville, et peuvent par conséquent fournir une information que les moyens traditionnels de collecte (recensement de la population, enquête…) ne permettent pas. Connaître les rythmes d'activité de l'espace urbain est ainsi un véritable atout pour les gestionnaires aussi bien pour la gestion quotidienne de la ville que pour la gestion des évènements sortant de l'ordinaire (situations de crise ou évènements organisés mais conduisant à la formation de foules).

En 2007, S. Krygsman, T. de Jong, et P. Schmitz collectent des données sur 83 participants volontaires afin de montrer que les téléphones portables peuvent être une source d'information utile pour étudier les mobilités et les rythmes de la ville. Mais ils pointent aussi l'une des limites des données de téléphonie mobile : le manque d'information sur les motivations et le contexte des déplacements. Grâce à des méthodes d'agrégation, J. Reades, F. Calabrese et C. Ratti (2009), F. Girardin, F. Calabrese et alii (2008), F. Calabrese, J. Reades et C. Ratti (2010), R. Ahas, A. Aasa, S. Silm et alii (2010) déterminent les profils spatio-temporels des différents lieux de la ville. Ces auteurs parlent de «signature temporelle» des lieux. Ils utilisent les données issues des capteurs urbains tels que les GPS, les téléphones portables ou encore les photographies mises en ligne sur Flick’r pour cartographier l’évolution des différents lieux de la ville au fil de la journée. Dans leur article de 2010, F. Calabrese et alii s’intéressent au

19 Cette loi veut que dans une distribution de données statistiques, le premier chiffre non nul le plus fréquent soit 1, le suivant 2 etc...

campus du M.I.T et collectent pendant 14 semaines du printemps 2006 les connexions wifi de 20 000 usagers. En couplant ces données avec une typologie des différents espaces du campus et en mobilisant des méthodes issues du traitement du signal, des signatures temporelles, ces auteurs identifient des catégories spatiales fonctionnelles, permettant ainsi de catégoriser les pratiques de l'espace du campus au fil d'une journée.

A l'échelle d'un territoire plus large, R. Ahas et alii (2010) proposent d’analyser les migrations domicile-travail en fonction des différentes charges de population présente dans l’agglomération de Tallinn à différents moments de la semaine et de la journée. Ils montrent ainsi les différentes temporalités d’usage du centre ville de Tallinn et de sa banlieue et la relative indépendance de fonctionnement des régions plus éloignées.

Les enregistrements du réseau de téléphonie mobile et les photographies disponibles sur le site Flick’R peuvent en outre apporter facilement des informations sur la nationalité des usagers, permettant de réaliser une cartographie des pratiques touristiques et de différencier l'espace urbain pratiqué par les locaux de celui pratiqué par les touristes. F. Girardin et alii (2008, 2009) se lancent ainsi dans une cartographie des lieux visités par les touristes et par les locaux à Rome et Florence et dans la cartographie de « l’attractivité » des quartiers de New York en fonction de l’origine des visiteurs. Les données de téléphonie mobile et les photographies géolocalisées déposées sur Flick'R leur permettent de comparer l'attractivité relative des différents sites touristiques New-Yorkais et d'analyser les différences entre la semaine, où de nombreux locaux sont présents sur Manhattan et le week-end, où la présence touristique domine largement, notamment dans le centre d'affaires20.

D’autres chercheurs, tout en s’intéressant aux rythmes urbains, privilégient une approche centrée sur les événements sociaux. En effet, les données numériques comme les données de téléphonie mobile peuvent être utiles pour détecter des évènements anormaux (Candia et alii, 2008) mais aussi pour représenter l'intensité d'un événement festif comme une exposition artistique (Ratti, Pulselli, Williams et alii, 2006) ou un concert de Madonna (Calabrese et Ratti, 2006). Lors de ces évènements, les auteurs font l'hypothèse que le fonctionnement habituel de la ville est modifié, et que se met alors en place une organisation temporaire des mobilités et des sociabilités liée à l'évènement. C’est dans cette thématique que s’inscrivent les travaux de C. Cariou (2010) sur la fête de la musique et la nuit blanche à Paris. A l'aide d'une comparaison entre un week-end « standard » dans Paris et le week-end de la fête de la musique du 21 juin 2008, C. Cariou construit des visualisations des bouleversements de l'espace urbain. B. Elissalde, F. Lucchini et S. Freire-Diaz (2011) ont aussi pour ambition de représenter et d'analyser les configurations urbaines éphémères : à l'aide de données de téléphonie mobile, ils s'intéressent aux sur-concentrations inhabituelles et inattendues d'usagers pendant l'Armada de Rouen de 2008 (large rassemblement de voiliers à Rouen qui a

I.2. De nouvelles sources de données pour les chercheurs

lieu tous les 4 à 5 ans). Grâce à la précision spatio-temporelle des données utilisées, B. Elissalde et alii mettent en évidence le déplacement des centralités urbaines par rapport à une situation « normale » mais aussi tout au long de l'Armada.

Les déplacements, eux-mêmes peuvent suivre des rythmes différents. S’intéressant au mouvement à l’échelle intra-urbaine, les travaux de Borgnat et alii (2011) empruntent des méthodes issues du traitement du signal pour analyser les caractéristiques liées à l’utilisation des vélo'v, un service urbain de location de vélo à Lyon, et les caractéristiques liées à l’organisation du service en lui-même. L’utilisation des vélo’v suit une évolution non- stationnaire sur l’ensemble de la période considérée (2005-2007) et une évolution cyclostationnaire si on considère un cycle d’une semaine. L’activité des stations est fort disparate selon leur profil : les stations situées dans le quartier de la Croix Rousse, en hauteur, ont par exemple beaucoup plus de départs que d’arrivées, les stations situées autour du centre ont des flux polarisés vers le centre. Le profil des quartiers peut expliquer ces différences d'activité : les stations disposées autour du parc de la tête d'or, parc d'une centaine d'hectares situés dans Lyon, sont davantage sollicitées le week-end, tandis que les stations situées dans le campus de Villeurbane obéissent à de réels rythmes pendulaires (Merchez et Rouquier, 2011). L'analyse de la vitesse permet de différencier les usages de ce mode de transport en fonction du moment de la journée : les usagers roulent plus vite le matin ou les jours de semaine et d’une manière générale, la vitesse des vélo’v entre 12 et 14 km/h en fait un moyen de transport concurrentiel.