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I.2. De nouvelles sources de données pour les chercheurs

I.2.2. Quels questionnements sont possibles à partir de ces nouvelles données?

I.2.2.1. De nouveaux angles d’analyse de la mobilité spatiale

3) Des régularités sur les mobilités «redécouvertes»

Les capteurs urbains enregistrent des données individuelles, mais celles-ci peuvent rarement être analysées à l’échelle de l’individu. On se sert alors de ces comportements individuels pour analyser le résultat collectif à l’échelle de la ville, sous forme de flux de déplacements. M. González et alii (2008) utilisent les traces numériques de 100 000 usagers du téléphone portable suivis pendant six mois pour dégager des «patterns» dans les mobilités. Il en ressort que, contrairement à ce qui avait été montré en s’appuyant sur le processus de diffusion des billets de banque, les mobilités humaines retracées à partir de la localisation des téléphones portables ne correspondent pas à un vol de Lévy. Le vol de Lévy est un modèle utilisé pour décrire les trajectoires des animaux, c'est une marche aléatoire pour laquelle la distribution de la longueur des pas suit une loi de puissance. Ainsi, une particule suivant un vol de Lévy aura de fortes chance de parcourir de grandes distances en un seul mouvement. Au contraire, M. González et alii (2008) arrivent à la conclusion que la plupart des usagers réalisent des trajets relativement courts, et rares sont ceux qui se déplacent sur de longues distances. M. González et alii retrouvent ainsi le fait bien connu des sociologues selon lequel, d’une manière générale, les trajectoires humaines obéissent à des routines spatio-temporelles. C. Song et alii (2010)

évaluent la part d'aléatoire et de routine dans les mobilités humaines. Pour cela, ils mesurent l'entropie existante dans les déplacements individuels à partir des données de localisation de téléphones portables. Il en résulte que 93% des déplacements peuvent être prédits, mais surtout qu'il n’y a pas de variation quelle que soit la population considérée : la régularité serait intrinsèque à l’activité humaine (Song et alii, 2010).

Dans la lignée de ces travaux sur les mobilités observées à une échelle collective, S. Isaacman R. Becker, R. Cáceres et alii (2010) étudient la distance maximale parcourue par le détenteur d'un téléphone portable en une journée et comparent les comportements des habitants de deux villes états-uniennes. Ils montrent ainsi que les habitants de Los Angeles se déplacent en moyenne sur une distance plus grande que ceux de New York. Mais les habitants de New- York, quand ils se déplacent loin, se déplacent très loin. Ils comparent leurs résultats à ceux de M. González et alii (2008) pour un pays d’Europe : la distance parcourue par les Etats-Uniens est 4 à 5 fois plus grande que celle parcourue par les Européens. A. Sevtsuk, C. Ratti (2010) montrent eux aussi que les mobilités quotidiennes obéissent à des routines spatio-temporelles dans la ville de Rome. Au lieu de se focaliser sur les trajectoires des individus, ils se concentrent sur une étude longitudinale de l'activité des antennes du réseau de téléphonie mobile (en prenant comme mesure le volume des communications). La variabilité temporelle explique 50 % des résultats observés, ce qui, pour les auteurs, laisse supposer que dans 50% des résultats, ce sont les routines qui expliquent l'activité des antennes du réseau.

A. Noulas, S. Scellato, R. Lambiotte et alii (2011) utilisent des données issues de Flick’R, soit 925 000 usagers s’enregistrant dans 5 millions de lieux au sein de 34 métropoles pour trouver des régularités dans les mobilités. Ils mobilisent la théorie de S. Stouffer sur les opportunités pour expliquer les déplacements. La théorie de Stouffer propose une alternative au rôle classique que joue la distance dans les interactions spatiales. Elle propose de prendre en compte non pas la distance comme une mesure continue mais comme un critère ordinal qui permet de classer les destinations possibles. Les individus font donc leur choix de déplacement en fonction des opportunités (cf Chapitre 2, p.52). D'après cette étude, les facteurs expliquant les déplacements seraient davantage la densité et la distribution spatiale que les distances en elles mêmes (Stouffer, 1960) .

J. Candia et alii (2008) utilisent la localisation des appels de téléphones portables pour étudier les phénomènes collectifs et l’émergence d’anomalies. Les évènements anormaux sont facilement repérables à l’aide des outils de la théorie de la percolation. La percolation étant un processus physique qui décrit une transition d'un état d'un système à un autre. Les évènements anormaux donnent, en effet, naissance à des fluctuations corrélées dans l'espace.

A. Bazzani, B. Bruno, S. Rambaldi et alii (2010) montrent que même si le comportement individuel est aléatoire, les comportements collectifs obéissent à des lois statistiques générales concernant la mobilité des individus. A. Bazzani et alii se placent dans une analogie avec un

I.2. De nouvelles sources de données pour les chercheurs

gaz de Boltzmann. Les individus qui se déplacent sont considérées comme des particules qui interagissent le moins possible entre elles et qui disposent des mêmes ressources spatiales. A partir de ces hypothèses, trois lois statistiques peuvent être vérifiées: la distribution de la distance parcourue correspond à une distribution de Boltzmann (donc conforme à la distribution observée pour des particules de gaz qui auraient les mêmes hypothèses d'indépendance au départ), la distribution du temps passé dans chaque activité correspond à une loi de Benford19, et enfin la distribution du degré de répétition des activités semble être un

mélange de ces deux modèles.

Ces études mobilisent des modèles statistiques issus d'autres disciplines (le plus souvent de la physique) et s’intéressent aux données de téléphonie mobile comme outil de description et de prédiction de comportements collectifs plus globaux. La diversité des approches rend pourtant difficile une vision unifiée des mobilités à partir de cette nouvelle source d'information. D’autres auteurs, ayant une approche plus territoriale, s’intéressent à caractériser la mobilité dans une ville particulière à partir des données de téléphonie mobile.