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L' un des objectifs de cette thèse était de tester la validité de l'utilisation de données de téléphonie mobile pour comprendre un phénomène spatio-temporel comme celui des mobilités. En ce sens, les différentes explorations menées au cours de cette thèse ont montré la pertinence de ces données pour l'observation de ce phénomène.

La validité des données : compenser l'imperfection par la quantité de données

Une des hypothèses fortes de ce travail était qu'il était possible de compenser en partie, sinon la mauvaise qualité, du moins l'inadéquation d'une information relative à la mobilité des personnes, par le caractère massif de ces informations qui peuvent être analysées par ailleurs, de manière très détaillée dans l'espace et dans le temps. Nous avons en effet, vérifié que grâce à la multiplication des angles d'approche, il était possible de mettre en évidence des régularités des mobilités individuelles dans l'espace urbain, et ceci à l'échelle d'une grande agglomération pour des mobilités quotidiennes d'une part et pour des mobilités plus exceptionnelles d'autre part.

Les données de téléphonie mobile constituent un complément d'information extraordinaire par rapport aux enquêtes classiques. En effet, ces dernières présentent elles aussi de nombreuses imperfections. Elles ne permettent pas un suivi longitudinal des populations, et encore moins sur autant d'individus. Disposer de données au niveau individuel permet de s'affranchir des cadres classiques de l'analyse des mobilités, souvent déterminés par le niveau d’agrégation nécessaire pour que les données collectées prennent une signification statistique suffisante. Par leur inscription dans l'espace et le temps, les données de téléphonie mobile permettent de s'interroger sur des processus spatio-temporels jusqu'ici inaccessibles avec les sources de données classiques. Elles permettent aussi d'appréhender des formes de mobilité plus locales ou plus exceptionnelles, à condition de leur appliquer une méthodologie adaptée.

Ces données constituent donc une source d'information importante pour les chercheurs, dont font partie les géographes mais aussi pour les décideurs. La possibilité de suivre en temps réel les individus permet d’imaginer des opérations futures de gestion des flux ou des situations d'urgence à l'aide de données de téléphonie mobile.

Dans une dimension moins prédictive, mais tout aussi utile pour les décideurs, à l'aide des outils de l'analyse spatiale, ces sources nouvelles d'information peuvent permettre de caractériser l'attractivité des lieux et de mesurer les interactions entre ces lieux.

centralité ou les réseaux de circulation qui construisent l'espace urbain. Elles permettent de mieux comprendre comment les déplacements individuels construisent l'espace relationnel de la ville d'une part et d'autre part comment les structures fortes d'un territoire urbain retentissent sur l'expression de ces déplacements.

Des premiers résultats observables dans la région Ile-de-France

L'observation des mobilités au sein de la région Ile-de-France a permis de valider la pertinence des données de téléphonie mobile. En effet, au sein de la région Ile-de-France, les données de téléphonie mobile permettent d’abord de restituer une image fine de la spatialité des déplacements : ceux-ci sont les plus intenses le long des axes de transports tels que la ligne du RER A reliant le bassin résidentiel de l'est parisien aux lieux d'emplois tels que le centre de Paris ou le centre d'affaires de la Défense. Les données de téléphonie mobile permettent surtout de bien préciser quelles sont les temporalités des déplacements à des échelles très fines. Les déplacements obéissent à des régularités temporelles : plus intenses aux heures de pointe la semaine, ils sont beaucoup moins importants le samedi matin car la nécessité de se rendre sur le lieu de travail est moins importante. Ces déplacements sont concentrés dans le cœur de l'agglomération parisienne, qui concentre à la fois les hommes, les axes de transport mais aussi les lieux d'emploi. Pourtant l'importance de ces flux dominants ne permet pas d'occulter l'existence d'autres structures, davantage fondées sur des logiques de proximité, comme nous tentons de le montrer en utilisant des méthodes d'agrégation et qui semblent davantage résister face au poids des déplacements domicile-travail du matin et du soir.

En outre, la disponibilité d'une information sur les visiteurs étrangers a permis de s'intéresser à une sous-population spécifique. L'observation montre que les pratiques des visiteurs étrangers sont soumises à des contraintes d'emploi du temps autant, voire plus, contraignantes que celles des franciliens. Ces pratiques, bien qu'a priori moins déterminées dans leurs expressions spatiales, sont pourtant fortement contraintes par l'offre touristique. Celle-ci articule des grandes infrastructures de transport aussi bien que des hauts-lieux attractifs. Ainsi, les concentrations d'individus et les déplacements sont polarisés par les infrastructures de transport comme les aéroports mais aussi par les sites touristiques majeurs situés dans le centre de Paris ou par le site touristique au fonctionnement quasi autonome que constitue Disneyland Paris. Les résultats obtenus par les données de téléphonie mobile viennent ainsi confirmer les analyses présentées par les auteurs spécialistes du tourisme parisien (Duhamel, 2007) et par les visualisations offertes à partir d'autres données numériques géolocalisées comme les données issues du site Flick'R (Girardin et alii, 2008).

Conclusion générale

été permise grâce au développement d'outils et à l'adaptation de méthodes spécifiques :

– des outils de visualisation développés en collaboration étroite avec un ingénieur stagiaire

– des outils analytiques utilisés dans le cadre de l'analyse des réseaux. • La question des échelles spatio-temporelles

L'analyse des mobilités à partir de données individuelles comme les données de téléphonie mobile a permis de s'interroger sur les relations entre l'échelle spatio-temporelle des objets observés et le type d'information inférée. En effet, les données de téléphonie mobile, vu leurs imperfections ne sont pas adaptées pour la production d’informations brutes à l'échelle individuelle. A l'inverse, avec des niveaux d'agrégation différents, et à des échelles d'observation spatio-temporelles différentes, nous avons pu faire apparaître certains types d'informations :

• Par exemple, les données de téléphonie mobile sont particulièrement bien adaptées pour des mesures de trafic multimodal à l'échelle des déplacements interrégionaux. En effet, dans un espace urbain dense, les différentes formes de mobilité sont très imbriquées dans l'espace et dans le temps alors qu'en élargissant le territoire d'observation pour s'intéresser à des formes de mobilité qui peuvent se déployer sur des distances plus grandes, on sépare mieux ce qui relève des différents modes de déplacements.

• Elles permettent aussi de comprendre l'organisation des mobilités à l'échelle d'une région comme la région Ile-de-France.

L'échelle de la région Ile-de-France bien que déjà très grande permet une appropriation sur un espace manipulable dans le cadre d'une thèse. Il est pourtant bien évident que pour la téléphonie mobile et l'étude des mobilités, les limites régionales sont arbitraires. L'agglomération parisienne suscite des flux de mobilité dépassant les limites régionales, comme on peut l'observer avec les migrations pendulaires entre les départements limitrophes des autres régions et la région parisienne. Ainsi, pour prendre en compte le fonctionnement d'une agglomération de cette taille, il conviendrait de prendre des limites beaucoup plus larges que les simples limites régionales.

Tout comme le niveau d'analyse spatiale détermine les processus identifiables, le niveau d'observation temporelle détermine les processus observables. La disponibilité d'une quinzaine de jours permet de s'intéresser aux mobilités quotidiennes qui sont un des aspects des déplacements de population mais pas le seul. La disponibilité de périodes plus longues permet aux chercheurs de s'intéresser à des dynamiques à moyen terme comme les migrations saisonnières, les mobilités résidentielles ou les répétitions de visite des visiteurs étrangers. De même la qualification des mobilités quotidiennes à partir d'un échantillon de deux semaines permet plus difficilement de mettre en avant les caractéristiques de ces dernières.

L'importance de la relation université-entreprise et du contexte interdisciplinaire Une telle thèse n'aurait pas pu être menée à bien sans un partenariat réussi entre :

• un laboratoire de recherche et développement d'une grande entreprise, Orange, disposant de compétences empiriques et théoriques liées aux usages de la téléphonie mobile,

• un laboratoire spécialisé dans l'analyse des processus spatio-temporels, l'UMR Géographie Cités disposant de compétences dans le traitement et l'analyse de l'information géographique,

• un groupement d'intérêt scientifique, l'ISC-PIF favorisant les échanges interdisciplinaires autour des systèmes complexes.

De prime abord, les données de téléphonie mobile sont insatisfaisantes mais grâce à de tels partenariats, il est possible d'aller plus loin dans leur valorisation. Cette valorisation est possible en mettant en œuvre des moyens relevant de l'interdisciplinarité entre les sciences sociales et des sciences « dures » comme la physique ou l'informatique et de compétences en ingénierie: utilisation des concepts de la géomatique, développement d'outils de visualisation plus sophistiqués, utilisation des méthodes issues de l'analyse des réseaux.

Les perspectives de recherches futures

L'analyse des données de téléphonie mobile a montré sa pertinence pour l'étude des mobilités au sein de l'espace urbain. Les pistes de recherche s'ouvrant à la fin de cette thèse sont nombreuses :

• L'utilisation des données de téléphonie mobile pour qualifier des contextes d'attractivité via la connaissance des contextes locaux et de la fréquentation des stations du réseau de téléphonie mobile est une piste de travail intéressante pour développer des outils opérationnels.

• De même, l'utilisation des outils d'analyse des réseaux et plus particulièrement des réseaux dynamiques est une perspective de recherche intéressante.

Les outils tels que la détection de communauté paraissent particulièrement adaptés pour faire ressortir des interactions locales et répondre ainsi à des problématiques actuelles sur le rôle de la proximité dans l'organisation de l'espace urbain et des pratiques de mobilité.

Elle nécessite cependant des collaborations scientifiques et une quantité d'information qui dépassent le cadre d'une thèse.

Conclusion générale

dynamiques mais aussi de l'analyse géographique. Ainsi, sur un plan méthodologique et conceptuel, il serait intéressant de continuer à formaliser l'interaction entre les différents niveaux d'observation spatiale et temporelle et les phénomènes observés à partir de données individuelles de téléphonie mobile.