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Inconvénients d’un robot de traite

Chapitre 1. Modèles agricoles et domestication à travers l’histoire

1.3 Lien entre l’animal et la machine en agriculture : la traite robotisée

1.3.4 Inconvénients d’un robot de traite

Cet équipement ne comporte pas que des avantages. Ces inconvénients sont aussi à considérer lors de la prise de décision, par exemple le coût de ces machines constitue un frein aux agriculteurs. Un robot de traite coûterait entre 150 000 et 200 000 dollars américains, et ce, pour être utilisé avec seulement une soixantaine de vaches226. Au coût de l’équipement, il faut ajouter le montant associer au temps d’adaptation du fermier et des animaux à la machine qui comprennent les coûts de la mise en marche qui demande plus de travail et les coûts de réformes des individus inadaptés227. Les frais de maintenances de l’équipement seront aussi à considérer. En plus d’être très dispendieux, cet équipement ne permet pas nécessairement de réduire le coût de production du lait, et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, le robot de traite est par exemple conçu pour fonctionner de manière optimale avec soixante individus. Ainsi, si un troupeau est formé de moins de vaches, le robot ne sera pas assez sollicité. À l’inverse, s’il y a trop de vaches pour les capacités du robot, elles ne pourraient être traites autant qu’elles ne le souhaitent. Ces pratiques peuvent nuire à la rentabilité de la machine. De surcroît, si une ferme était très productive avant l’acquisition du robot, il sera difficile de faire en sorte que les vaches produisent encore davantage. La rentabilité d’une ferme peut aussi être influencée par des facteurs dont l’agriculteur n’a pas le contrôle, comme le prix du lait sur les marchés. Le rendement est aussi relatif au niveau d’endettement auquel les éleveurs ont dû recourir pour acheter

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Op cit., Jacobs. p.6.

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l’équipement. Cette technologie n’est donc pas nécessairement rentable, elle est surtout adoptée par 67.3% des éleveurs pour des raisons sociales telles que le remplacement d’un employé228.

Un autre inconvénient important est que le robot de traite risque de rendre l’éleveur dépendant à la machine. En effet, dorénavant pour prendre des décisions, les éleveurs sont éclairés par des paramètres qu’ils ne peuvent observer eux-mêmes, comme les hormones ou les mastites. L’humain peut ainsi perdre de l’autonomie décisionnelle et croire qu’il doit toujours consulter la machine avant d’agir, ce qui risque de devenir addictif229. Avant l’implantation des robots, les fermiers étaient eux-mêmes responsables de recueillir des informations sur la vache, surtout par l’observation, pour veiller à sa bonne santé. La façon de pratiquer ces tâches traditionnelles, n’étant plus nécessaires avec un robot, sera peut-être perdue230. Par exemple, un éleveur qui connaît bien ses vaches est apte à cerner lorsque ces dernières sont fécondes. En effet, il peut remarquer qu’elles ont une vulve rosée, qu’elles se laissent monter ou qu’elles sont nerveuses. Cependant, nous pouvons supposer que si un éleveur n’a plus besoin d’apprendre à identifier ces signes pour savoir qu’une vache est féconde, ce genre de connaissances ne sera plus transmis. Ainsi, ce sont des connaissances et des compétences qui risquent de disparaître.

En outre, l’installation d’un robot peut contraindre les éleveurs à préserver le nouveau modèle qu’ils mettent en place. Avec un robot, il devient plus difficile d’agrandir son troupeau, car la machine ne peut traire qu’un nombre limité d’individus par jour. Acheter un deuxième robot pour quelques têtes de plus n’est pas rentable231, il faut accroître d’un coup ou ne pas le faire. De plus, lorsque le robot brise, il est rare que l’éleveur ait les compétences pour le réparer. Il doit faire appel à un technicien et l’attendre, ce qui coûte cher puisqu’en plus des coûts reliés à la réparation, il faut compter la somme perdue pendant que le robot n’était pas en marche232

. 228 Ibid., p.10. 229 Op cit., Tiers. 230 Op cit., Jacobs, p.6. 231 Op cit., Beauregard. p.12. 232

Michael Kassler. (2001). « Agricultural automation in the new millenium », Computers and Electronics in Agriculture, vol. 30, p.238.

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En surplus, ce nouveau système s’accompagne d’une contrainte inexpérimentée jusqu’alors. En effet, même s’il libère du temps, le robot impose en revanche qu’une personne soit toujours présente sur la ferme. Comme il est toujours en fonction, il peut déclencher des alarmes signalant des anormalités à toute heure du jour ou de la nuit233. Aussi, il est nécessaire que deux personnes connaissent le fonctionnement du robot au sein de la ferme pour que le propriétaire puisse se faire remplacer234.

Par ailleurs, l’automatisation de l’élevage entraîne un changement de tâches majeures pour l’agriculteur, mais au-delà de cela, c’est le rôle complet de l’éleveur qui se voit modifier au sein de la ferme. L’éleveur devient un gestionnaire et un entrepreneur, car son travail se déroule désormais en lien avec la prise de décisions. Il doit surtout analyser et interpréter des données. Parmi la panoplie de données, il doit arriver à sélectionner celles dont il a vraiment besoin, sinon il sera surchargé235. Nous sommes loin de l’image traditionnelle du fermier qui s’épuise à la sueur de ses efforts physiques. Le robot change la manière de travailler des agriculteurs, avant l’éleveur trayait ses vaches deux fois par jour à des heures fixes, ce qui était contraignant. Il peut maintenant profiter de plus de flexibilité dans son horaire, puisque les vaches se rendent elles-mêmes à la traite.

Cette nouvelle façon de fonctionner implique également de nouvelles tâches pour l’agriculteur. Le travail manuel doit être remplacé par du travail d’observation direct des animaux, mais aussi à travers l’information donnée par le robot de traite. C’est important, car l’éleveur ne bénéficie plus du moment privilégié que constituait la traite entre lui et chacune de ses vaches pour les observer de près et les toucher. Il faut en plus apprendre à faire de la maintenance technologique. Enfin, il est nécessaire de prendre du temps pour emmener à la traite les vaches réfractaires qui ne sont pas allées par elle-même dans la journée.

Par ailleurs, les modifications renforçant l’automatisation des fermes n’ont pas fini de défiler sous nos yeux. Ce phénomène consiste en une course contre le temps qui cherche à rendre la traite toujours plus rapide, en exigeant toujours davantage de l’animal en termes

233 Op cit., Parent. 234

Op cit., Veysset, Wallet et Prugnard. p.55.

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de productivité. Le robot de traite est un exemple représentant une nouvelle manière de pratiquer l’agriculture où l’intervention humaine se passe au niveau de la gestion plutôt qu’au niveau manuel. Gérer des données est censé améliorer la prise de décision des éleveurs qui peuvent réfléchir en meilleure connaissance de cause. Ainsi, ils ne prendront pas de meilleures décisions, mais bien les bonnes décisions236. En tout état de cause, le robot permet de faire subsister le modèle des fermes familiales qui sont nombreuses à l’acquérir : « The recent technological evolutions (robotic milking system […] in dairy farms, […] GPS and so-called “precision” farming to face the growing difficulties of managing increasingly larger and therefore increasingly heterogeneous plots, increase in the furrow width of machines and increased automation) show that pursuing productivity gains is still possible within the framework of the same family “model” »237

. Ceci dans un contexte où la croissance de la productivité est requise pour la survie d’une ferme.