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Impacts sur l’efficacité des procédures

Dans le document NOR : INTX1801788L/Bleue-1 (Page 123-126)

DÉTENTION POUR STATUER SUR LE MAINTIEN EN RÉTENTION

5. ADAPTER LA DURÉE ET LE SÉQUENÇAGE DE LA RÉTENTION

5.4.2. Impacts sur l’efficacité des procédures

Cette durée maximale de 90 jours concilie proportionnalité au regard des buts poursuivis et efficacité, en permettant d’envisager l’obtention de laissez-passer consulaires, nécessaires au réacheminement des personnes vers leur pays d’origine, dans des délais utiles.

En effet, si l’insuffisance relative du taux d’exécution des mesures d’éloignement est en lien avec une pluralité de facteurs, l’un des principaux obstacles à l’exécution des mesures d’éloignement tient à la difficulté d’obtention de la part des autorités consulaires compétentes des laissez-passer consulaires (LPC), nécessaires à l’admission ou la réadmission des étrangers concernés dans le pays de retour.

Ainsi, le taux de délivrance dans les délais des LPC était de l’ordre de 51 % en moyenne en 2017.Certes, ce taux s’est globalement amélioré par rapport à 2015 (43 %) et 2016 (46 %).

Mais ce chiffre demeure insuffisant et ne saurait dissimuler de fortes disparités entre les Etats : par exemple, le taux est proche de 90 % avec certains Etats d’Europe de l’Est (83 % pour l’Arménie, 91 % pour l’Albanie), mais chute à moins de 20 % pour certaines Etats d’Afrique (11 % pour le Mali, 17 % pour l’Égypte). Il est un peu inférieur à 30 % pour la Mauritanie, le Maroc, la Turquie et le Bangladesh.

Les raisons de ces difficultés sont diverses : elles sont pour une part objectives parce qu’inhérentes à l’identification d’une personne. La question des délais de réponse est centrale dans la conclusion d’engagements en matière de réadmission avec des pays tiers. Pour de nombreux pays tiers ne disposant pas de système d’état civil automatisé ou d’un système

124 d’identification fiable, notamment par empreinte, il est difficile d’identifier de façon certaine leur ressortissant dans des délais courts.

Ces difficultés sont aussi conjoncturelles et politiques. Dans tous les cas, elles sont évolutives, dépendantes du contexte comme des possibilités techniques d’identification.

La situation est analogue dans les autres Etats membres de l’Union européenne. Selon Eurostat, près de 500 000 mesures d’éloignements ont été prononcées en 2016 au sein de l’Union européenne, mais moins de 226 150 ont été exécutées (retours volontaires inclus), soit un taux de 45,8 %. Toutefois, le taux d’exécution des décisions de retour est disparate entre les Etats membres. Selon les données EUROSTAT, le taux d’exécution français est de 13,49 %.

Les délais de rétention français empêchent d’améliorer la coopération consulaire en tant qu’ils ne permettent pas de mettre en place des procédures opérationnelles effectives avec les pays tiers. Généralement, les délais actuels de rétention de 45 jours sont trop courts pour pouvoir disposer du temps nécessaire à la préparation du vol, voire le cas échéant à la délivrance d’un LPE, une fois que la reconnaissance est intervenue.

Ce constat est notable dans le cadre des accords passés au niveau européen. La Commission européenne a mandat de négocier des accords migratoire avec des pays tiers, comportant des clauses de réadmission et des délais de réponse pour le pays partenaire. La brièveté du délai français oblige parfois la France à s’opposer au délai proposé par l’Etat tiers, alors que celui-ci ne pose pas de problème aux autres Etats membres, et donc le cas échéant, à retarder la conclusion de l’accord.

On constate malgré un engagement du Pakistan dans le cadre d’un accord de réadmission conclu au niveau européen à répondre sous 30 jours, que dans les faits la réponse intervient dans un délai de 40/45 jours, nous privant de la possibilité d’organiser un vol.

D’autres pays (Allemagne, Autriche, Grèce) parviennent, à l’inverse, à éloigner un nombre plus conséquent de personnes dans le cadre de vols organisés sous l’égide de Frontex : ainsi, plus de 400 personnes ont été éloignées en 2017 alors que la France peine à en réaliser une trentaine en 2017. A titre de comparaison, le Royaume-Uni parvient à lui-seul dans le cadre de son propre accord à éloigner environ 600 personnes par an.

La difficulté est du même ordre avec l’Afghanistan : une déclaration conjointe « Joint way Forward » a été conclue au niveau européen avec l’Afghanistan sur les retours qui prévoit un délai de 4 semaines à partir de la réception de la demande. Si la reconnaissance n’intervient pas dans ce délai, l’accord permet l’édiction d’un laissez-passer européen (LPE) ; toutefois, le renvoi requiert l’accord des autorités afghanes, qui est généralement reçu dans un délai de 15 jours, soit une procédure de près de 45 jours (4 semaines + 15 jours) qui laisse peu de marges à l’organisation du départ et suppose que le pays d’origine ait pu être identifié dès le début de la rétention. Alors que cet accord est conclu au niveau européen, d’autres Etats membres parviennent à éloigner des ressortissants de cette nationalité alors que la France peine à éloigner.

125 Les délais courts de rétention empêchent de convenir de pratiques opérationnelles qui permettent aux pays tiers de disposer d’outils et de délais adaptés à leurs moyens d’identification réels. Le Maroc a conclu des procédures d’identification par empreintes digitales avec la Belgique et l’Allemagne prévoyant une reconnaissance dans un délai de 45 jours. La conclusion d’une procédure similaire par la France reste difficile en tant qu’elle suppose de conclure des délais qui de fait ne pourraient être respectés. Or les Marocains constituent la deuxième nationalité en termes de mesures prononcées en 2016, seules 27 % des mesures sont exécutées. Le taux de délivrance des LPC dans les délais n’est que de 27,5 %. La durée de rétention actuelle ne nous permet pas de convenir de façon efficace de tels engagements avec le Maroc.

Il résulte des délais en cause, s’agissant de certaines nationalités, une incitation moindre de l’autorité administrative à mettre en œuvre l’éloignement, compte tenu du faible espoir de le mener à bien dans le délai imparti, ainsi qu’une réticence marquée de certains juges à accorder la prolongation de la rétention, considérant à tort que les ressortissants de certains pays ne pourront par principe pas être éloignés.

Force est de constater qu’ainsi qu’il l’a été indiqué, la durée maximale de rétention en France est l’une des plus courtes au sein de l’Union européenne. Cette durée maximale légale actuelle de rétention n’est pas cohérente et constitue une entrave dans la coopération consulaire. L’isolement de la France est manifeste à cet égard.

Porter à 90 jours la durée maximale de la rétention permettrait de lever ces difficultés.

5.5. MODALITÉS DAPPLICATION

5.5.1. Application dans le temps

Les dispositions envisagées entreraient en vigueur à compter d’une date fixée par décret en Conseil d’Etat, et au plus tard au premier jour du mois suivant l’expiration d’un délai de six mois à compter de la publication de la loi au Journal officiel. Elles s’appliqueraient aux mesures de rétention ordonnées postérieurement à cette date.

5.5.2. Application dans l’espace

Le présent texte s’applique en France métropolitaine, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint Barthélemy et à Saint-Martin.

5.5.3. Textes d’application

La mise en œuvre de ces dispositions nécessitera un décret en Conseil d’Etat.

126 6. PERMETTRE LA PROLONGATION DE LA RÉTENTION DANS CERTAINES

Dans le document NOR : INTX1801788L/Bleue-1 (Page 123-126)

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