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CHAPITRE II : L’IMMERSION DANS UN ENVIRONNEMENT MARCHAND

IV. Distinguer l’immersion de concepts proches

IV.1. Immersion vs flow

La notion de flow a été introduite dans le domaine de la psychologie par Csikszentmihalyi (1978 ; 1985 ; 1988, 1997, 2000). Elle présente certaines similarités avec la notion d’immersion. Ce concept reflète un état de conscience qui oriente l'énergie psychique pour produire une sensation de bien-être (Goulding, Shankar et Elliott, 2002).

L’état de flow est accompagné d’une concentration intense des activités agréables qui sont considérés comme étant moins pénibles (Csikszentmihalyi 1990). Il engendre une immersion complète dans le contexte de l’expérience et exige une réelle implication par l’individu. Un consommateur en état de flow éprouve un sentiment de bonheur, accompagné d'un sentiment de confiance et d’un désir d'exploration. Dans cet état, un consommateur peut également éprouver une distorsion dans la perception du temps, qui se produit souvent en l'absence de contrainte de temps lors de la conduite d'une activité spécifique qui apporte un feed-back positif (Chou et Ting, 2003). Dans ce cadre, l’immersion va permettre l’accès à l’expérience de flow ou expérience extraordinaire ou encore expérience inoubliable. Plus l’immersion est forte et plus l’état de flow est rapidement atteint. Les expériences de flow sont des expériences optimales et agréables dans lesquelles un individu « contrôle ses actions, maîtrise son propre destin… nous ressentons un sentiment d'euphorie, un profond sentiment de jouissance ». (Csikszentmihalyi, 1990). Il s’agit de l’immersion totale.

Par ailleurs, le flow il correspond à un type particulier d’expérience (Csikszentmihalyi, 1997) où il existe une séquence structurée d’activités, avec un ensemble de buts qui demandent des réponses appropriées. Csikszentmihalyi (1988, p.32) suppose même qu’une situation frustrante « peut soudainement devenir passionnante si l'on tombe sur le juste équilibre ». Le flow s’installe lorsqu’ « il existe une convergence entre le niveau d’enjeux

93 (challenges) et le niveau de compétences (skills) requises et il produit une sensation de bien- être provenant du contrôle de la situation » (Fornerino, Helme-Guizon et De Gaudemaris, 2005, p. 48). Outre l'équilibre des défis et des compétences, l’activité doit avoir des objectifs clairs. L'expérience optimale suggère que les individus soient impliqués dans des situations agréables. En effet, l’immersion totale est impossible lorsque l’individu ne sait, ni ce qu’il faut faire pendant l’expérience, ni comment le faire.

L’expérience de flow se caractérise par une distorsion du temps et l'exclusion des préoccupations quotidiennes : l’individu « perd temporairement la conscience de soi ; son énergie psychique se stimule et le détourne de ce qui doit être fait » (Csikszentmihalyi, 1988, p. 33). Le flow s’exprime communément chez tous les individus, par une concentration focalisée, prête à une fusion avec l'activité (Csikszentmihalyi, 1988, p. 32) et propice à un plaisir profond (Hoffman et Novak, 1996 ; 2009). Csikszentmihalyi (1990, p.4) précise que le

flow est « un état subjectif dans lequel les personnes sont tellement absorbées par une activité

donnée que plus rien d’autre n’a d’importance en dehors de l’activité elle-même. L’expérience en elle-même, est si agréable que les personnes réaliseront l’activité même à un coût élevé et pour le pur intérêt de la réaliser ». Csikszentmihalyi ( 2000) ajoute que cet état de flow se produit généralement lors des activités culturelles, sportives, ludiques ou de loisirs.

Dans le contexte d’Internet, certains auteurs estiment que la navigation est une activité dans laquelle l’individu peut accéder à l’expérience optimale (e.g., Agarwal et Karahanna, 2000 ; Novak, Hoffman et Duhachek, 2003 ; Bridges et Florsheim, 2008). En effet, les réactions des individus dans le contexte virtuel sont très semblables à celles mentionnées dans le contexte physique. Les consommateurs peuvent atteindre l’immersion totale quelque soit le type de l’activité (dirigée vers un objectif ou expérientielle). Hoffman et Novak (2009, p.57) définissent le flow comme « l’état qui apparaît durant la navigation et qui se caractérise par une séquence ininterrompue de réponses facilitées par l’interactivité de la machine, intrinsèquement agréable et accompagnée d’une perte de la conscience de soi et d’un sentiment d’auto-renforcement ». L’état de flow se traduit par un niveau élevé de concentration, de contrôle, de challenge, de plaisir, et de curiosité (Hoffman et Novak, 1996, 2009 ; Koufaris, 2002 ; Bridges et Florsheim, 2008). Il s’agit d’un état optimal de motivation intrinsèque qui résulte de l’équilibre entre le défi perçu et les compétences de l’individu, lorsqu’elles sont stimulées à hauteur d’un seuil critique (Mathwick et Rigdon, 2004). Les consommateurs immergés dans un environnement online ont une forte attention focalisée et l’état d’esprit dans lequel ils se trouvent est extrêmement gratifiant.

94 Le flow est donc un état (e.g., Hoffman et Novak, 1996 ; 2009, Hoffman, Novak et Young, 2000) alors que l’immersion est à la fois un état et un processus. L’immersion est un concept plus large que le concept de flow où le processus d’immersion constitue le moyen d’accès à l’expérience optimale. Toutefois, l’expérience d’immersion peut s’interrompre rapidement, s’effectuer en mini-cycles et peut même être évaluée négativement par l’individu. Quant au flow, il correspond à l’état d’immersion totale, de l’expérience optimale (Hoffman et Novak, 1996 ; 2009) ou expérience extraordinaire (Arnoul et Price, 1993) généralement associé à des émotions positives et au plaisir.

Agarwal et Karahanna (2000) considèrent le flow comme un concept appartenant à un contexte plus large de l'absorption cognitive. Sur la base d’un chevauchement de définitions et à partir d'une série d'études qui a porté sur le flow, ces auteurs lui attachent cinq dimensions : le contrôle, la dissociation temporelle portée par l’immersion, la jouissance, le contrôle et la curiosité. Il conduit donc à une plus grande utilité dans l’activité et à la facilité d'utilisation perçue, pour aboutir à des intentions comportementales positives. Il s’exprime comme l’engagement total et l’immersion absolue dans l’activité (Hoffman et Novak, 1996; Novak, Hoffman et Yung 2000 ; Hoffman et Novak, 2009). Le tableau ci-dessous présente les différences entre l’immersion et le flow :

Concept Nature Expérience Durée Emotion Conditions

Le flow Etat Expérience extraordinaire (fort contenu cognitif et émotionnel, enjeu et interaction sociale) Longue et permanente Positive Le contrôle, la dissociation temporelle portée par l’immersion, la jouissance et la curiosité L’immersion Processus / Etat Expérience ordinaire et / ou extraordinaire. Courte et discontinue Positive et / ou négative L’engagement, l’implication, le contrôle et la concentration

Tableau 8 : Immersion vs. flow

Pour conclure, il est à signaler qu’il n’existe pas de consensus entre la définition du

flow et celle de l’immersion. Le flow constitue un cas particulier d’immersion. Il s’agit de

95 une expérience de consommation agréable, positive et inoubliable, qui génère de fortes stimulations affectives et émotionnelles.

Dans le cas d’une expérience ordinaire, entendue comme « dépourvue du caractère inhabituel, des forts enjeux ou des forts contenus émotionnels » (Fornerino, Helme-Guizon et Gotteland, 2006, p. 8), l’individu peut connaître des moments d’immersion totale ou des cycles de concentration intense, qu’elle soit cognitive et / ou affective, sans aucun enjeu important. Il s’agit alors de l’immersion dont l’accès nécessite la mise en place de compétences personnelles de la part des consommateurs.