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Illustration à partir de génogrammes

II. Les différentes formes de l’alliance

II.3. Illustration à partir de génogrammes

Comme cela a été mentionné dans la méthodologie et montré dans le chapitre précédent, à l'issue des interviews enregistrées lors de cette recherche, quatorze génogrammes ont été dressés. Ils permettent de mieux comprendre certaines caractéristiques fréquemment repérables dans la conjugalité antillaise : organisation familiale matrifocale, monoparentalité persistante, foyers dirigés par des femmes chefs de familles.

L'instabilité imprègne les unions. Elle peut concerner l'homme ou la femme, ou les deux, à des moments différents de leur vie affective. Elle peut être circonscrite à une génération (la précédente, ou la suivante), comme elle peut se retrouver sur plusieurs générations. La constellation familiale ainsi produite n'est pas toujours connue par l'ensemble de la lignée. Certains membres sont plus ou moins proches les uns des autres, d'autres ne se rencontreront jamais.

Les unions successives, qu'elles soient cohabitantes ou non (c'est à dire de type ami), donnent souvent lieu à des naissances. La famille antillaise étant réputée à centration maternelle quelle que soit sa structure, c'est généralement la mère qui assure la responsabilité des enfants. Mais certains enfants circulent d'une famille à l'autre, dès la naissance ou plus tard, définitivement ou pour une période déterminée. Dans une même fratrie, particulièrement lorsque le père et la mère ne sont pas communs à l'ensemble des frères et sœurs suite à des recompositions, il arrive qu'un ou plusieurs enfants ne soient pas à la garde de la mère, mais confiés à son père, ou à la lignée paternelle, après

séparation du couple. Quelques fois les aléas géographiques ou économiques provoquent la rupture des liens entre la mère et l’enfant qu'elle a confié. Celui-ci demeure alors définitivement auprès de la personne qui l'a accueilli.

La succession d'unions procréatives avant et/ou après l'union observée, donne des demi frères et/ou demi-sœurs aux enfants. Ces enfants peuvent être répartis entre plusieurs ménages : partager le même toit (souvent dans ce cas, avec la mère), ou bien vivre auprès de leur propre mère (précédentes compagnes de leur père), ou vivre avec leur père (ou dans sa lignée) ce qui est le moins fréquent. Il apparaît dans les récits recueillis que tous les enfants d'une même lignée paternelle ne se connaissent pas toujours.

Voici deux généalogies qui présentent les caractéristiques les plus communes aux quatorze généalogies recueillies.

Figure n°11. Génogramme de la famille de Valérie (G8)

Les arrières grands-parents de Valérie, qui ne se sont pas mariés, ont donné naissance à trois filles. La grand-mère de Valérie a eu deux enfants nés d'une première union suivie d'une séparation. D'une seconde union est née la mère de Valérie, union elle aussi suivie d'une séparation. A l'âge de

19 ans, la mère de Valérie avait deux enfants nés d'une union de « type ami »220. Elle épouse ensuite le père de Valérie. Puis le couple divorce. Valérie a un demi-frère et une demi-sœur. Sa mère a elle- même deux demi-sœurs. Ainsi sur deux générations se retrouvent des unions instables, suivies de recompositions familiales, des naissances hors mariage, des fratries composées de demi-frères et de demi-sœurs utérins, ou issus du père.

Figure n° 12. Génogramme de la famille de Sylvie (G3)

Le père de Sylvie a un premier enfant né de son mariage. Il divorce quelques temps plus tard. Un deuxième enfant naît d'une union de « type ami ». Il s'installe ensuite avec la mère de Sylvie. Parallèlement à cette union il entretient une nouvelle union de « type ami ». Une enfant naît dans chacun des foyers dans la même période. Toutes les deux sont reconnues par leur père et portent son nom. Puis naissent Mina et Loïs pendant l'union cohabitée de leurs deux parents. Seule Mina est reconnue par son père et porte son nom. Loïs porte le nom de sa mère, car son père n'a pas souhaité le reconnaître. Dans cette fratrie plurimaternelle trois enfants portent le patronyme de leur père, et trois autres le patronyme de leur mère. Sylvie, Mina et Loïs ont deux demi-sœurs et un demi-frère qu'ils ne connaissent pas.

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Ce chapitre montre, par les entretiens recueillis lors de la recherche, les caractéristiques qui imprègnent l'éducation des jeunes, et leur pérennisation dans certaines poches de population de la société antillaise. La forte reconnaissance accordée au statut de mère, le mode d'exercice de la conjugalité ont des effets sur la perception des jeunes concernant ce qui fonde une famille. Les modèles présents dans la génération des parents et/ou des grands-parents sont marqués par l'instabilité des unions, les pluripaternités et plurimaternités. La vie se déroule auprès de la mère le plus souvent. La présence au foyer des hommes est plus inconstante. Les liens avec le père non présent sont quelquefois maintenus, quelquefois rompus. Certains enfants ne connaissent pas leur père. La mère, « poto mitan », demeure le point d'appui sur lequel les enfants peuvent compter.

Chapitre 4. L’ORGANISATION FAMILIALE MATRIFOCALE

En Guadeloupe, les modalités des unions renforcent le rôle de la mère, référent parental stable auprès des enfants. On parle de présence inamovible du pôle focal maternel. Lorsque les conditions de vie sont difficiles matériellement, la solidarité familiale et de voisinage réduit les risques d'isolement. La pauvreté est partagée entre les familles. La fonction paternelle existe malgré la dévalorisation de l’image du père, et le rôle du père peut être caractérisé comme un rôle de « tiers

pluriel ». Dans cette organisation familiale complexe, les enfants restent primordialement attachés

à leur mère.